La Guinée : une longue marche vers le retour à l’ordre constitutionnel ?  Spécial

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Source : Météo Sahel Juin 2025

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La transition politique de la Guinée entre dans une phase déterminante, avec des évolutions récentes qui laissent entrevoir une dynamique davantage orientée vers la consolidation du pouvoir militaire que vers un véritable retour à la démocratie. Bien que les autorités de transition réaffirment leur engagement à respecter le calendrier électoral, les événements de juin 2025 révèlent certaines contradictions susceptibles d’affaiblir la confiance dans le processus en cours. 

Réécriture des règles constitutionnelles 

Le 30 mai, le Conseil national de la transition (CNT), qui fait office de Parlement en Guinée, a discrètement adopté — à la quasi-unanimité — un projet de Constitution qui pourrait devenir bientôt la nouvelle loi fondamentale du pays. Ce texte prévoit d’allonger le mandat présidentiel de cinq à sept ans. D’après le président du CNT, Dr Dansa Kourouma, qui a pris la parole lors d’une conférence de presse le 29 juin à Conakry, ce mandat est renouvelable une seule fois. Cependant, beaucoup de Guinéens restent inquiets. Certains craignent que sans véritables débats publics ni oppositioninstitutionnelle, cette règle puisse être modifiée plus tard pour permettre à un président de rester au pouvoir sans limite claire. Si la nouvelle Constitution est approuvée lors du référendum du 21 septembre, le Général Mamadi Doumbouya, actuel chef de l’État, pourrait ainsi se présenter à l’élection présidentielle de décembre, bien que la charte actuelle l’en empêche.

Le silence des principales institutions nationales et le manque de transparence entourant le projet de constitution indiquent un effort stratégique visant à consolider le pouvoir sous le couvert d'une réforme juridique. Le 14 juin, Mamadi Doumbouya a annoncé la création de la Direction générale des élections (DGE). Ce nouvel organisme est chargé d'organiser à la fois le référendum et les élections présidentielles et législatives de décembre. Cependant, sa crédibilité en tant qu'institution indépendante et neutre est discutable, car il est entièrement contrôlé par l'exécutif, sa direction étant nommée par décret présidentiel et ses activités placées sous l'autorité d'un ministère. Une institution créée pour garantir l'équité des élections est elle-même soumise à l'influence des détenteurs du pouvoir et risque d'être utilisée comme un outil de consolidation du pouvoir. 

Alliances émergentes 

Parallèlement, la Guinée s’efforce de consolider ses partenariats régionaux et internationaux. Récemment, la Guinée et le Sénégal ont signé un accord de coopération couvrant plusieurs secteurs, allant de la sécurité à la culture. Le 17 juin, leGénéral Doumbouya s’est rendu en République de Côte d'Ivoire pour rencontrer le Président Alassane Ouattara, notamment afin d’échanger sur les enjeux sécuritaires régionaux, en particulier la progression de groupes tels que le JNIM et l’État islamique au Sahel. La Chine a également réaffirmé son soutien lors d’une conférence de presse à Conakry, au cours de laquelle l'ambassadeur chinois Huang Wei a présenté les détails de sa mission en Guinée. Desnouvelles initiatives dans les domaines des infrastructures, de la santé et de la sécurité publique, témoignant d’un partenariat stratégique qui se renforce. À travers ces efforts diplomatiques, la Guinée manifeste sa volonté de réaffirmer sa souveraineté et de consolider sa place au sein de l’espace régional et international. À l’approche du référendum et des élections, une question cruciale demeure : s’agira-t-il du rétablissement de la démocratie en Guinée ou de la légalisation d’un régime autoritaire ?