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RAPPORT - Offensive du JNIM : Entre « Jihad » économique et menace des intérêts étrangers Spécial

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Les récents enlèvements d’étrangers et l’importante rançon de 50 à 70 millions de dollars qui aurait été payée au JNIM pour libérer deux émiratis et un iranien ont ravivé les interrogations sur la sécurisation des investissements et même la viabilité des sites économiques dans l’espace sahélien. Ce phénomène accentue, certes, les effets de la stratégie d’asphyxie économique mais internationalise l’écho d’un « jihâd » économique qui semble, aussi, s’inscrire dans une démarche de fragilisation des régimes militaires en place. L'offensive de la Jamâ’at Nasrat al-Islâm wal Muslimîn (JNIM) inflige des dommages économiques croissants aux intérêts étrangers, transformant les investisseurs et les compagnies étrangers en cibles stratégiques d'une menace hybride et endémique. Les attaques visent, désormais, directement les infrastructures économiques, les sites miniers et les convois logistiques, avec pour objectif stratégique d'asphyxier les économies locales et de délégitimer les régimes en place. En 2025, le JNIM a intensifié ses opérations contre des cibles étrangères, démontrant, en même temps, une capacité croissante à frapper simultanément plusieurs fronts.

Dans la région aurifère de Kayes, plusieurs raids ont été menés. Le 1er juillet, trois ressortissants indiens ont été enlevés à la cimenterie Diamond Cement Factory, provoquant une réaction immédiate du ministère indien des Affaires étrangères. Entre fin juillet et août, six sites industriels chinois, principalement des mines d’or, ont été attaqués, entraînant le kidnapping de ressortissants chinois. Pékin aurait, d’ailleurs, exigé des autorités maliennes une meilleure sécurisation des projets dans cette zone. Le 22 août, la mine de lithium de Bougouni au Mali, exploitée par la société britannique Kodal Minerals, a été prise pour cible, causant la mort d’un agent de sécurité et obligeant un durcissement des mesures de protection. Cette escalade traduit une stratégie sophistiquée : au-delà des attaques directes sur les sites industriels, le JNIM perturbe les chaînes logistiques par des blocus et des embuscades sur les convois, compromettant l’exploitation de ressources stratégiques comme l’or, l’uranium et le lithium. De telles actions touchent divers investisseurs étrangers – chinois, occidentaux, indiens, russes – indépendamment de leur origine, malgré le shift diplomatique vers des partenaires non occidentaux (Chine, Russie, Turquie).

Ce repositionnement n’a pas permis de sécuriser les sites économiques où s’activent les nouveaux partenaires, exacerbant la vulnérabilité persistante des projets extractifs et infrastructurels. Les impacts économiques sont multiples et interconnectés. À court terme, les perturbations opérationnelles entraînent des arrêts de production, des surcoûts sécuritaires et des pertes directes en ressources. À plus long terme, l’insécurité risque de créer un effet dissuasif majeur : les entreprises étrangères hésitent à maintenir ou à accroître leurs investissements dans des zones à haut risque, avec le risque d’une chute drastique des flux d’investissement direct étranger. En même temps, le JNIM exploite habilement les griefs locaux en qualifiant les investisseurs étrangers de « colonisateurs économiques », accusant leurs projets d’exploiter les ressources sans bénéfice pour les populations. Cette rhétorique, amplifiée par la propagande du groupe terroriste, renforce son ancrage communautaire, tout en délégitimant les régimes et leurs nouveaux partenaires. Au-delà des pertes humaines et matérielles, les conséquences stratégiques sont lourdes : risque accru d’expansion de l’insécurité vers les pays côtiers, menace sur les corridors commerciaux régionaux, et l’érosion du soft power des investisseurs étrangers. Face à cette menace hybride, les entreprises et les investisseurs étrangers doivent, nécessairement, adapter leurs stratégies. En définitive, l’offensive du JNIM ne vise pas uniquement les intérêts étrangers en tant que tels, mais les utilise comme levier pour étrangler les économies, affaiblir les régimes en place et consolider son emprise territoriale. Sans réponse coordonnée et durable, cette dynamique risque de provoquer un désinvestissement massif, une contraction économique régionale et une instabilité accrue, avec des répercussions durables sur la stabilité du Sahel et au-delà.

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Dernière modification le lundi, 03 novembre 2025 22:41

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