Sacré-Coeur 3 – BP 15177 CP 10700 Dakar Fann – SENEGAL.
+221 33 827 34 91 / +221 77 637 73 15
contact@timbuktu-institute.org
Ces dernières décennies sont marquées par la recrudescence de la violence que certains veulent justifier ou faire accepter au nom de la religion ou des idéologies extrémistes n’épargnant aucune région du monde. Conscientes de leur responsabilité et de leur rôle légitime de préserver la paix et de promouvoir le dialogue, conformément à l’esprit et l’enseignement de toutes les religions, d’éminentes personnalités et diverses institutions se sont engagées pour apporter une réponse concertée à cette montée des violences et de la haine dans le monde.
C’est dans ce sillage que s’inscrivent les efforts visant à instaurer une culture de la paix, notamment, la signature du Document sur la Fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune. Ce document, communément appelé Déclaration d'Abu Dhabi appelant au dialogue interreligieux, a été conjointement signé par l'imam d'Al-Azhar, Son Eminence Ahmed Al-Tayeb et Sa Sainteté le Pape François, le 4 février 2019. Dans le même esprit et conformément à l’engagement constant du Saint-Siège, l’encyclique Fratelli Tutti, signée le 3 octobre 2020, a été diffusée de manière symbolique, le lendemain, jour de la fête de Saint François d'Assise. Elle résonne, également, comme un rappel à une nécessaire harmonisation des efforts pour un monde plus solidaire, pacifique et fraternel.
Encourageant cette dynamique unitaire mondiale inédite, dans un contexte de conflits et de radicalisation, l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’occasion de sa 75ème session, le 22 décembre 2020, a décidé, à l’unanimité, de faire du 4 février, jour anniversaire de la signature du Document pour la Fraternité humaine par le Pape et le Grand Iman d’Al-Azhar, une journée internationale de la Fraternité humaine. Aussi les Etats membres sont-ils invités à inscrire cette célébration dans leur calendrier.
A cette occasion solennelle, le Saint Père, le Secrétaire général de l’ONU et le Grand Imam d’Al-Azhar vont livrer des messages de portée mondiale pour marquer cet événement historique. S’inscrivant dans la même perspective, tout récemment, le Jury du Prix Zayed de la Fraternité humaine s’est réuni à Dubaï, du 20 au 22 janvier 2021, afin de déterminer le lauréat du Prix éponyme pour l’année 2021.
C’est au regard de l’attachement du Sénégal à la promotion de la fraternité humaine comme en témoignent la cohésion sociale et la paix qui prévalent dans notre pays, au demeurant, pionnier dans le dialogue islamo-chrétien, que des personnalités du monde politique et scientifique, des acteurs engagés dans la défense des droits humains et la promotion du dialogue et la résolutions des conflits veulent marquer cette première journée internationale de la Fraternité humaine, par un symposium en ligne ouvert au monde entier et portant sur le thème : « perspectives africaines de la Fraternité humaine au Sénégal ».
Ce symposium, qui se veut une contribution du Sénégal à ces efforts conjoints, verra la participation de diverses personnalités politiques, diplomatiques, religieuses, du monde universitaire, de la société civile, en plus d’organisations ayant joué un rôle éminent dans la consolidation du dialogue et de la paix au Sénégal, en Afrique et au plan international.
Emanant d’une initiative portée par Monsieur Adama Dieng, membre du Jury du Prix Zayed de la Fraternité humaine/Higher Comittee of Human Fraternity, ancien Secrétaire Général adjoint des Nations-Unies/Conseiller spécial à la prévention du génocide et ancien Greffier-Administrateur du Tribunal international pénal pour le Rwanda, ce symposium sera conjointement organisé, par Timbuktu institute-african Center for Peace Studies de Dakar, en partenariat avec le Comité scientifique pour le dialogue interreligieux de la Fondation Konrad Adenauer, le jeudi 4 février 2021, de 16h à 17h30 GMT.
