Tchad : Chape de silence sur les violences de Mandakao ? Spécial

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Source : Météo Sahel Juin 2025

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L’émoi général ne semble pas faiblir au sujet des violences intercommunautaires survenues dans le canton de Mandakao dans le Logone occidental. Si les autorités continuent de défendre la thèse de tueries préméditées sous l’instigation de Succès Masra, le rapport de la mission d'enquête du Collectif des Associations des droits de l'homme (ADH) présente une autre version des faits. Selon celle-ci, « les témoignages recueillis auprès d'habitants du coin, de responsables administratifs ou encore de parents de victimes semblent privilégier un conflit agriculteur - éleveur classique, qui aurait dégénéré, comme cela arrive souvent au Tchad », renseigne RFI. Peu de temps après la publication de cette enquête, le procureur près le Tribunal de Grande Instance de Ndjamena, Oumar M. Kedelaye a prononcé le 14 juin, l’interdiction pour les journalistes et membres de la société civile de se rendre à Mandakao pour enquêter sur l’affaire. Le procureur justifie sa décision « compte tenu de la sensibilité » de l’affaire, martelant que « toute autre démarche parallèle » à l’enquête officielle pourrait être passible de poursuites judiciaires.

Pendant ce temps, de nouveaux massacres survenus entre mardi 10 et jeudi 13 juin dans un village du canton de Molou, dans la province du Ouaddaï, à l’est du pays. Bilan : plus d’une vingtaine de personnes tuées dans des violences intercommunautaires. Et pourtant ce n’est que des jours plus tard, que l’affaire a été révélée dans la presse, alors que selon des sources locales, les autorités locales ont d’abord essayé d’étouffer l’affaire en versant une diya : compensation financière (islamique) expiatoire que doit payer l'auteur d'un homicide à la famille de la victime. Il a fallu en outre la pression combinée des médias, de la société civile et de plusieurs députés du Ouaddaï, pour qu’une mission composée de quatre ministres, dont ceux de la Sécurité publique, de la Justice et le porte-parole du gouvernement, se rende sur les lieux lundi 17 juin. Ces deux événements tragiques, au cours desquels le gouvernement tchadien s’est, selon une partie de l’opinion publique, montré évasif, relance les interrogations quant à la capacité de Ndjamena à assurer la sécurité des populations à l’intérieur du pays.

Succès Masra toujours en prison

Après avoir été placé en détention provisoire en fin du mois de mai, l’opposant et ex-premier ministre Succès Masra a été entendu – le 3 juin - pour la première fois depuis son arrestation. Notamment inculpé pour « incitation à la haine et à la révolte » et « constitution et complicité de bande organisée », il est accusé d'avoir incité au massacre de 42 éleveurs par des cultivateurs le 14 mai dernier, dans sa région natale du Logone occidental. Le 24 juin, Succès Masra annoncé avoir entamé une grève de la faim. Dans une lettre intitulée « Lettre d’une prison du Tchad », l’opposant dénonce une arrestation « injuste et illégale » et justifie sa décision par sa volonté de provoquer la « libération des énergies d’un peuple prisonnier des inégalités ». Du côté de son pool d’avocats, l’on continue de fustiger de multiples irrégularités dans la procédure judiciaire. Par ailleurs, après plus de huit mois de détention, l’opposant Robert Gam, secrétaire général du Parti socialiste sans frontières (PSF) – du feu opposant Yaya Dillo -, a retrouvé la liberté.