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Depuis les attentats de Ouagadougou et de Grand-Bassam, le Sénégal, qui n’a jamais été victime d’actes terroristes sur son sol, a renforcé la sécurité à proximité de lieux jugés sensibles et a procédé à l’arrestation de plusieurs jihadistes présumés. Alors qu’entre 10 et 30 Sénégalais ont été signalés combattants dans les rangs du groupe Etat islamique en Libye, une équipe de chercheurs dirigée par le spécialiste Bakary Sambe s’est donc demandée si les jeunes Sénégalais pouvaient ou non être séduits par l’idéologie jihadiste.
Une jeunesse éduquée, mais confrontée à la précarité
Les enquêteurs sont allés à la rencontre de 400 jeunes âgés entre 18 et 35 ans, interrogés dans des banlieues de Dakar comme les Parcelles Assainies, Pikine et Guédiawaye. Ils leur ont présenté un questionnaire comprenant une quarantaine de points, notamment «des questions sensibles portant sur les confréries, sur la vision de l’islam, sur l’activité rémunératrice des personnes enquêtées, sur la personne qui, dans la perception des jeunes, connaîtrait mieux le Coran et sur la représentation effective ou supposée de l’islam par les confréries ».
Plusieurs réponses ont permis tout d’abord d’établir un profil type des sondés. Ces jeunes de la banlieue dakaroise sont majoritairement célibataires et plus d’un tiers n’exerce aucune activité rémunératrice bien que plus de 90% d’entre eux ont été scolarisés. Une jeunesse qui considère majoritairement l’Etat comme «défaillant » dans sa lutte contre le terrorisme. Un profil révélateur lorsqu’il est mis en perspective avec les réponses apportées : près de la moitié des jeunes interrogés ont justement estimé « que ce sont la pauvreté et le chômage qui font le lit du terrorisme ».
Des jeunes « méfiants » face à la radicalisation et toujours proches des confréries
Première conclusion de l’enquête : les personnes interrogées ont montré dans leur grande majorité qu’elles étaient méfiantes face à différentes formes de radicalisation. Par exemple, à la question « que faites-vous si vous assistez à un prêche virulent ? », un tiers des jeunes interrogés a répondu qu’ils ne fréquenteraient plus la mosquée en question et 20% des sondés ont affirmé qu’ils avertiraient les autorités. Selon le rapport, les grandes confréries religieuses sont toujours écoutées par la jeunesse « malgré la montée des mouvements dits réformistes » et malgré une perception négative des confréries chez certains jeunes interrogés. Surtout, 90,3% des sondés ont dit ne pas avoir l’intention de s’engager dans un groupe qui défend un islam dit « radical ».
Moins de 10% prêts à rejoindre un groupe radical
L’équipe de Timbuktu Institute s’est ensuite intéressée aux moins de 10% des jeunes interrogés qui ont expliqué aux enquêteurs être prêts à « rejoindre un groupe radical ». Pour ceux-là , « la première raison invoquée est la défense de l’Islam (48%) ». Par ailleurs, ils se sont dits «satisfaits ou n’ont montré aucune réaction aux actions terroristes les plus médiatisées telles que les attentats de Paris » et ont fait part de leur désaccord avec « la présence militaire étrangère, américaine et surtout française qui, selon eux, exposerait le pays à plus de risques ».
Leurs réponses sur des sujets socio-économiques ont également montré qu’il existe au sein de cet échantillon de jeunes prêts à «rejoindre un groupe radical » un rejet du système éducatif « officiel » et un sentiment de « marginalisation ».
Des recommandations
En conclusion, l’Institut propose plusieurs solutions à l’Etat sénégalais pour « compléter les solutions purement sécuritaires » qui, selon le chercheur Bakary Sambe, n’ont « jamais permis de régler la question du terrorisme ». L’équipe du Timbuktu Institute estime tout d’abord qu’il est urgent de lutter contre le chômage des jeunes et de proposer un modèle de société plus égalitaire.
Il faut également trouver une solution au problème de « la dualité du système éducatif sénégalais » : parvenir donc à une égalité des chances entre jeunes Sénégalais issus de l’enseignement français et ceux issus de l’enseignement en arabe. L’Observatoire propose enfin de mettre en place « une plateforme collaborative et inclusive de veille et d’alerte précoce sur les facteurs de radicalisation ».