Coopérations sécuritaires : Du nouveau dilemme sahélien aux malentendus non avoués [Par Dr. Bakary Sambe] Spécial

 

Au-delà de l’impression d’une primauté du sécuritaire sur le développement, imposée par le péril terroriste, le débat s’installe quant à la pertinence des choix ou de l’inversion des agendas avec une gêne partagée due à l’inefficacité des stratégies jusqu’ici adoptées. Pendant ce temps, des signaux inquiétants, comme l’émergence d’un discours désormais « décomplexé » visant à décrédibiliser la lutte contre le terrorisme, risquent de compromettre les concordances de vues entre la communauté internationale et les partenaires sahéliens fortement acculés par des oppositions et pressions internes.

Cette situation se double d’un climat délétère qui impose une évolution terminologique au risque de mal nommer une violence aux manifestations diversement perçues. Là où les analystes et les médias s’enferment dans le paradigme « djihadiste » ou « terroriste », les populations des zones frontalières et les responsables militaires et politiques locaux évoquent du « banditisme » et de la « criminalité » sans aucune dimension idéologique ou militante. De plus, la classification unilatérale en « zones à risques » de certaines régions impacte fortement l’attitude des États de la région face à la problématique de l’extrémisme violent ou du terrorisme. Ces derniers  se réfugient confortablement dans le déni politique ou pragmatique pour des raisons d’attractivité économique en termes d’investissements étrangers.

La domination du paradigme « djihadiste » impose aussi des réponses politiques qui ne prennent pas en compte la diversité des réalités et les modes d’expression de cette violence dite « extrémiste », et plus encore, l’évolution des critères d’évaluation de la menace.

Ainsi, dans leur appréciation de la situation sécuritaire, les États du Sahel sont comme contraints de s’aligner sur des standards analytiques produits par une « pensée dominante » et peu contextualisée.

Cela pour deux raisons : la première est liée à la dépendance de ces derniers pour faire face à la menace ; la seconde tient à la définition de critères qui traduisent parfois l’absence de préoccupations partagées.

Ce hiatus date du début de la crise malienne où l’espoir et l’urgence d’une stabilisation devaient passer par l’organisation de l’élection présidentielle de 2012 dont la préparation avait imposé des compromis précaires, qui se sont également répercutés sur l’appréciation de la situation sécuritaire et sur les solutions appropriées.

L’enferment dans des schémas classiques n’a toujours pas permis de saisir les mutations profondes qui s’opèrent sur le terrain sahélien. Les efforts de spécification ou de différenciation n’ont pas suivi alors qu’il y a d’énormes différences entre les situations locales et la conception internationale de la lutte contre le terrorisme. Dans un tel contexte, certains évoquent l’enlisement alors que d’autres se penchent déjà sur les possibilités de sortie d’une crise dont le diagnostic même ne fait pas l’unanimité.