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Timbuktu Institute - 15 novembre 2023
Dans un contexte fortement marqué par un processus irréversible de multipolarisation, le Premier Sommet Arabie saoudite-Afrique représente un tournant dans les relations internationales, mettant en lumière les aspirations de l'Arabie saoudite à jouer un rôle de plus en plus central sur l'échiquier mondial et offrant à l'Afrique de nouvelles opportunités de développement et de coopération. Les retombées de ce sommet seront observées de près, car elles contribueront à redéfinir les partenariats internationaux et à façonner l'avenir des relations entre l'Arabie Saoudite et le continent africain. Par ce Sommet, l’Arabie Saoudite semble avoir voulu mobiliser les dirigeants de son importante sphère d’influence, représentée par le monde arabe, musulman et africain sur un dossier international brûlant, la cause palestinienne. La participation du président iranien au Sommet était un fait marquant pour la diplomatie saoudienne. Dans le cadre de sa chronique hebdomadaire, le directeur régional du Timbuktu Institute revient sur les enjeux de ce sommet qui pourrait s’inscrire dans le processus de la redynamisation d’un axe Sud-Sud.
Dr. Bakary Sambe, ce 10 novembre, Riyad a accueilli, au Centre international de conférences Roi-Abdelaziz – et pour la première fois – de nombreux chefs d’État africains venus prendre part à un sommet Arabie Saoudite- Afrique, quelle est la signification d'un tel évènement à votre avis?
Ce Sommet marque une étape significative dans l'évolution des relations internationales et des dynamiques économiques mondiales, en particulier dans le partenariat stratégique sud-sud. Plusieurs dirigeants africains ont répondu à l'invitation de Riyad, cherchant des opportunités de coopération économique et de renforcement des liens politiques. Même certains pays en transition qui semblent boudés sur la scène internationale voient dans ce sommet une occasion en or, d'explorer de nouveaux partenariats et de diversifier leurs relations internationales. Traditionnellement, l'influence de l'Arabie saoudite en Afrique s'est manifestée depuis les années 70, par le biais de la diplomatie religieuse même si le levier de l’aide au développement et des investissements n’était absent de la politique africaine de Ryad surtout avec le Fonds Saoudien de Développement depuis 1975. En fait, comme le communiqué final du Sommet l’a mis en exergue, il y avait déjà « une profondeur des relations historiques entre l'Arabie saoudite et les pays africains, avec plus de 45 milliards de dollars d'aide au développement fournie au cours des 50 dernières années dans de nombreux secteurs vitaux. ». Mais pour l’Arabie Saoudite, il s’agit, surtout, d’une opportunité de mobilisation du soutien diplomatique de l’Afrique, le bloc régional le plus large au sein de l’ONU, notamment, dans les dossiers internationaux d’un grand intérêt pour le Royaume
Alors, vous disiez récemment que ce sommet entre aussi dans le cadre de la multipolarisation progressive entamée ces dernières années. Mais quels peuvent être les enjeux pour le continent qui est en même temps dans une phase cruciale d'ouverture et de diversification des partenariats ?
Vous savez, il y avait déjà , un mouvement de dynamisation dès 2018, dont le marqueur était la nomination d’un Secrétaire d’Etat aux Affaires africaines. N’oublions pas que l’Arabie Saoudite s’est diplomatiquement engagée dans la résolution des crises dans la Corne de l’Afrique et le financement du G5 Sahel. Parmi les grands enjeux de ce sommet, il y a l’affirmation en tant qu'alternative aux pays occidentaux, une sorte de transition vers une approche plus globale et moins centrée sur la diplomatie religieuse. Mais aussi l’enjeu de contrecarrer l’influence de ses rivaux comme le Qatar et l’Iran. Naturellement pour l’Afrique, il y a de fortes attentes de développement économique et d'opportunités d'investissement et tout l’enjeu de la consolidation des partenariats politiques de même que le positionnement de plus en plus affirmé dans la construction d'un monde multipolaire. Ce qui n’est pas du tout négligeable dans le renforcement de l'influence régionale de Riyad.
Mais en d'autres termes, Dr. Bakary Sambe, avec cette ruée vers le continent de la part de toutes les puissances classiques comme émergentes, quel profit l'Afrique tirera-t-elle, réellement, d'une telle situation qui semble consolider un positionnement africain inédit dans l'histoire des relations internationales ?
L'Arabie saoudite a annoncé des investissements significatifs en Afrique, avec des promesses atteignant près de 25 milliards de dollars d'ici 2030. Ces investissements sont destinés à soutenir des projets de développement dans des secteurs clés tels que la santé, l'éducation, l'eau, et les transports, marquant une nouvelle stratégie d'investissement du royaume dans la région. Comme retombés immédiates et concrètes du Sommet, il faut savoir que douze pays africains, y compris la Guinée et le Niger, sous sanctions de la CEDEAO et des pays occidentaux, et en particulier l’Angola, le Burundi, le Burkina Faso, le Cap Vert, le Rwanda, vont bénéficier d’un prêt d’une valeur de 580 millions de dollars visant à stimuler le développement durable sur le continent. En fait, l’Arabie Saoudite a voulu mobiliser les dirigeants de son importante sphère d’influence, représentée par le monde arabe, musulman et africain sur un dossier international brûlant, la cause palestinienne. La participation du président iranien au Sommet était un fait marquant pour la diplomatie saoudienne faisant ainsi montre d’une remarquable agilité.Â
Timbuktu Institute – Novembre 2023