Sacré-Coeur 3 – BP 15177 CP 10700 Dakar Fann – SENEGAL.
+221 33 827 34 91 / +221 77 637 73 15
contact@timbuktu-institute.org
Par Pr. Mohamed-Chérif FERJANI
Président du Haut Conseil de Timbuktu Institute
Le terrorisme islamiste continue, sans relâche, à commettre des crimes barbares partout dans le monde contre tout ce qui représente aux yeux de tous les fanatiques intégristes une insupportable liberté : penser et s’exprimer sans tutelle ni entrave, enseigner de façon à développer l’esprit critique pour former des citoyen(ne)s difficiles à gouverner et à embrigader par quelque idéologie que ce soit.
Le vendredi 16 octobre 2020, la France est à nouveau frappée par la haine aveugle des ennemis de la liberté : après les attentats visant le la liberté d’expression, à travers le lâche assassinat des journalistes de ‘‘Charlie Hebdo’’, le mode de vie d’une société libre à travers l’attentat du Bataclan, la liberté de conscience à travers les attentats visant des ministres de cultes et des fidèles d’autres religions (juifs et chrétiens), c’est autour de l’enseignement d’être la cible de la haine islamiste à travers la décapitation du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, près d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine où il enseignait, par un terroriste islamiste russe d’origine tchétchène, au motif que l’enseignant avait montré, dans un cours sur la liberté d’expression, des caricatures dont celles publiées par ‘‘Charlie Hebdo’’ représentant le Prophète de l’islam.
Les partisans de la haine ne désarment pas
Si la plupart des réactions, en France et ailleurs, sont marquées par la sidération, l’émotion, la révolte contre ce crime hideux, la compassion et la solidarité avec la famille de Samuel Paty, le corps enseignant et la France dans sa diversité culturelle, spirituelle et politique, les partisans de la haine et leurs avocats de toujours ont salué comme un exploit vengeur de «l’islam» et des «victimes» de «l’arrogance occidentale» et de la «suprématie blanche» : outre les mouvements jihadistes se reconnaissant dans ce crime ignoble, beaucoup d’islamistes ont salué cet acte terroriste en proférant des menaces contre toute personne, toute institution et tout Etat qui porterait atteinte à ce qu’il y a de plus sacré aux yeux des musulmans, l’image de leur Prophète, à l’instar de ce qu’a déclaré un député islamiste tunisien Rached Khiari.
Au lieu de condamner fermement et sans équivoque le crime odieux, certains avocats de l’islamisme, y compris en France, ont préféré focaliser leur dénonciation sur les réactions islamophobes, passées, présentes et à venir, qui mettent à l’index une partie de la population, les musulmans, pour en accentuer l’exclusion et le rejet dont ils font l’objet, sans rien dire de l’idéologie de la haine et de la mort qui a armé la main du terroriste.
D’autres, tout en condamnant le crime odieux et l’idéologie qui l’inspire, se sont demandé si l’enseignant n’avait pas fait preuve de légèreté ou de manque de pédagogie en présentant des caricatures susceptibles de choquer la sensibilité des élèves, de leurs familles ou de leur «communauté», alors qu’il n’a fait qu’illustrer son cours au sujet de la liberté d’expression.
Une telle réserve est déjà une concession de trop aux ennemis de la liberté d’expression : ce n’est pas aux élèves, ni à leurs familles ou aux communautés des uns et des autres de déterminer les contenus des cours mais aux autorités éducatives. Si on s’engage sur ce terrain, on pourra aller jusqu’à l’interdiction de la philosophie, de telle ou telle partie des programmes d’histoire, de littérature ou des sciences de la vie et de la terre pour ne pas choquer la sensibilité des créationnistes ou des communautés qui voient dans certains enseignements des provocations à leurs croyances.
Ne pas se soumettre au diktat des obscurantistes
L’éducation doit être sanctuarisée au même titre que la recherche, la création artistique et d’autres domaines qui ne doivent pas dépendre de la doxa et de l’état de l’opinion publique. Sinon, c’est la voie vers la soumission à l’obscurantisme et au diktat des ennemis de l’esprit critique, de la recherche, de toute création et de la liberté d’expression. C’est pourquoi, plus que jamais, la liberté pédagogique dans le respect des programmes scolaires, de la recherche, de la création et de l’expression doit être défendue sans la moindre concession, sans la moindre complaisance à l’égard des ennemis de cette liberté fondamentale.
Certes, comme par le passé, partout, et de tous les temps, ce genre de crime aura des effets néfastes : les idéologies xénophobes prônant les replis sur les identités meurtrières – qu’elles soient religieuses, ethniques ou nationalistes –, essayeront d’en tirer profit pour trouver des boucs émissaires, diviser les victimes de l’exclusion afin de les détourner du combat contre les véritables causes de leurs malheurs : les politiques néolibérales qui démantèlent les services publics, s’attaquent aux droits économiques, sociaux et culturels et mettent à mal le vivre ensemble. C’est la raison pour laquelle la lutte contre le terrorisme islamiste doit aller de pair avec la résistance à tous les replis identitaires, la défense des services publics, la promotion des droits qui permettent aux citoyens de s’arracher à l’étouffoir des solidarités de leurs communautés exclusives.
Sans nier ou suspecter les appartenances et les identités auxquelles sont attaché(e)s les une(e)s ou les autres, nous devons faire en sorte de les conjuguer avec l’universalité de l’humain, le respect des libertés et droits qui doivent être garantis à tou(te)s par delà les différences de sexe ou de genre, d’origine, de culture, de couleur de peau, de croyance, de spiritualité ou de philosophie, d’orientation sexuelle, ou de tout autre ordre.
Contre le terrorisme islamiste et contre tous les replis sur des identités meurtrières négatrices des libertés et des droits humains, nous devons nous unir tou(te)s : athées, musulman(e)s, agnostiques, chrétien(ne)s, juif(ve)s, hindouistes, bouddhistes, de toute spiritualité, philosophie ou religion, de gauche ou de droite, sans la moindre indulgence, la moindre justification, la moindre compréhension à l’égard de la décapitation d’un professeur en raison du contenu de ses cours.