PROGRAMME
16.00 - 16.05 Diffusion messages de S.e.m. Macky Sall (a confrmer), de Sa Sainteté le Pape François et de S.e.m. Antonio Gutterers
16.05 - 16.10 Adresse de bienvenue par Son Excellence Maître Aïssata Tall Sall, Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur (a confirmer)
16.10 - 16.20 La déclinaison sénégalaise de la philosophie de l’altérité : Prof. Penda Mbow, Ministre-Conseiller charge de la Francophonie
16.20 - 16.30 Fraternité et Amitié sociale entre Musulmans et Chrétiens au Sénégal : Mgr André Gueye, Evêque de Thiès et Hon. Abdoulaye Mactar Diop, Grand Serigne de Dakar
16.30 - 16.40 La Fraternité humaine dans l’agenda diplomatique international : S.e. Mgr Michael W. Banach, Nonce Apostolique au Sénégal
16.40 - 16.50 Les efforts des Emirats dans le cadre de la promotion des idéaux du dialogue sur la base du Document sur la Fraternité humaine : S.e. Ali Sultan Rashid Alharbi, Ambassadeur des Emirats au Sénégal
16.50 - 17.00 La Fraternité humaine, comme instrument de lutte efficace contre le radicalisme : Prof. Bakary Sambe, Directeur de TIMBUKTU INSTITUTE -Observatoire du radicalisme religieux et des conflits en Afrique
17.00 - 17.20 Discussions (Modération) : Prof. Bouba Diop, Membre du Comité scientifique pour le dialogue interreligieux de la Fondation Konrad Adenauer
17.20 - 17.30 Remarques conclusives et Recommandations : Adama Dieng, Membre du Jury du Prix Zayed de la Fraternité humaine / Higher Comittee for Human Fraternity et ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies
Les inscriptions pour toute participation au présent symposium sont ouvertes sur la plateforme dont le lien suit :
https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_5qH8qy2tQlWYkuNhfF0kIg
Download the full report at the bottom of the article
Within the framework of a partnership between the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies - and the Konrad Adenauer Foundation, a documentary research was carried out on six Sahelian countries (Burkina Faso, Mali, Mauritania, Niger, Senegal and Chad) concerning human rights in the face of the Covid-19. This report examines the management and consequences of the health programs put in place by the governments of the Sahel countries in response to the global crisis, as well as the consequences of such provisions on the respect of human rights.
The Covid-19 pandemic hit the countries of the Sahel, already plagued by other political, security, food and economic crises, but with repercussions that differed from those predicted by experts on the African continent. In March 2020, the World Health Organization (WHO) announced that: "Africa must prepare for the worst. According to Antonio GUTERRES, Secretary General of the United Nations, COVID-19 is an economic crisis, a social crisis and a human crisis that is rapidly becoming a human rights crisis. It is on this theme that this study focuses, on the question of respect for fundamental, universal, so-called human rights.
Our research teams in the different countries have observed cross-cutting strategies in the fight against the epidemic that have sometimes violated human rights in order to slow down transmission and to contain the virus. The six Sahelian countries that are the subject of this analysis note have all imposed a state of health emergency, the closure of schools and places of worship, a curfew, the closure of land and air borders, the application of hygienic measures known as "barriers" ... In short, a multitude of measures with heavy consequences on economies and increased pressure on local societies.
The COVID-19 crisis also revealed many vulnerabilities of the Sahelian states in the response to containment. Indeed, the "infodemia" and the fake news have generalized a context of fear and stigmatization among the populations, due to a low involvement of the media in the communication of government programs. Moreover, even if, compared to Europe, the African continent was slightly spared in terms of mortality, health infrastructures and hospital equipment remain insufficient, as well as water supply and the distribution of "basic" social services for populations in rural areas.
To this end, several solutions are available to the Sahelian States, such as, for example, strengthening the capacities of law enforcement agencies on methods of balancing the need to respect barrier gestures on the one hand and respect for human rights on the other. Nevertheless, this report also stresses the importance of strengthening democracy, ensuring that the pandemic is not a pretext for States to restrict certain fundamental rights, which are vital for social stability, democracy and the rule of law.
