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Avec le Sommet du G29 sur le « Compact with Africa », quels seraient les atouts de l'Allemagne si elle visait à s’imposer davantage en tant que partenaire principal de l'Afrique, et quelle serait sa valeur ajoutée pour le continent ? Quels ont été les enjeux pour l'Afrique dans ce contexte de diversification des partenariats ? On a observé que le Président Macky Sall, vu comme un « grand avocat de la cause de l’Afrique » depuis la présidence sénégalaise de l’Union africaine, y a joué un rôle important avec un énième pour une gouvernance financière plus juste envers le continent. Dans cet entretien, abordant les initiatives allemandes qui se multiplient en direction du continent, Dr. Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies revient sur les enjeux et perspectives de cette rencontre dans le cadre de la chronique « Hebdo Africain » sur la chaîne panafricaine Medi1TV :
Dr Bakary Sambe, dans vos dernières chroniques, à propos du Sommet de Ryad et du récent discours du Roi Mohamed VI, vous évoquiez le renforcement de l’axe sud-sud et la diversification des partenariats de l’Afrique. En même temps, suite à un récent voyage concomitant, inédit, de son chancelier et de son président, l’Allemagne vient d’accueillir le Sommet du Compact with Africa. Est-ce donc à penser que c’est cette nouvelle dynamique qui motive le regain d'intérêt de l'Europe pour le continent ?
Un proverbe arabe dit que lorsque la mariée est belle on ne discute plus de la dot : l’Afrique attire en même temps qu’elle s’impose sur l’échiquier mondial notamment depuis la présidence sénégalaise de l’Union africaine qui a positionné notre continent comme une réalité géopolitique à part entière et dont le basculement géostratégique vers quelque bloc que ce soit pourrait changer le rapport de force au niveau international. L’initiative du « Compact With Africa » portée par l’Allemagne qui se positionne de plus en plus comme actrice en dehors de la couverture européenne est ouverte à tous les pays africains prêts à s’engager sur des réformes de gouvernance du secteur des affaires, et qui sont politiquement stable, avec notamment tels que l’Ethiopie, le Rwanda, la Côte d’Ivoire, le Ghana. Mais, la présence remarquée du Sénégal et du Maroc est aussi un indicateur des changements profonds et de la restructuration des rapports entre notre continent et l’Europe de manière générale. Il est sûr qu’avec ce grand marché reposant entre autres sur une classe moyenne de 400 millions d’habitants, notre continent ne peut plus être ignoré des pays visant à relancer leurs économies rudement touchées par la crise actuelle et en quête de nouveaux partenariats.
Mais dans quelle mesure l’Allemagne pourrait-elle devenir un partenaire de premier plan en matière économique et sécuritaire en Afrique subsaharienne surtout si l’on sait les difficultés actuelles de l’Europe dans la région ?
L’Allemagne joue, de plus en plus, la carte de la distinction voire de la « virginité » en termes de capital-image en Afrique subsaharienne où à part la question namibienne, elle n’a pas eu de gros contentieux au point de vue historique. Et puis, il y a une véritable offensive allemande avec un partage des rôles et une diversification des approches en jouant sur le multilatéral comme sur des relations bilatérales de plus en plus consolidées à travers le continent et même l’Afrique de l’Ouest qui jusqu’ici était vue par Berlin comme la chasse gardée de la France actuellement en perte d’influence. Le récent soutien financier à la CEDEAO d’un montant de 80 millions d’euros montre toute la diversification de l’approche allemande. En fait, ce pays sort de plus en plus de ce que j’appelais sa timidité africaine pour s’engouffrer dans la brèche des ouvertures et des nouvelles opportunités dans un contexte où la question énergétique devient, certes, centrale mais où la conquête de nouveaux marchés reste un impératif de survie dans une Europe rudement frappée par la guerre russo-ukrainienne.
Mais enfin, Dr Sambe, ce Sommet a été particulièrement marqué, entre autres, par le plaidoyer poignant du Président sénégalais Macky Sall en faveur de l’Afrique et de sa place sur l’échiquier économique mondial. Pouvez-vous revenir sur les points essentiels de cet énième appel lancé par le Président Sall ?
Lors de sa prise de parole, le président Macky Sall a encore réitéré son plaidoyer pour une réforme de la gouvernance financière mondiale en matière d’accès au crédit pour les pays africains. Pour lui, « Compact with Africa » devrait conduire à ce que les pays africains et leurs partenaires s’engagent à lever les contraintes liées à la cherté du crédit en Afrique aggravée par les primes d’assurance très élevées. C’est en cela qu’il interpelle, aussi, les agences de notation qui, avec peu d’analyses et ne faisant aucune distinction entre les pays africains, participent à cet enrichissement du crédit. C’est encore un appel pour un monde financier plus juste envers les pays africains insistant sur le fait que l’Afrique demeure ouverte à tous les investisseurs. Enfin, le président Macky Sall a insisté sur la nécessité d’une mobilisation totale des Africains et de leurs partenaires pour construire nos pays avec, notamment, la mise en place du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida) pour relever à la fois, les défis de l'énergie, des transports et du chemin de fer pour faciliter les échanges et accélérer l’urgente industrialisation malgré les contraintes climatiques.