SÉNÉGAL : entre crise politique interne et préoccupations internationales Spécial

Source : Météo Sahel 

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Le mois de janvier au Sénégal a été marqué par une fièvre électorale croissante en direction de l’élection présidentielle de février 2024. Parmi les candidats en lice, deux figures importantes ont suscité une attention particulière : Karim Wade, sorti de son repli et de silence après huit années, et Ousmane Sonko, jeune leader charismatique de l’opposition. Cependant, des controverses ont éclaté autour de la validité de leurs candidatures respectives. La Cour suprême a confirmé la condamnation pour diffamation d’Ousmane Sonko, ce qui a remis en question sa participation à l’élection. Parallèlement, des débats houleux ont occupé l’espace politico-médiatique concernant la nationalité française de Karim Wade, soulevant des interrogations sur la capacité du candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS) à se présenter. Une allocution du président sénégalais, début février, à la veille de la campagne électorale officielle, annonçant l’abrogation du décret convoquant le corps électoral a signé le report des élections présidentielles initialement prévues le 25 février 2024.

Ce fut le début de manifestations et protestations violentes ayant même entraîné des pertes en vies humaines notamment sur le campus de l’université Gaston Berger de Saint-Louis dans le nord du pays. Des appels au dialogue ont été lancés de la part du Président Sall mais aussi de certains acteurs de la société civile tout en maintenant la pression politique par les manifestations qui se poursuivent.

Le 12 février un communiqué conjointement signé par les deux précédents présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade appellent « les forces vives » à souscrire au dialogue pour apaiser l’espace politique. Quelques jours auparavant, le Timbuktu Institute avait appelé à la recherche de solutions par un dialogue « constructif, inclusif et sincère ». Pour le Directeur de l’Institut, Dr. Bakary Sambe : « Dans le but de prémunir le Sénégal de l’instabilité, il faut urgemment, en dépit de toutes les considérations, s’inscrire dans une démarche proactive et viser, d’abord, un cadre politique consensuel comme préalable à la préservation de la démocratie, de la paix et de la stabilité. Il ne faudrait pas prendre le risque de tomber dans une violence électorale qui, combinée aux menaces djihadistes à nos portes, plongerait le Sénégal dans l’instabilité. La région n’a pas besoin d’une crise supplémentaire ». Selon le Timbuktu Institute, « il ne faudrait, peut-être pas désespérer de l’intelligence de la classe politique dans sa diversité pour qu’à tout prix, on puisse éviter un enlisement dommageable pour la stabilité du Sénégal mais aussi la paix et la sécurité régionale ».

Malgré la manifestation prévue le 13 février à Dakar et dans d’autres régions, des concertations sont déjà en cours dans les cercles religieux et certaines organisations de la société civile pour appuyer l’idée de ce dialogue aux contours encore diffus et à l’avenir incertain malgré les compromis politiques en vue et dont s’est largement saisie la presse nationale.

Pourtant l’Union européenne avait déjà annoncé le déploiement d’une mission d’observation électorale au Sénégal pour surveiller le processus électoral et garantir sa transparence, dirigée par la députée du Parlement européen, Malin Björk. De même, le Conseil constitutionnel sénégalais avait déjà officiellement bouclé l’étape de contrôle des parrainages puis a validé les candidatures de 20 candidats, excluant Sonko et Wade. Elle comprend le Premier ministre Amadou Bâ, candidat du camp présidentiel, l’opposant Idrissa Seck, Mahammed Boun Abdallah Dionne, l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall et Bassirou Diomaye Diakhar Faye, candidat désigné par Sonko. Toutefois, ce dernier est actuellement détenu depuis avril 2023 pour « outrage à magistrat » et « diffamation ». Cette décision a suscité des réactions mitigées, certains la saluant comme une étape nécessaire pour assurer l’intégrité du processus électoral, tandis que d’autres l’ont critiquée comme étant politiquement motivée. Karim Wade décide alors de saisir les juridictions internationales.

Suites aux contestations de certains candidats dont Karim Wade, le Parlement a voté la création d’un comité d’enquête chargée d’examiner les décisions du Conseil constitutionnel concernant les candidatures présidentielles. Ce comité a pour objectif de faire la lumière sur d’éventuelles irrégularités ou actes de corruption de certains juges dans le processus de validation des candidatures, ainsi que de proposer des réformes pour renforcer l’intégrité du processus électoral à l’avenir. La suite des évènements sera beaucoup plus lisible après l’avis très attendu du Conseil Constitutionnel et l’amorce du dialogue annoncé et qui suscite un débat houleux au sein de la classe politique et des intellectuels sénégalais qui semblent s’accrocher aux grands principe pour la défense des institutions.

Sur la scène internationale, le Sénégal, représenté par la Garde des Sceaux Aïssata Tall Sall, a été au centre des discussions au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Le pays a défendu ses positions sur diverses questions, y compris les droits des LGBT, affirmant son engagement envers les droits de l’homme tout en soulignant les spécificités culturelles et religieuses du pays. Par ailleurs, le Sénégal a annoncé la dissolution de son dernier détachement de la MINUSMA au Mali, marquant la fin de son engagement militaire dansncette mission de maintien de la paix. Enfin, le président sénégalais Macky Sall s’est rendu en Mauritanie pour discuter de projets communs, notamment le démarrage imminent du projet d’extraction offshore de gaz de la région ouest africaine, dit GTA. La rencontre aborde également des sujets tels que l’accord de pêche entre les deux pays et les enjeux sécuritaires régionaux.