Therefore, despite the unexpected resilience of the Sahelian countries, a few recommendations should be taken into account in order to mitigate the risks of a second wave, at a time when Europe is in its third wave and South Africa is developing a third variant of the virus. Thus, Sahelian governments should pay more attention to loosening up barrier measures, which are almost no longer respected by the population, and should consider organizing regional programs to prepare for a possible new wave.
This analytical note has once again revealed the paradox of emergency management, whether it be safety or health emergencies as in the case of the Covid19 pandemic. States are still faced with this dilemma between the duty to protect and the principle of respect for human rights despite the pressures. This permanent tension indicates that the democratic system in general is never a lasting achievement as long as the "safeguards" are not negotiated and accepted within the framework of shared constraints and guided by the principle of the rule of law.
The other difficulty in the management of this pandemic will have been the question of fake news and disinformation sometimes even threatening the stability and viability of States with regard to their impact on the conduct of public policies and the credibility of institutions, as well as scientific speech in contexts of existential anxiety such as pandemics.
See full report: https://timbuktu-institute.org/media/attachments/2021/01/24/policy-brief-n-4-les-droits-humains-a-lepreuve-de-la-covid-19-vf-1.pdf
Inscrivez-vous : https://us02web.zoom.us/
Ce mercredi 27 janvier, le Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies - organise, en partenariat avec l’Ambassade des Etats-Unis au Sénégal, un webinaire interactif sur le thème de la jeunesse. Conscient que c’est un enjeu primordial pour le continent, notamment dans un contexte où l’extrémisme violent cible principalement cette part majoritaire de la population que sont les jeunes. Animé par Dr. Bakary Sambe, il fera intervenir six personnalités diverses issues des sphères religieuses, de la recherche universitaire, de la société civile et des médias afin de s’adresser directement à ce public et aux acteurs qui souhaitent mobiliser la jeunesse dans la prévention de l’extrême violence et la radicalisation.
Les six Guest Speakers sont connus de l’espace public sénégalais pour leur contribution au débat public et religieux. il s’git de Madame Sokhna Maï Mbacké femme engagée au sein des confréries, Dr Seydi Diamil Niane, Islamologue à l’IFAN et auteur du livre Moi, musulman, je n’ai pas à me justifier édité par le Timbuktu Institute ; Madame Fanta Diallo, Directrice des sports, de la jeunesse et de la vie associative ; Monsieur Issa Tine, Journaliste à Walfadjiri ; Madame Fatou Kiné Diop du Forum civil ; et Monsieur Grégoire Sarr de l’Association Jeunesse étudiante catholique au Sénégal.
Le Dr Bakary Sambe modère ce webinaire, dont l’objectif principal est de voir comment co-construire des solutions durables engageant les jeunes autour de la question : « Les jeunes contre l’extrémisme violent : comment construire la résilience ? »
Policy Brief n°4 :
Les droits humains dans le Sahel à l’épreuve de la COVID-19
Rapport intégral à télécharger en fin de texte
(Aperçu analytique de Constance WYBO)
Dans le cadre d’un partenariat entre le Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies - et la Fondation Konrad Adenauer, une recherche documentaire a été effectuée sur six pays du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad) concernant les droits humains à l’épreuve de la Covid-19. Ce rapport se penche sur la gestion et les conséquences des programmes sanitaires instaurés par les gouvernements des pays du Sahel pour répondre à la crise mondiale ainsi que les conséquences de telles dispositions sur le respect des droits humains.
La pandémie de Covid-19 a frappé les pays du Sahel, déjà en proie à d’autres crises politiques, sécuritaires, alimentaires et économiques, mais avec des répercussions différentes des prévisions d’experts du continent africain. En mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait annoncé que : « L’Afrique doit se préparer au pire ». Selon Antonio GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, la COVID-19 est une crise économique, une crise sociale et une crise humaine qui devient rapidement une crise des Droits de l’Homme. C’est sur cette thématique que se concentre cette étude, sur la question du respect des droits fondamentaux, universels, dits humains.
