Côte d’Ivoire : Prémices d’une crise politique en vue ? Spécial

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Source : Météo Sahel Juin 2025

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Le “ni oui ni non” d’Alassane Ouattara à propos de sa 4ème candidature en vue continue d’alimenter les craintes d’une crise politique dans le pays. En Côte d’Ivoire, la population retient encore son souffle à propos de la candidature de l'actuel Président de la République. Choisi en grande pompe par ses pairs et ses sympathisants, ADO n’a pas encore donné son accord. Il a lâché un message qui plonge encore les Ivoiriens dans l'incertitude quant à sa participation à la présidentielle d’octobre 2025 : “Je vous ai entendus”. Participant au grand congrès de son parti les 21 et 22 juin derniers au stade d’Ebimpé, devant une foule immense venue l’investir en tant que candidat, il a annoncé qu’il prendrait une décision dans les jours à venirconcernant une quatrième tentative. “Je vous remercie pour votre confiance. Je prendrai dans les jours qui viennent, après mûre réflexion, une décision en mon âme et conscience”, déclare le président ivoirien devant des militants déterminés à le faire rempiler à la tête du pays. ADO (84 ans) entretient toujours le flou. Pourtant, ces dernières semaines, ses soutiens se sont multipliés parmi des acteurs politiques influents. 

C’est le cas de Sidi Touré, vice-président exécutif de l'International Libéra et de l'Alliance des Parlementaires Libéraux, qui apporte son soutien face à l’opinion publique. Dans une motion approuvée à l’unanimité, ces soutiens d’Alassane Ouattara s’expriment en ces termes : « Nous reconnaissons dans sa candidature la continuité d'un leadership éclairé, fidèle aux principes libéraux, garant de la paix, du progrès et de l'unité nationale ». Pour justifier leur choix, ils s'appuient sur les résultats économiques obtenus par l'actuel régime, notamment en termes de croissance, de progrès, de réalisation d’infrastructures modernes et de stabilité. Cependant, on ne sait toujours pas s’il briguera ou non les suffrages pour présider aux destinées du peuple ivoirien pour les cinq années à venir. Ce congrès du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) intervient dans un contexte pré-électoral tendu marqué par le retrait de grands ténors de la sphère politique ivoirienne de la course à la présidentielle, à l’instar de Thiam, Gbagbo, Soro et Blé Goudé.

 Unisson autour de l’opposition pour mieux faire face au pouvoir

De leur côté, les partis d'opposition s’organisent pour résister et faire face au RHDP qui, chercherait à empêcher certains de ses ténors de participer à la prochaine présidentielle. Ils se sont regroupés autour de la Coalition pour une alternance pacifique en Côte d’Ivoire, coordonnée par le leader du PDCI depuis l’Europe où il se trouve actuellement. Ce dernier a mis sur pied un front commun PPA-CI–PDCI avec Laurent Gbagbo pour faire face au RHDP. Les deux principales figures emblématiques de l’opposition qui ont marqué la vie politique ivoirienne ont décidé de mutualiser les forces et de coordonner les actions dans un accord rendu public le 19 juin dernier. Le communiqué conjoint signé par Sébastien Dano Djédjé, président exécutif du PPA-CI, et Noël Akossi Bendjo, vice-président et coordonnateur général du PDCI-RDA, indique que les deux partis ont décidé de créer un front commun “conscients de la nécessité de mutualiser leurs forces pour relever les défis liés au processus électoral”. 

Parmi leurs revendications majeures, ils exigent leur la réinscription sur la liste électorale des candidats recalés, la révision de la liste électorale pour l'année 2025, l’ouverture urgente d’un dialogue politique incluant l’ensemble des forces politiques et la société civile, entre autres, pour parvenir à l'organisation d’élections “démocratiques, apaisées et crédibles”. Selon eux, “Le PPA-CI et le PDCI ont décidé d’unir leurs forces pour que le gouvernement entende le message des Ivoiriens, à une heure où se joue véritablement l’avenir de notre pays”. 

