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Il est un constat que l’approche strictement sécuritaire n’a pas produit des résultats à la mesure des investissements et des efforts déployés par les Etats et la communauté internationale bien qu’il soit admis, par exemple, que les solutions militaires bien que conjoncturelles ont pu stopper les djihadistes et fait éviter des déploiements à grande échelle qui multiplieraient les zones d’instabilité sur le continent. Cependant, la militarisation à outrance est aussi décriée comme porteuse de germes de radicalisation à moyen et long termes tel que ce fut le cas au Moyen-Orient. Malgré des avancées notamment dans le containment des groupes djihadistes, les opérations militaires n’ont jamais pu empêcher le phénomène de radicalisation.
Au Mali, malgré la présence militaire au Nord les fronts djihadistes prolifèrent notamment au Centre dans le contexte d’un dangereux cap vers le Sud. Les frontières maliennes constituant de ce fait un problème pour tous ses voisins (Ouagadougou, Grand Bassam etc). De plus, les groupes djihadistes ont changé de modus operandi, depuis l’expérience Afghane, ne visant plus des stratégies globales mais saisissant toujours les opportunités qu’offre le parasitage des conflits afin de leur donner un habillage islamique pour attirer les puissances occidentales dans le « piège » de l’intervention voire de l’interventionnisme. Les bavures et ratés de telles opérations sont des gages sûres pour les groupes terroristes de maintenir l’élan de l’élan de l’engagement de jeunes ayant accumulés les frustrations et faisant face à de rudes conditions socio-économiques. Les interventions militaires étrangères alimentent du coup la rhétorique des recruteurs en vue de la légitimattion religieuses du « Djihad » contre « l’envahisseur ». Dans une telle configuration, il s’avère important de diversifier les approches en donnant à la prévention toute sa place dans les différents dispositifs.
En restant fermés aux autres possibilités qu’offre la prévention, on risque de perdre de vue des éléments essentiels pouvant alimenter une stratégie globale et durable contre l’extrémisme violent. Les communautés religieuses elles-mêmes ont développés des résiliences dites communautaires qu’il serait important de soutenir en vue de stratégies endogènes que les populations s’approprient plus facilement comparées à celles émanant de l’ « extérieur » souvent conçues par les destinataires comme imposées aux Etats. Ces derniers se trouvent ainsi dans une situation inconfortable devant concilier les impératifs de la coopération internationale de lutte et les contraintes politiques internes.
Pourtant, les Etats devraient urgemment agir sur les orientations éducatives, les programmes favorisant une plus grande inclusion des laissés pour compte pour éviter un plus grand émiettement des structures sociales. Au regard de son enjeu et de sa corrélation avec l’expansion des idéologies djihadistes ou violentes, la question éducative mériteraient plus d’interventionnisme en faisant de la prévention par la socialisation le socle de la lutte contre les radicalismes religieux et l’extrémisme violent dans les décennies à venir.
La lutte contre le terrorisme, en amont, avec des politiques de prévention par l’éducation, le renforcement des capacités, la résorption des inégalités et la promotion d’espaces de socialisation alternatifs au tout-religieux et aux surenchères ethnico-confessionnelles paraîtrait plus efficace et durable que ces formes de guerres asymétriques qui, généralement, surviennent bien après que les groupes terroristes se soient redéployées dans de nouvelles zones de non-droit pour menacer à nouveau des Etats fragilisés. En tout état de cause, et dans une démarche préventive et prospective, une réflexion sérieuse devrait être menée autour des questions de fond toutes relatives à la prévention et à la lutte contre la radicalisation de manière générale, parmi lesquelles :
– Comment valoriser les stratégies endogènes (bottom-up) en s’appuyant sur les initiatives locales issues de la société civile et des structures traditionnelles dont l’argumentaire fait sens auprès des populations ciblées ?
– Dans quelle mesure, pourrait-on s’inspirer des méthodes de résiliences communautaires développées par les communautés religieuses, elles-mêmes, dans le cadre de la sensibilisation en partant de la notion pertinente de « culture de la paix » dont se réclament les différentes confessions ?
– Dans quelle mesure l’expérience des femmes et des organisations féminines pourrait-elle être profitable à la prévention et la lutte contre l’extrémisme qu’elles ont affrontées dès les années 80- 9O lorsqu’il constituait déjà une menace pour leurs droits avant de devenir, plus tard, un enjeu sécuritaire ?
– Comment, en collaboration avec les chercheurs et universitaires, intégrer la dimension anthropologique dans la prévention du radicalisme pour mettre efficacement à profit les ressources culturelles africaines en termes de médiation et de socialisation alternative ?
– Comment renforcer les dispositifs régionaux existant comme la Cellule de prévention de l’extrémisme violent au sein du G5 Sahel, la redynamiser pour lui donner plus de réalité sur le terrain afin que les structures de base se l’approprient pleinement avec des projets concrets ?
– Enfin, comment, à travers une réflexion globale s’accorder sur un cadre commun de références et terminologique en matière de prévention et de lutte contre l’extrémisme si l’on sait qu’au concept de « dé-radicalisation » certains acteurs et communautés africains préfèrent la notion d’auto-réhabilitation par inclusion sociale ?
Par Dr. Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute (Dakar), Enseignant, Coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique – Chercheur au Centre d’étude des religions, Université Gaston Berger- Saint-Louis (Sénégal)