Nos équipes de recherche dans les différents pays ont constaté des stratégies transversales dans la lutte contre l’épidémie qui ont parfois enfreint les droits de l’homme pour ralentir la transmission et pour endiguer le virus. Les six pays sahéliens, objets de la présente note d’analyse, ont en effet tous imposé un état d’urgence sanitaire, la fermeture des établissements scolaires et des lieux de culte, un couvre-feu, la fermeture des frontières terrestres et aériennes, l’application de mesures hygiéniques dites « barrières » … En bref, une multitude de mesures avec des conséquences lourdes sur les économies et une pression accrue sur les sociétés locales.
La crise de la COVID-19 a aussi révélé de nombreuses vulnérabilités des Etats sahéliens sur la riposte pour son endiguement. En effet, l’« infodémie » et les fake-news ont généralisé un contexte de peur et de stigmatisation auprès des populations, en raison d’une faible implication des médias dans la communication des programmes gouvernementaux. De plus, même si, comparativement à l’Europe, le continent africain fut légèrement épargné en termes de mortalité, les infrastructures sanitaires et les équipements hospitaliers demeurent insuffisants, tout autant que l’approvisionnement en eau et la distribution de services sociaux de « base » pour les populations en zone rurale.
A cet effet, plusieurs solutions s’offrent aux Etats sahéliens comme par exemple, le renforcement des capacités des forces de l’ordre sur les méthodes d’équilibre entre d’une part l’exigence du respect des gestes barrières et d’autre part le respect des droits de l’homme. Néanmoins, ce rapport souligne aussi l’importance de renforcer la démocratie, en veillant à ce que la pandémie ne soit pas un prétexte pour les Etats de restreindre certains droits fondamentaux, vitaux pour la stabilité sociale, la démocratie et l’État de droit.
Dès lors, malgré une résilience inattendue des pays sahéliens, quelques recommandations sont à prendre en compte afin de mitiger les risques d’une deuxième vague, à l’heure où l’Europe est à sa troisième vague et où l’Afrique du Sud développe une troisième variante du virus. Ainsi, les gouvernements sahéliens devraient prêter plus d’attention au relâchement par rapport aux mesures barrières, qui ne sont quasiment plus respectées par les populations et devraient penser à organiser des programmes régionaux afin de se préparer à une possible nouvelle vague.
Cette note d’analyse a encore révélé le paradoxe de la gestion des urgences qu’elles soient sécuritaires ou sanitaires comme dans le cas de la pandémie de Covid19. Les États sont toujours confrontés à ce dilemme entre devoir de protection et principe de respect des droits humains malgré les pressions. Cette tension permanente indique que le système démocratique de manière général n’est jamais un acquis durable tant que les « garde-fous » ne sont pas négociés et admis dans le cadre de contraintes partagées et guidées par le principe de l’Etat de droit.
L’autre difficulté dans la gestion de cette pandémie aura été la question des fake news et de la désinformation menaçant parfois même la stabilité et la viabilité des États au regard de leur impact sur la conduite des politiques publiques et la crédibilité des institutions de même que de la parole scientifique dans des contextes d’angoisse existentielle comme les pandémies.