Au début de ce mois, la Commission électorale indépendante (CEI) a officiellement publié la liste définitive des candidats retenus, écartant du même coup le carré d’AS de l’échiquier politique ivoirien : Thiam, Gbagbo, Blé Goudé et Soro. Cette décision a été décriée par la classe politique et d’importantes figures de la société civile. Selon Tidjane Thiam, c’est “révélateur de l'abandon de la démocratie par la Côte d'Ivoire”. Tout porte à croire que le pays se dirige vers des élections sans l'opposition représentative.

Pour garantir des élections inclusives, le pouvoir fait des promesses et menace

Du côté du pouvoir, les gages d’élections inclusives ont été assurés, mais avec des candidats admissibles à la prochaine présidentielle. C’est ce qu’a révélé le porte-parole du gouvernement à l’occasion des « Rendez-vous du RHDP » le 18 juin dernier à Cocody, précisant que « personne ne va exclure personne ». Selon Kobenan Kouassi Adjoumani qui a tenu des propos menaçants : « Que ceux qui ne sont pas éligibles et qui veulent faire un forcing, s’abstiennent, parce que cela ne marchera pas. » Il a également profité de l’occasion pour rappeler à tous les acteurs la nécessité d’organiser des élections dans le calme, car la stabilité du pays en dépend. La Côte d’Ivoire, qui a vécu des périodes électorales douloureuses par le passé, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. 

Au même moment, l’ex-ministre Jean-Louis Billon ne semble pas vouloir lâcher du lest. Bien qu'il soit candidat déclaré à la présidentielle malgré les consignes de son parti, il a entamé une grande tournée de mobilisation afin de recueillir les parrainages nécessaires à la validation de sa candidature. Ce 28 juin dernier, il était de passage dans les localités de Tanda, Kouassi-Datékro et Sandégué, où il a répété son message-clé : le nationalisme économique et l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens, une fois élu. Prenant la parole, il a tenu à livrer un message plein d’espoir et d’engagement. “Je connais vos attentes, je vois votre souffrance. Demain, quand je serai élu, je serai le président de tous les Ivoiriens, sans exception. Je peux vous rassurer que personne ne perdra son emploi…”, a-t-il martelé. Une autre candidature a été déclarée ces derniers jours : celle de Diaby Amadou, que beaucoup surnomment le “Macron ivoirien”. Lors d'une conférence de presse donnée ce vendredi 27 juin à Cocody, le leader de l’Association pour la Promotion des Actions de Développement (APAD) a plaidé pour la nécessité de créer suffisamment de richesses afin de répondre aux défis actuels et futurs du pays. L’économiste a ainsi l’ambition de faciliter l’accès au financement et de lutter contre le chômage des jeunes qui représentent plus des trois quarts de la population.

Doumbouya à Abidjan : les dessous d’une visite d’État

Sous le registre diplomatique, le président de la transition guinéenne a foulé le sol ivoirien le 18 juin dernier pour une visite d’État de deux jours. Ce déplacement marque en effet un tournant décisif dans la consolidation des relations bilatérales entre les deux pays. Après le Rwanda, le Gabon et le Sénégal, le président de la transition guinéenne s'est rendu en Côte d’Ivoire afin de concrétiser son engagement pro-africain à la tribune des Nations unies à New York : “Nous sommes pro-Africains”. Cette visite d’amitié et de travail entre Conakry et Abidjan a été l’occasion pour les deux hommes d'évoquer la situation économique, politico-sécuritaire de leurs pays respectifs et du Sahel. Le président ivoirien a fait part à son homologue guinéen de sa profonde conviction que la stabilité politique est la clé de tout développement durable. Il a affirmé que la Côte d’Ivoire suit avec beaucoup d’intérêt la situation en Guinée et n’a pas manqué d’exprimer son “vœu de voir la Guinée retrouver son luxe d’antan et poursuivre sa marche vers le progrès économique et social”. Abordant le volet sécuritaire, le colonel Doumbouya mesure à sa juste valeur la situation préoccupante et la menace qui pèsent sur les pays côtiers. Réitérant son engagement sans faille, il a assuré être plus que jamais “décidé à continuer d’apporter une assistance pour permettre aux pays du Sahel de faire face aux besoins humanitaires et sécuritaires”.