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Kayes, première région administrative du Mali créée par la loi n°60-3-A.L.R.S du 7 juin 1960, occupe une position stratégique tant sur le plan géographique que sociopolitique. Située à l’extrême ouest du pays, elle est bordée par le Sénégal à l’ouest, la Mauritanie au nord, la Guinée au sud et la région de Koulikoro à l’Est. Cette région reste un hub économique stratégique avec la deuxième plus importante contribution au PIB malien après Bamako. Kayes constitue, aussi, un carrefour culturel et migratoire dans la sous-région sahélienne et en Afrique de l’Ouest. Cette position stratégique, renforcée par sa proximité avec des pays voisins et son rôle dans les dynamiques migratoires transfrontalières, en fait une zone clé pour la stabilité du Mali et la sécurité dans la région ouest-africaine.
Cependant, cette position expose également Kayes à des défis complexes, marqués par des conflits structurels et conjoncturels qui menacent la cohésion sociale et la sécurité. Ces dynamiques conflictuelles dans la région de Kayes sont liées à des facteurs historiques, sociaux et économiques, amplifiés par les rapides évolutions contemporaines. Parmi les conflits structurels, ceux liés à l’esclavage par ascendance occupent une place centrale, en particulier dans des communes comme Oussoubidiagna. Les tensions récurrentes, opposant les « lambé » (considérés comme nobles et supposés primo-installés) au Collectif des Sans-Papiers (CSP), révèlent une fracture sociale héritée des pratiques culturelles ancestrales et, aujourd’hui, exacerbée par les influences modernes, notamment via les réseaux sociaux et les collectifs associatifs issus des diasporas.
Ces conflits, marqués, quelques fois, par des affrontements, des expropriations de terres et une tendance à la détention et à l’usage d’armes, illustrent la persistance et le poids sociopolitique et culturel de hiérarchies sociales rigides et leur impact négatif sur la paix et la cohésion communautaires. Par ailleurs, les conflits entre agriculteurs et éleveurs, fréquents pendant la saison des pluies, sont aggravés par la pression démographique, la transhumance et la compétition accrue autour des ressources naturelles, notamment les terres agricoles et pastorales. Ces dynamiques sont compliquées par des facteurs conjoncturels, tels que l’extension progressive de l’insécurité du nord et du centre du Mali vers le sud, où le groupe terroriste JNIM (Jama'at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin) pourrait exploiter les frustrations locales pour recruter localement et intensifier les tensions.
Dans cette note, il s’agit d’analyser la manière dont le JNIM procède à la fragilisation progressive de la résilience d’une région restée longtemps relativement en dehors de son champ d’action en menant une forme de « jihad » économique par le ciblage des axes logistiques vitaux la volonté affirmée de procéder à des blocus tout en renforçant le contrôle les flux économiques. De même, la stratégie du JNIM basée sur un processus de déstabilisation progressive et l’attaque aux intérêts économiques étrangers sera passée en revue. Une dernière partie analysera les implications et les conséquences immédiates et à moyen terme de cette offensive du JNIM sur la sécurité des pays voisins du Mali, principalement, la Mauritanie et le Sénégal de même que la menace qu’elle représente pour la stabilité régionale.