Aperçu analytique de Constance WYBO, Stagiaire au Timbuktu Institute
Télécharger: Les droits humains dans le Sahel à l’épreuve de la COVID-19
Dix ans après la révolution, des jeunes – dont la plupart n’ont pas connu la dictature de Ben Ali, ni participé aux soulèvements qui l’ont fait fuir et ont conduit à la chute de son régime; ils avaient moins de 10 ans, entre 4 et 8 ans – se soulèvent à leur tour avec les mêmes revendications, la même rage, pour les mêmes causes qui n’ont fait que s’aggraver : plus de chômage, plus de précarité, plus de marginalisation, plus d’inégalités, plus d’injustice, plus de désenchantement et de désespoir quant à l’avenir…
Par Mohamed Chérif Ferjani Timbuktu Institute
Certains s’entêtent à imputer cela à la révolution elle-même en l’accusant d’être à l’origine de l’aggravation de la situation économique, sociale et politique, à la dégradation des services publics d’éducation, de santé, de transports… allant jusqu’à cultiver la nostalgie du «bon vieux temps» de Ben Ali et Bourguiba. Les tares d’un système corrompu et inéquitable D’autres, tout en se réclamant de la révolution, sans y avoir participé et sans rien faire pour réaliser ses objectifs, font preuve d’un «révolutionnisme» qui cache très mal leur attachement à sauver l’essentiel du système de Ben Ali dont ils ont hérité pour en aggraver toutes les tares : les politiques néolibérales imposées par la Banque Mondiale et le FMI dès le début des années 1980, poursuivies sous le règne de Ben Ali et à l’origine des crises économiques et sociales conduisant à la révolution de 2010-2011, sont restées le seul horizon des politiques de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, avec moins de moyens, plus d’incompétence, et sans capacité ou volonté d’imaginer des voies pour en sortir ; la corruption est la chose qui s’est le plus démocratisée au point de gangrener toute la société; son rapport au pouvoir s’est inversée : elle en était l’émanation et sous son contrôle, aujourd’hui, c’est elle qui en détermine la constitution et lui impose sa loi; le chômage en général, et celui des jeunes en particulier, continue à évoluer en sens inverse de tous les indicateurs économiques, atteignant des proportions de plus en plus inquiétantes;
la précarisation des conditions de vie n’épargne aucune couche sociale hormis ceux qui profitent de la corruption et de leur proximité avec les partis au pouvoir, et plus particulièrement avec les islamistes qui sont la seule force qui se retrouve, avec plus ou moins d’influence, dans toutes les coalitions gouvernementales depuis octobre 2011; les inégalités sociales et entre les régions se sont creusées et deviennent de plus en plus insupportables; la dégradation des services publics s’est accélérée au point qu’ils ne sont plus capables d’assumer le minimum de leurs missions, laissant la place à des acteurs privés guidés par l’appât des profits les plus importants dans les temps les plus courts, ou par l’objectif de remettre en question les acquis modernes de la société que ce soit en termes de droits ou en termes de sécularisation et d’autonomisation par rapport au conservatisme religieux et aux structures de domination traditionnelle; des institutions de l’Etat, comme la justice, la police, et l’armée, les douanes, les différentes administrations, infiltrées par les islamistes et les lobbys de la corruption, n’arrivent plus remplir leurs fonctions, notamment pour garantir la sécurité du pays et de la population contre les menaces du terrorisme et des réseaux du crime organisé; le système politique est bloqué par une «partitocratie» d’autant plus impuissante qu’aucun parti n’arrive à échapper aux jeux d’alliances sans foi ni loi et qui n’ont pour enjeux que de se maintenir le plus longtemps au pouvoir pour continuer à s’enrichir indûment, échapper à la justice, se protéger et protéger les siens et ses amis des poursuites qu’impose leur implication dans des malversations et des crimes de toutes sortes.
Ces rapaces qui ont récupéré la révolution
Faut-il pour autant regretter la révolution et la fin de dictature de Ben Ali ? Certainement pas ! Le problème n’est pas la révolution contre cette dictature mais le non accomplissement des objectifs de cette révolution qui a chassé Ben Ali et son entourage, sans réussir à détruire les fondements de son système. Le plus grand acquis de cette révolution ce sont les libertés arrachées avant que les rapaces qui ont récupéré la révolution, sans y avoir participé, n’accèdent au pouvoir pour la détourner de ses objectifs et sauver ce qu’ils peuvent du système, en le détournant à leurs profits, que ce soit pour remettre en cause les acquis modernes de la Tunisie et réaliser leur projet théocratique, ou simplement pour faire fortune et s’emparer de tous les pouvoirs au nom du peuple et de Dieu.
Pire, il suffit que les hommes de Ben Ali fassent allégeance aux nouveaux maîtres pour qu’on leur pardonne tout et qu’on les réhabilite pour profiter de leur expérience dans les manœuvres et les techniques de domination. Ainsi, le dernier secrétaire général du parti de Ben Ali, Mohamed Ghariani, fut appelé, au grand dam de nombreux dirigeants islamistes qui ont claqué la porte de leur mouvement, aux fonctions de conseiller du chef d’Ennahdha et président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi.
Répression, langue de bois et discours démagogiques
Lorsque les jeunes et les populations des quartiers et des régions victimes des injustices, des inégalités, de l’oubli et du mépris des héritiers de Ben Ali, osent manifester leur colère, comme ils peuvent, avec les moyens et la culture dont ils disposent, on leur oppose les mêmes réponses : la répression, certes, faute de moyens, moins violente que celle de la police de Ben Ali, l’appel aux milices islamistes pour soutenir les force de l’ordre comme le faisaient les milices du RCD et celles du parti de Bourguiba, la même langue de bois des discours démagogiques où le «je vous ai compris de Ben Ali» est mimé par «j’ai de la compréhension pour vos revendications» de Méchichi, le louvoiement, etc. L’un des acquis de la révolution est que la population ne se laisse plus intimider et tient tête aux pouvoirs, quels qu’ils soient et quelle que soit leur idéologie; la force de l’insoumission a remplacé «la force de l’obéissance». J’espère que les jeunes d’aujourd’hui et les acteurs des actuels soulèvements sauront préserver leur mouvement des tentatives de récupération et/ou détournement de leurs objectifs. Pour cela, ils doivent occuper la place qui leur revient dans les instances qui auront à décider des réponses à leurs revendications. Il est évident que les représentations en place, à quelque niveau que ce soit, et en premier lieu l’Assemblée qui ne représente que les intérêts des lobbys et des puissances dont dépendent les principaux groupes qui la dominent, ne peuvent apporter des solutions à leurs problèmes et aux problèmes du pays. S’il y a un véritable dialogue national, ils doivent l’investir pour éviter qu’il ne soit une nouvelle occasion de sauver le système et ceux qui en tirent les ficelles et pour faire adopter les mesures économiques et sociales urgentes qu’exigent la situation à l’origine du mouvement social actuel. Ils doivent y occuper la place qui leur revient pour que ce soit l’occasion de refonder le contrat social dans le sens de répondre aux aspirations sociales et démocratiques qui ont porté la révolution de 2010-2011, de réviser la constitution pour au moins mettre fin au système hybride qui paralyse le pays et les autres incohérences, de modifier la loi électorale sans revenir à la majorité absolue à deux tours, de mettre en place la Cour Constitutionnelle, de tirer les conséquences qui s’imposent judiciairement du rapport de la Cours des comptes concernant les dernières élections, etc. Ce sont là les des objectifs à atteindre dans les plus brefs délais, avant l’organisation de nouvelles élections.
Cet extrait est tiré de l’étude portant sur les Facteurs de radicalisation dans les zones frontalières du Sénégal (Vélingara) et de la République de Guinée (Labé), parue en Novembre 2018 en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer. Ce rapport d’enquête CAP met en exergue les facteurs qui peuvent pousser les jeunes à la radicalisation dans ces zones éloignées des centres de décision : pauvreté, chômage et exclusion sociale essentiellement et dans une moindre mesure, Internet comme canal de radicalisation juvénile.
https://timbuktu-institute.org/media/attachments/2020/10/24/timbuktu-kas-rapport-novembre-2018.pdf
PARTIE II : PERCEPTIONS SUR LES FACTEURS DE RADICALISATION : LA PRECARITE REVIENT ET LAISSE PEU DE PLACE A INTERNET
Au-delà de la difficulté que posent les précautions conceptuelles relatives à la distinction entre radicalisation et extrémisme violent, les jeunes pointent du doigt un certain nombre de réalités sociales qui seraient porteuses de germes de radicalisme religieux à long terme. La constance de la trilogie « chômage-pauvreté-exclusion sociale » dans plusieurs travaux s’intéressant aux facteurs de radicalisation, y compris dans celui-ci, est frappante et pose en même temps, le débat sur l’application effective des politiques publiques existantes. En effet, les frustrations socioéconomiques auxquelles font face les jeunesses africaines, participeraient grandement à leur radicalité, laquelle est, dans un premier temps, un moyen de donner sens à une existence peu valorisée par les rouages des systèmes en place avant l’extériorisation de cette frustration par de la violence. Par ailleurs, les progrès que les technologies de l’information et de la communication ont enregistrés ces dernières décennies, notamment internet, ont facilité la propagation des exactions des groupes terroristes sur la toile. Ce qui est dans une moindre mesure un canal de radicalisation, de recrutement de candidats au « djihad » et de terrorisme in fine.
De prime abord, la question des facteurs de radicalisation est fondamentale pour mieux comprendre le phénomène. Les organisations internationales, régionales comme sous régionales, de même que les Etats et instituts de recherche l’ont bien comprise et s’intéressent davantage à ces facteurs. Le regard extérieur pourrait trouver comme arguments explicatifs le fanatisme religieux, le manque d’éducation, l’ignorance entre autres sans creuser le questionnement sur le rôle que pourraient jouer les déterminants socioéconomiques. Tel est le cas de ce haut dignitaire religieux vélingarois pour qui « l’ignorant est plus exposé à la radicalisation que les autres », argument réconforté par celui de ce responsable administratif qui fustige l’ignorance comme étant « la cause de la radicalisation et qui en est elle- même l’élément moteur ». Pourtant, à y regarder de plus près, la radicalisation serait, selon une vision introspective des jeunes, un moyen d’expression des frustrations socioéconomiques. Le mal des centres urbains africains (chômage et pauvreté), comme on a pu le relever lors de l’enquête de la banlieue dakaroise, se fait ressentir dans les zones frontalières très éloignées des centres de décision, peu lotis en termes d’infrastructures et difficiles d’accès. C’est du moins ce que les jeunes affirment très souvent lorsqu’on les interpelle sur cette question. Selon un rapport du Bureau Régional de la Planification et du Développement de Labé publié en novembre 2008, intitulé « Monographie de la Région Administrative de Labé », 65% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Quant au taux de chômage, il est rare d’obtenir des informations fiables renseignant sur cette réalité sociale. Toutefois, le Questionnaire sur les Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB) du même rapport indique que 5,4% de la population sont considérés comme chômeurs. De l’autre côté de la frontière, à Vélingara, la deuxième enquête de suivi de la pauvreté, place la région de Kolda à laquelle est rattachée le département de Vélingara au sommet des taux de pauvreté les plus élevés du Sénégal (76,6%). Le taux de chômage, lui, est le 2ème le plus élevé (38,8%) après celui de la région de Matam qui est de 54,2%. Dans les cas spécifiques des deux villes ciblées par cette recherche, la pauvreté et le chômage constituent de véritables difficultés ressenties comme invincibles et exposant les jeunes, au banditisme, à la criminalité, voire au radicalisme. Ainsi, interrogés sur les facteurs motivant la radicalisation chez les jeunes, l’écrasante majorité pointe du doigt le chômage (33,3% à Labé et 34,6% à Vélingara) et la pauvreté (30,4% à Labé et 37,4% à Vélingara). L’exclusion sociale arrive en troisième position avec respectivement 11,2 et 9,8% à Labé et à Vélingara.
Il en était de même d’une série d’études de perception menée par Timbuktu Institute sur cette même problématique où les populations sondées évoquaient quasi systématiquement ces mêmes causes. À l’aune de ces tendances récurrentes « chômage, pauvreté et exclusion sociale », ce trio commence à s’ériger en principe tellement il devient un réflexe chez la frange jeune. Le croisement entre motifs de radicalisation et activité professionnelle exercée, place les étudiants et élèves comme catégories ciblant plus le chômage. L’endoctrinement, la question de l’interprétation des textes arrivent pratiquement en dernière position puisqu’ils capitalisent 8,5% et 8,6% à Labé et 6,8 et 4,9% à Vélingara. Cette dernière serait, dans le contexte sénégalo-guinéen, marginalement fruit d’un endoctrinement et principalement moyen d’assouvir l’expression des frustrations socioéconomiques auxquelles font face les jeunes. Au-delà des facteurs que l’on pourrait qualifier de vivants, émerge internet qui, bien que virtuel, contribuerait à la radicalisation juvénile.
Depuis les années 70, les progrès enregistrés par les technologies de l’information et de la communication ont propulsé au-devant de la scène une palette d’innovations au bénéfice des usagers d’internet. Aujourd’hui, la connexion au « net » - avec la variété d’informations qu’il met à la disposition du public, de contenus, de modes de socialisation entre individus même de continents différents – est devenu un phénomène en vogue auxquelles jeunes se sont conformés aisément.
Cet accès facile au réseau existe même dans les localités les plus reculées des pays en développement. Labé de la Guinée Conakry et Vélingara du Sénégal n’échappent pas à la réalité de la connexion à cet outil virtuel et les jeunes confirment, avec fierté, son utilisation à 81% pour le premier et à 77% pour le second.
L’usage en soi n’inquiète nullement à partir du moment où il rentre dans le cadre de la consommation normale de ce produit de la mondialisation. Il n’est pas curieux de savoir que certains en font même une « référence en matière de connaissance religieuse » (4,5% à Labé et 6% à Vélingara) après avoir désigné l’imam, les maîtres coraniques et les guides religieux. Ces trois figures constituent des références charismatiques chez les populations malgré l’emprise du numérique sur le contact physique (Cf : Graphique sur les références en matière religieuse). Toutefois, en tant qu’outil ayant ses avantages et ses inconvénients, il peut avoir consécutivement une influence remarquable parfois nuisible pour les phénomènes sociaux. C’est en ce sens qu’un maître coranique de Vélingara soutenait que « les réseaux sociaux ont beaucoup façonné le comportement des gens ». À titre d’exemple, nombre d’individus ont vécu à un moment donné de leur vie un sentiment de vexation après lecture d’un article en ligne, le visionnage d’une image sur un sujet déterminé ou même en avoir des échos par le truchement de personnes ayant été en contact direct avec l’information. Transposé sur le terrain de l’extrémisme religieux, le contact intensif avec du contenu radical, véhiculant une idéologie radicale et incitant à la violence, est-il un moyen de fabriquer des terroristes proprement dits ou un simple facilitateur d’extrémisme ? Si certains chercheurs considèrent qu’il en est un élément moteur, thèse à laquelle les populations interrogées adhèrent majoritairement (55% à Labé et 61% à Vélingara), d’autres pensent le contraire en refusant toute idée de « cyber-radicalisation ».
La recherche d’un compromis devient ainsi une nécessité face à l’urgence de la situation. C’est du moins ce que proposait Benjamin Ducol qui blâmait quelque peu la binarité du débat sur le rôle d’internet dans la radicalisation des jeunes en soutenant que : « Internet joue un rôle mais pas toujours prépondérant. Il peut intervenir dès le début du processus de radicalisation, pour des jeunes en quête d’informations, ou dans un deuxième temps, pour confirmer des convictions naissantes ou nouer des contacts ». Ainsi, la cyber-radicalisation est une réalité qui ne peut être niée. Cependant, des programmes d’éducation aux médias méritent d’être mis en place pour une meilleure prévention de ces fléaux sociaux plutôt que d’investir dans des solutions exclusivement militaires.