Guinée : D’un procès historique à une transition politique incertaine, la Guinée dans la tourmente Spécial

Source : Météo Sahel Juillet & Août 2024

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Près de trois (03) ans après le coup d’État en Guinée, les militaires au pouvoir maintient toujours le flou sur la transition et le retour des civils au pouvoir. Pourtant, en accord avec la CEDEAO pour une période transitoire de 24 mois qui prend fin en décembre 2024, le régime militaire peine à honorer ses engagements. En effet, avec un chronogramme de dix (10) points à respecter comme préalable pour le retour des civils au pouvoir, en mettant sur place des réformes pour la stabilité du pays et poser les bases d’un nouveau contrat social, jusque-là un seul point a été respecté à savoir « l’élaboration d’une nouvelle Constitution ».                                                                                                                   

A peine la première mouture de la nouvelle Constitution publiée, la classe politique est divisée par ce texte. Si le pouvoir défend une Constitution pour « la postérité », l’opposition dénonce un texte « taillé sur mesure » pour le chef de la junte ; ce qui pourrait lui permettre de briguer la magistrature suprême. Ces suspicions s’inscrivent dans la lignée des faisceaux d’indices concordants observés sur la scène politique guinéenne depuis un certain temps. Au titre desdits indices, figure l’absence de dispositions transitoires, relatives notamment à l’article 46 de la charte de transition, sur le projet constitutionnel. Cet article dispose que « le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition » avant d’ajouter que « la précédente disposition n’est susceptible d’aucune révision ». 

Par ailleurs, il faut noter la volonté d’affaiblir les principaux partis d’opposition qui ont âprement rivalisé, avec l’ancien parti au pouvoir, toutes les élections ces dix dernières années. La plupart de ces partis politiques font face à une « persécution judiciaire » ou voient leurs leaders contraints à l'exil. A cela s’ajoute la restriction des espaces de liberté, des disparitions forcées et les arrestations arbitraires de toutes les voix dissidentes, qui s’aventurent à critiquer la gestion des affaires publiques de la part des autorités de la transition. De plus, les infrastructures d’envergure dont les délais d’exécution sont arrimés à la fin de la transition, ce que certains interprètent comme un moyen pour les autorités de la junte de capitaliser sur un bilan matériel, sont perçus comme tremplin pour briguer le suffrage des Guinéens. L’avant-projet de Constitution, bien qu’introduisant quelques nouveautés, comme la limitation des mandats présidentiels à deux, ou encore la mise en place d’un nouveau Parlement avec deux chambres (Assemblée nationale et Sénat), ne suscitent guère d’enthousiasme.

Le débat se polarise sur la possible candidature de Mamadou Doumbouya, chef de la junte militaire, Président de la transition. C’est dans ce contexte-là que les principaux partis d’opposition et les organisations de la société civile regroupés au sein des Forces Vives de Guinée (FVG), appellent à la reprise des manifestations pour « protester contre la junte, accusée de vouloir confisquer le pouvoir ». Pour contrer ces manifestations, la junte a pris de nouvelles mesures restrictives qui risquent de faire durer le bras de fer entre le pouvoir et l’opposition.

A la suite d’un procès historique, la justice guinéenne vient de rendre un verdict qui va faire écho sur le continent, salué par l’ensemble des organisations de lutte pour les droits de l’homme. La Cour a ainsi jugé et condamné des leaders politiques accusés de « crime contre l’humanité », à la suite des événements du 28 Septembre 2009. Ces crimes ont été perpétrés par les forces de sécurité pour réprimer une manifestation politique organisée par l’opposition à Conakry, contre la volonté du chef de la junte militaire d’alors, de se présenter à l’élection présidentielle. Cette répression a marqué une page sombre de l’histoire moderne de la Guinée ; mais, par ce procès, la justice a rendu « un verdict historique » comme l’a déclaré Human Rights Watch.