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L’Alliance Sahel va-t-elle réussir à mitiger le tout-sécuritaire ? Spécial

« Investir aujourd’hui au Sahel pour l’Afrique de demain », cette devise de l’Alliance Sahel serait-t-elle une solution pour combattre l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest ? Comme beaucoup d’autres organisations internationales et projets régionaux qui interviennent dans la région, l’on s’aperçoit que la solution sécuritaire ne serait pas uniquement militaire.

 

En effet, il aura fallu attendre 2017 pour que les partenaires européens du Sahel, par cette initiative, prennent en compte la dimension d’aide publique au développement pour combattre le terrorisme dans la région. Initiée principalement par la France et l’Allemagne, cette aide financière et de coordination de la coopération internationale fait aujourd’hui débat auprès des communautés locales qui souhaitent le retrait de ces partenaires.

 

Depuis 2012, l’espace sahélien est en proie à d’extrêmes violences en raison de la sanctuarisation d’Al-Qaïda puis de l’Etat islamique. Pour lutter efficacement contre ce fléau, une première organisation africaine fut créée en 2014 afin d’apporter une réponse en matière de sécurité et de stabilité sociale grâce au développement et au financement de certains projets, le G5 Sahel. Composé des cinq pays du Sahel les plus touchés par le terrorisme que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Elle sera appuyée en 2017 par la mise en place d’une Force conjointe à travers la résolution n°2359 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour répondre de manière opérationnelle sur le terrain. Mais ladite Force conjointe n’est pas la seule au Sahel puisque la France est présente depuis 2013 avec l’opération Serval puis Barkhane, tandis que l’Union européenne participe avec l’EUTM Mali - Mission de formation et de conseil stratégique - en plus des Nations Unies avec la MINUSMA. Dès lors, le terrain sahélien est submergé d’acteurs militaires rendant la situation complexe. Dr Bakary SAMBE, directeur du Timbuktu Institute dit d’ailleurs que : « Le Mali ressemble à un malade autour duquel il ya tellement de médecins, que personne nest daccord sur le diagnostic. » Ainsi, la situation au Sahel continue de s’enliser malgré l’intervention et l’appui de nombreux partenaires internationaux en raison du manque de coordination.

 

Désormais, il faudra repenser la stratégie et répondre à cette crise sécuritaire qui n’est pas uniquement militaire, mais qui est aussi alimentaire et humanitaire. Pour beaucoup d’experts, répondre à la crise multidimensionnelle sahélienne, c’est faire face aux menaces qui entravent la paix et le développement de la région, notamment en adoptant des réponses sociales à travers des projets d’actions de lutte contre la pauvreté. Avec le contexte de la pandémie mondiale de la Covid-19, le renforcement des services de santé publique et la relance de l’économie sahélienne deviennent une priorité pour les États mais aussi pour les partenaires internationaux. Dès lors, l’Alliance Sahel joue un rôle primordial dans l’accompagnement à la stabilisation et au développement global de la région.

 

Cette plateforme de coordination de la coopération internationale s’appuie sur six secteurs prioritaires que sont : l’éducation et l’emploi des jeunes ; l’énergie et le climat ; l’agriculture, le développement rural et la sécurité alimentaire ; la gouvernance ; la décentralisation et les services de base ; et la sécurité intérieure. En étroite coopération avec le G5 Sahel, l’Alliance Sahel, selon Aliou Maïga[1] : « reste à ce jour la campagne mondiale la mieux structurée pour soutenir la croissance et la stabilité au Sahel »[2]. Lors de la 7ème session ordinaire du G5 Sahel le 15 février 2021, une 2ème assemblée générale de l’Alliance Sahel s’est tenue afin de mettre l’accent sur les stratégies d’Approche de Territoire Intégrée (ATI), de Cadre d’Action Prioritaire (CAPI) et de Programme de Développement d’Urgence (PDU). Cette plateforme fait partie des quatre piliers de coordination de la Coalition pour le Sahel, créée lors du Sommet de Pau le 13 janvier 2020, piloté conjointement avec le G5 Sahel. Elle s’engage à restaurer les bases sociales par le ciblage de secteurs prioritaires et à améliorer durablement les conditions de vie des populations sahéliennes en renforçant la cohésion sociale.

 

Combattre le terrorisme au Sahel, c’est désormais investir dans la résilience des populations par le retour des services de base. Mais est-ce que l’aide publique au développement pourrait véritablement devenir un rempart contre l’extrémisme violent au Sahel d’autant plus qu’elle doit aussi gérer des urgences de plus en plus pressantes ? Enfin, répond-elle de manière convaincante aux interrogations des pays de la région qui déplorent parfois une certaine inversion de leurs priorités avec l’orientation sécuritaire de la coopération internationale ?

 Constance WYBO

*actuellement en stage de fin d'étude en Géopolitique à Timbuktu Institute.

 

 



[1] Directeur régional de la SFI (Société financière internationale) pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale