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Le jeudi 11 mars dernier, l’Azalaï Grand Hôtel de Bamako a abrité l’inauguration du Bureau Mali et Sahel de Timbuktu Institute. Placée sous la présidente effective du Colonel-major Oumar Coulibaly, cette cérémonie a vu la participation d’importantes personnalités dont plusieurs représentants du corps diplomatique.
Parmi les ambassadeurs ayant effectué le déplacement pour ce baptême de feu, on notera ceux du Maroc, du Sénégal, de la Mauritanie, de plusieurs diplomates égyptiens, européens, etc. Pour la circonstance, le thème choisi à savoir » Stabilisation du Mali : quelle place pour les stratégies endogènes ? » n’est pas fortuit. Selon Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies, Coordonnateur de l’Observatoire des Radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA), jusqu’ici notre expertise locale dans le processus de paix et de stabilisation n’a pas été assez valorisée. C’est dans ce cadre qu’il a évoqué le cas des griots ainsi que le cousinage à plaisanterie qui font partie de l’identité culturelle du Mali.
A ses yeux, il faut une mutualisation des compétences et des échanges des bonnes pratiques. A en croire Dr Bakary Sambe, la stabilisation du Mali est importante pour toute l’Afrique. Raison pour laquelle après Dakar et Niamey, Timbuktu Institute a décidé d’ouvrir un bureau au Mali. Il a comme mission de couvrir tout le Sahel à travers des stratégies de prévention de la violence, de consolidation de la paix et du renforcement du dialogue inclusif. C’est ainsi que l’orateur a mis l’accent sur la nécessité d’écouter les communautés à la base qui ont des solutions endogènes aux différentes crises dont les résultats sont plus efficaces que la conception internationale.
Des expériences maliennes à valoriser
Il a profité de l’occasion pour saluer certaines expériences maliennes de prévention des crises tel que le Dialogue National Inclusif (DNI) dont les recommandations peuvent contribuer au retour de la paix si elles sont appliquées correctement. Pour lui, la finalité de tout, c’est le retour de la paix au Mali et dans la sous-région. L’occasion a également été mise à profit pour rappeler les six axes pragmatiques de Timbuktu Institute que sont la Prévention des conflits et des violences y compris l’extrémisme violent, la Promotion de la culture de la paix par l’approche éducative et la valorisation des ressources endogènes, du patrimoine culturel et le renforcement de la résilience ; la Médiation et résolution des conflits par le dialogue inclusif favorisant l’implication efficiente et le leadership des femmes et des jeunes ; la Contribution active à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) par une communication sociale axée sur l’innovation technologique et les stratégies digitales ainsi qu’une meilleure synergie des initiatives et un dialogue Sud-Nord constructif ; l’ Inclusion sociale des jeunes afin de réduire les vulnérabilités socio-économiques exposant aux risques liés à la criminalité? Transfrontalière, la traite des personnes et la migration irrégulière ; l’Education aux Droits humains et à la diversité culturelle afin de lutter efficacement contre les inégalités et les discriminations. A noter que cette initiative a été saluée par le Représentant du Premier Ministre, Colonel-major Oumar Coulibaly qui a promis «un accompagnement des autorités».
Société civile faible
Dans l’exposé qu’il a présenté l’ancien ambassadeur Moussa Makan Camara, non moins Président de la Fondation Balanzan, s’est surtout appesanti sur le rôle joué par la société civile dans la résolution des conflits. Il n’a pas manqué de mettre en lumière les limites de l’intervention de celle-ci dans les processus de paix tels que son instrumentalisation à des fins politiques ou matérielles et le manque de transparence dans son fonctionnement et dans sa gestion. Par ailleurs, il est aussi revenu sur les différentes initiatives de sa fondation pour contribuer à la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger. Pour autant il n’a pas manqué de préciser que les différentes parties s’accordent sur la nécessité d’une révision consensuelle avec les mécanismes prévus par le même document. De son côté, l’ancienne ministre Maiga Sina Damba, Vice-Présidente du Réseau des Femmes Ministres et Parlementaires du Mali et membre du Comité de Suivi de l’Accord d’Alger, est revenue sur la place des femmes ainsi que les initiatives féminines dans la stabilisation et la mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali.
Selon elle, bien que marginalisées, les femmes ont joué un rôle central dans le règlement de la crise qui secoue le Mali depuis 2012. Elle n’a pas manqué de rappeler que les femmes ont payé le plus lourd tribut dans cette crise même si leur prise en compte est encore très faible.
Nécessité de la justice transitionnelle
Pour sa part, le Président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), Ousmane Oumarou Sidibé a indiqué que sa structure joue un rôle central dans le règlement de la crise malienne. Contrairement à d’autres pays où les bourreaux sont parfois mis en face de leurs victimes, le cas du Mali ressemble plutôt à celui expérimenté par la Colombie où ce sont surtout les victimes qui sont écoutées. Avant que des réparations et des dédommagements ne leur soient proposés. A ses yeux, il est important de laisser les procédures judiciaires se poursuivre dans la mesure où elles ne sont pas antinomiques avec le travail réalisé dans le cadre de la justice transitionnelle. L’occasion pour lui de rappeler que sa structure a déjà recensé plus de 20.000 témoignages de victimes qui seront entendus au cours de six audiences publiques dont deux ont déjà été organisées. Autre tâche majeure réalisée par la CVJR, c’est l’élaboration d’une cartographie des violations des droits de l’homme de 1960 à nos jours. A ce travail, il faut aussi ajouter la finalisation d’une politique de réparation des victimes qui a été très participative. Une grande première en Afrique. Des avancées également saluée par l’ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, Cheick Sidi Diarra, ancien président du comité d’organisation du dialogue national inclusif. Ce dernier a aussi salué le choix de Timbuktu Institute d’avoir un bureau au Mali chargé de couvrir tout le Sahel.
Solutions maliennes pour le règlement de la crise
Abondant dans le même sens, le ministre de la Réconciliation nationale, Colonel-Major Ismaël WAGUE, clôturant les travaux, a félicité Timbuktu Institute pour avoir ouvert un bureau au Mali tout en précisant que cette démarche aurait dû être faite depuis le lancement des activités de cette structure en 2016. Il a aussi rappelé que les autorités ne ménageront aucun effort pour accompagner cette structure. A l’en croire, les problèmes du Mali ne peuvent être réglés sans les Maliens. Même s’il soutient l’existence de facteurs exogènes venus compliquer la crise que connait le pays depuis 2012, il estime que c’est «aux Maliens de se transcender pour trouver les solutions idoines». Pour lui, il est nécessaire de faire bloc pour que la paix et le vivre ensemble revienne de nouveau.
Massiré DIOP
Source : l’Indépendant