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Par Ibrahima Harane Diallo, Junior Fellow
Timbuktu Institute (Bamako)
La communauté internationale a appris avec stupéfaction les massacres des populations civiles perpétrées dans la nuit du 18 au 19 juin dernier dans le cercle de Bankass au Centre du Mali. Un modus operandi semblable à ceux des précédentes attaques contre des populations civiles dans les mêmes régions. En effet, le mode opératoire nous rappelle les malheureux massacres contre Ogossagou(1) en mars 2019 ou encore de Sobane(2) en juin 2019.
Ces attaques interviennent, paradoxalement, dans un contexte de montée en puissance de l'armée malienne mais aussi de mise en œuvre des nombreux programmes et opérations militaires spécifiques. Il s’agit, par exemple, de la loi d'orientation et de programmation militaire ou encore de la loi de sécurisation intégrée des régions du Centre. Les opérations spécifiques concernent l’opération Kélétigui(3) ou encore l’opération Maliko.(4)
Alors qu’est ce qui n’a pas bien fonctionné ? En d’autres termes, pourquoi une armée qu’on dit monter en puissance n’est quand même pas parvenue à prévenir les massacres perpétrés dans plusieurs localités du Centre du pays ? Ce sont, entre autres, des questions légitimes que de nombreux observateurs dans le domaine sécuritaire se posent ?
Aujourd’hui, il ressort d’une réalité empirique que les défis fondamentaux, notamment, en matière des moyens lourds de combats, des moyens militaires volants ou encore de munitions qui s’étaient posés dans le temps à l’armée malienne sont en train de trouver des réponses à travers de nouvelles coopérations militaires et des nouvelles visions de l’armée portée par l’élite militaire actuelle du pays.
Il est, toutefois, important que des défis stratégiques puissent bénéficier d’une attention particulière de la part des responsables en charge des questions militaires et de défense. Il s’agit, en effet, des défis liés au renseignement. L’épineuse question de renseignement et son rapport avec les massacres de Dessagou et de Diallassagou(5) devrait être traitée une bonne fois pour toute. Les services de renseignements ne doivent pas seulement être renforcés en moyens opérationnels mais c’est le système opérationnel même qui reste à repenser.
Les forces de défense, de sécurité et les services de renseignement doivent s’adapter à, un moment donné, aux stratégies et au modus operandi même de l’ennemi. A ce niveau Napoleon Bonaparte(6) disait que pour lutter, efficacement, contre l’ennemi, il faut emprunter les mêmes moyens que lui. Cette doctrine suppose que les forces de défense puissent s’il le faut monter à bord de motos lorsqu’ils sont dans une zone où l'ennemi emprunte une moto pour commettre, efficacement, son forfait. Ils doivent être en mesure de monter à bord des charrettes si l’ennemi emprunte une charrette pour être efficace en menant des opérations.
La réadaptation des moyens de combats qui peut aller jusqu’à l’infiltration est plus que nécessaire. Les grandes armées du monde ont, également, engrangé des nombreux succès en matière de guerre asymétrique à travers le recours des méthodes d’infiltration ayant permis non seulement de déjouer des grandes opérations programmées par l’ennemi mais aussi de le surprendre par des attaques programmées selon des périodes opportunes.
Partant du postulat selon lequel une armée solide ne se construit pas en deux ou trois ans, et du constant que l’état de désorganisation et de destructuration de l'armée malienne avait atteint un seuil important durant ces décennies précédentes à la faveur des crises politiques répétitives ou encore de la mauvaise gestion des processus de paix, la nouvelle école militaire du Mali doit être une opportunité pour une meilleure réadaptation des opérations militaires au contexte de conflits qui, de plus en plus, se complexifient. Cette réadaptation s’avère aussi nécessaire au regard de la complexité des enjeux sécuritaires, stratégiques et géopolitiques au Sahel.
Au-delà des équipements et de la réforme, une réadaptation de l’armée malienne aux évolutions sécuritaires est plus qu’opportune pour faire face aux défis d’un contexte sécuritaire en perpétuelle évolution.
Ibrahima Harane Diallo, Journaliste-Politologue, chercheur à l’Observatoire sur la Prévention et la Gestion des Crises et Conflits au Sahel