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Par Hervé BRIAND - Senior Sahel Analyst
L’opération militaire française "Serval", réclamée par les autorités maliennes en janvier 2013 et jugée « salvatrice », a été un succès incontestable et incontesté, tant sur le plan sécuritaire que sociétal, porteuse alors d’un immense espoir auprès de la population malienne, mais décevant ensuite sur un plan politique.
Mais, l’opération militaire française "Barkhane" qui lui a succédé, si elle a sans doute trop duré sous sa forme actuelle, semble avoir été (injustement) perçue par une partie non négligeable de la population malienne comme une "armée d'occupation". L'erreur serait de ne pas avoir transformé structurellement, dès 2018, "Barkhane" en une nouvelle 3ème opération militaire française, beaucoup plus discrète et axée exclusivement sur un "appui stratégique, technique/logistique et de renseignement militaire" au service des forces armées maliennes.
Mais, il faut, cependant, reconnaître les succès incontestables de l’opération « Barkhane », dont la neutralisation du chef d’AQMI, et rendre hommage aux 59 militaires français morts au Sahel dans la lutte antiterroriste, ce, depuis les neuf ans de présence militaire française.
De nos jours, il est clair qu'à l'heure des réseaux sociaux, très largement relayés au sein des populations sahélo-sahariennes, surtout parmi la jeunesse ouest-africaine, la communication des États concernant leurs activités effectives sur place, notamment celles de la France, est devenue primordiale ! Or, il est souvent perçu par certains locaux que des conceptions occidentales parfois figées, mal adaptées aux réalités locales et souvent déjà trop complexifiées au sein de l'Europe et pour les Européens eux-mêmes, l'étaient bien évidemment encore davantage en terrain difficile qu'est la zone sahélo-saharienne et surtout auprès de ses populations et ses acteurs sécuritaires aux besoins plus immédiats et pragmatiques.
C’est pourquoi, beaucoup d’États africains diversifient aujourd’hui leurs interlocuteurs, leurs conseillers dans les divers domaines jugés sensibles et stratégiques, ainsi que leurs sources d’approvisionnement… S’il ne s'agit pas de se jeter par provocation ou opportunisme dans les bras de la Russie, de nouveaux acteurs apparaissent ou s’affirment désormais : Allemagne, Russie, Turquie, Canada, Chine, Italie, Australie, Belgique…
Dans la zone sahélo-saharienne, il me semble que seuls les trois "pays frères", que sont le Mali et le Niger (avec la problématique Boko Haram/ISWAP en plus), mais aussi le Burkina Faso voisin, ont réellement de nombreux points communs en termes de culture, de langues, d'ethnies et modes de vie, et font face à des conflits de même nature (JNIM/GSIM, EIGS). C'est donc, je pense, une approche sécuritaire, moins globale mais beaucoup plus pragmatique qu'il conviendrait de privilégier aujourd'hui, à savoir une réelle « alliance du Liptako-Gouma », une sorte de "G3 SAHEL", soutenu par un partenariat plus "discret", mieux admise et "intégrée" par les populations locales, sans doute moins coûteux, et finalement plus efficient de l'Occident : cela consisterait en un strict appui discret d'ordres stratégique, technique (formation, renseignement - drones - sources techniques et humaines...), logistique et financier, mais sans présence physique régulière au sol de troupes ou patrouilles militaires occidentales. Les forces armées locales de ce "G3 SAHEL" auraient alors pour vocation d'assurer elles-mêmes les opérations de terrain, en se dotant principalement "d'unités spéciales" très mobiles, composées à la fois de combattants militaires "nomades" locaux aguerris (dont Peulhs et Touaregs...) et de commandos militaires régionaux.
Commandés par des cadres militaires nationaux exclusivement issus des pays du G3, et parfaitement "reconnus" et légitimés par les populations locales concernées, ces "unités nomades G3" pourraient également s'appuyer sur le "Renseignement Nomade" qu'il convient de développer encore davantage, notamment au sein des communautés Peuhles et Touarègues, mais aussi au travers des associations "femmes et enfants" en particulier...
Notons que dans la région de Tillabéri, dans le cadre de l'opération militaire "ALMAHOU", les postes aux frontières bénéficient déjà de cette nouvelle stratégie/approche militaire française et se trouvent ainsi désormais renforcés discrètement au sein de cette zone poreuse dite "des trois frontières" (Niger, Mali, Burkina Faso), avec une rapidité d'intervention sur zone aujourd'hui très largement accrue. Mais, à l’instar des Américains, il s’agirait de faire assurer la sécurité/sûreté sans le clamer haut et fort, mais avec humilité au service des populations et États concernés…
Toutefois aujourd’hui, avec l’officialisation de la « fin de l’opération Barkhane », c’est dorénavant davantage sur le volet du développement économique, social, alimentaire et culturel qu'il conviendrait d'axer prioritairement et avec acharnement la communication des autorités françaises vis à vis de l'ensemble de la zone d'Afrique de l'Ouest (des zones sahélo-sahariennes, des pays du golfe de Guinée jusqu'au Sénégal...).
Les Ambassades, les institutions et les organisations françaises au Sahel devraient se muer en véritable "INDUSTRIE DE LOBBING POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE" décomplexée, en partenariats commerciaux, financiers, en faveur de projets de développements économiques, alimentaires, énergétiques et culturels en tous genres, entre les acteurs français et africains, et ce, avec une couverture médiatique appropriée : presse, télévision, radio et réseaux sociaux... !
Si on ne répond pas aux aspirations concrètes, immédiates et légitimes de la "rue africaine" (Niamey, Bamako, Ouagadougou...), mais aussi celles des diverses communautés sahélo-sahariennes (Touaregs, Peuhls, Toubous...) et également côtières (Sénégal, Côte d'Ivoire, Guinée...), en terme de développement économique et alimentaire, d'indépendance énergétique et sécuritaire, alors il est à craindre qu'un "TSUNAMI MIGRATOIRE" (qui n'a pas encore commencé...) balaiera l'Europe, et la France en particulier, dans les décennies futures...
Par Hervé Briand - Senior Sahel Analys