Bénin : Nouvelle brouille avec le Niger et résurgence de l’ombre terroriste Spécial

© TDR © TDR

Source : Météo Sahel Décembre 2024

Télécharger l'intégralité de la Météo Sahel 

 

Visiblement, la hache de guerre entre le Bénin et le Niger n’est pas encore totalement enterrée, malgré le dégel de leurs relations diplomatiques. En effet, dans un entretien diffusé à la télévision nationale nigérienne le 25 décembre, le général Abdourahamane Tiani a accusé le Bénin de servir de base arrière à des terroristes et de vouloir déstabiliser son pays. Selon les dires du chef d’Etat nigérien, le Bénin aurait acquis cent drones de fabrication chinoise, distribués ensuite à des groupes terroristes du Sahel, le tout sous l’égide de la France et de l’Union Européenne. Cette allégation a été purement rejetée par les autorités béninoises. Le ministre béninois des affaires étrangères, Olushegun Bakari, a dans la foulée adressé le 31 décembre, un courrier adressé au ministre des affaires étrangères du Niger, convoquant la chargée d’affaires du Niger, « pour clarifications (…) en raison d’accusations infondées. »

La relative accalmie sécuritaire observée au cours de ces derniers mois aura malheureusement été de courte durée. En début de mois, deux attaques sont venues remettre en lumière la situation sécuritaire au nord du pays. D’abord, le 3 décembre une attaque d’individus armés non identifiés à Malanville, a causé la mort de trois soldats béninois et de quatre autres blessés, selon une source militaire. Ces militaires faisaient partie d’une équipe chargée de surveiller l’oléoduc reliant les champs pétroliers d’Agadem à Sémè-Kpodji. Puis, le 10 décembre, trois militaires béninois ont perdu la viedans le parc de la Pendjari, situé à la frontière avec le Burkina Faso. « Trois des nôtres ont perdu la vie à l’intérieur du parc. Leur véhicule a sauté sur une mine. On ne peut en dire plus pour le moment », a indiqué de manière laconique au Monde, un officier de l’opération « Mirador ». Ni un bilan officiel, ni l’identité des auteurs n’ont été communiqués par les autorités béninoises. Il faut dire que le Bénin ne communique que très peu sur les incidents dans le nord du pays, où l’armée est depuis maintenant plusieurs années aux prises avec la menace terroriste. Toutefois, les éléments de l’opération Miardor ont déclaré avoir mené le 15 décembre, une offensive ayant permis de « neutraliser sept terroristes présumés »dans la ville de Banikoara. Selon les forces armées béninoises (FAB), entre 2019 et janvier 2024, 43 civils et 27 militaires tués, pour « une centaine de terroristes » neutralisés. Ces pertes ont été pour la plupart attribuées à des combattants djihadistes du groupe Etat islamique (EI) et d’Al-Qaida, présents dans les pays voisins.

Au plan politique interne, le discours à la Nation du 20 décembre du président Patrice Talon devant le Parlement était particulièrement attendu. D’abord, il a reconnu que la situation sécuritaire était inquiétante. « Le seul domaine dans lequel nous sommes toujours à la peine c’est celui de la lutte contre le terrorisme sur la frontière nord du territoire », a-t-il regretté. Pour le reste, le chef de l’Etat s’est globalement félicité de l’état du pays affirmant que « nos succès sont incontestables dans tous les domaines, même si leurs effets ne sont pas immédiatement toujours perceptibles. » A la fin de son discours, Talon n’a pas manqué de fustiger une opposition - selon ses mots - « nostalgiques d’un passé honteux ». Une allocution présidentielle fustigée par l’opposition à l’instar du président du parti Restaurer l’Espoir (RE), Candide Azannai, qui l’a qualifiée de « rhétorique en trompe l’œil, captive de l’hubris », dans une publication sur sa page Facebook.

Quelques jours auparavant – le 11 décembre - , le chef de l’Etat annonçait la nomination de quinze ministres conseillers. Une décision timidement accueillie par une partie de la classe politique et de l’opinion publique, dans un contexte de difficultés socio-économiques dans le pays. C’est le cas de Jean-Baptiste Elias, président du Front des Organisations nationales contre la corruption (FONAC), pour qui ces nominations reposent la question du train de vie de l’Etat. « Les gens se disent : ”voilà la situation, où l’économie est morose”. (…) Quand on sait ce que gagnent les responsables à ces postes politiques, par rapport aux agents de l’État, par rapport à ceux qui sont au Smig, ça crée problème », a-t-il fait remarquer, au micro d’une radio béninoise.