Recent decades have been marked by an upsurge in violence, which some seek to justify or gain acceptance in the name of religion or extremist ideologies, sparing no region of the world. Aware of their responsibility and legitimate role in preserving peace and promoting dialogue, in accordance with the spirit and teachings of all religions, eminent personalities and various institutions have pledged to provide a concerted response to this rise in violence and hatred in the world.

Efforts to establish a culture of peace, including the signing of the Document on Human Brotherhood for World Peace and Common Coexistence, are part of this effort. This document, commonly referred to as the Abu Dhabi Declaration calling for inter-religious dialogue, was jointly signed by the Imam of Al-Azhar, His Eminence Ahmed Al-Tayeb and His Holiness Pope Francis on February 4, 2019. In the same spirit and in accordance with the constant commitment of the Holy See, the encyclical Fratelli Tutti, signed on October 3, 2020, was symbolically distributed the following day, the feast of St. Francis of Assisi. It also resounds as a reminder of the need to harmonize efforts for a more united, peaceful and fraternal world.

Encouraging this unprecedented global unitary dynamic, in a context of conflict and radicalization, the General Assembly of the United Nations, at its 75th session on December 22, 2020, unanimously decided to make February 4, the anniversary of the signing of the Document for Human Fraternity by the Pope and the Great Iman of Al-Azhar, an International Day of Human Fraternity. Member states are invited to include this celebration in their calendars.

On this solemn occasion, the Holy Father, the UN Secretary General and the Grand Imam of Al-Azhar will deliver messages of global significance to mark this historic event. In the same perspective, the Jury of the Zayed Prize for Human Fraternity met recently in Dubai, from 20 to 22 January 2021, to determine the winner of the eponymous Prize for the year 2021.

It is in view of Senegal's attachment to the promotion of human fraternity as evidenced by the social cohesion and peace that prevails in our country, a pioneer in Islamic-Christian dialogue, that personalities from the political and scientific world, actors committed to the defense of human rights and the promotion of dialogue and conflict resolution want to mark this first International Day of Human Fraternity, by an online symposium open to the world on the theme: "African perspectives of Human Fraternity in Senegal".

This symposium, which is intended to be a contribution from Senegal to these joint efforts, will see the participation of various political, diplomatic, religious, academic, civil society and other personalities, in addition to organizations that have played a prominent role in the consolidation of dialogue and peace in Senegal, in Africa and internationally.

This initiative was led by Mr. Adama Dieng, member of the Jury of the Zayed Prize for Human Fraternity/Higher Committee of Human Fraternity, former United Nations Under-Secretary-General/Special Adviser on the Prevention of Genocide and former Registrar and Administrator of the International Criminal Tribunal for Rwanda, This symposium will be jointly organized by the Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies in Dakar, in partnership with the Scientific Committee for Interreligious Dialogue of the Konrad Adenauer Foundation, on Thursday, February 4, 2021, from 4 to 5:30 pm GMT.

Translated with www.DeepL.com/Translator (free version)
 
 

Ces dernières décennies sont marquées par la recrudescence de la violence que certains veulent justifier ou faire accepter au nom de la religion ou des idéologies extrémistes n’épargnant aucune région du monde. Conscientes de leur responsabilité et de leur rôle légitime de préserver la paix et de promouvoir le dialogue, conformément à l’esprit et l’enseignement de toutes les religions, d’éminentes personnalités et diverses institutions se sont engagées pour apporter une réponse concertée à cette montée des violences et de la haine dans le monde.

C’est dans ce sillage que s’inscrivent les efforts visant à instaurer une culture de la paix, notamment, la signature du Document sur la Fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune. Ce document, communément appelé Déclaration d'Abu Dhabi appelant au dialogue interreligieux, a été conjointement signé par l'imam d'Al-Azhar, Son Eminence Ahmed Al-Tayeb et Sa Sainteté le Pape François, le 4 février 2019. Dans le même esprit et conformément à l’engagement constant du Saint-Siège, l’encyclique Fratelli Tutti, signée le 3 octobre 2020, a été diffusée de manière symbolique, le lendemain, jour de la fête de Saint François d'Assise. Elle résonne,  également, comme un rappel à une nécessaire harmonisation des efforts pour un monde plus solidaire, pacifique et fraternel.

Encourageant cette dynamique unitaire mondiale inédite, dans un contexte de conflits et de radicalisation, l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’occasion de sa 75ème session, le 22 décembre 2020, a décidé, à l’unanimité, de faire du 4 février, jour anniversaire de la signature du Document pour la Fraternité humaine par le Pape et le Grand Iman d’Al-Azhar, une journée internationale de la Fraternité humaine. Aussi les Etats membres sont-ils invités à inscrire cette célébration dans leur calendrier.

A cette occasion solennelle, le Saint Père, le Secrétaire général de l’ONU et le Grand Imam d’Al-Azhar vont livrer des messages de portée mondiale pour marquer cet événement historique. S’inscrivant dans la même perspective, tout récemment, le Jury du Prix Zayed de la Fraternité humaine s’est réuni à Dubaï, du 20 au 22 janvier 2021, afin de déterminer le lauréat du Prix éponyme pour l’année 2021.

C’est au regard de l’attachement du Sénégal à la promotion de la fraternité humaine comme en témoignent la cohésion sociale et la paix qui prévalent dans notre pays, au demeurant, pionnier dans le dialogue islamo-chrétien, que des personnalités du monde politique et scientifique, des acteurs engagés dans la défense des droits humains et la promotion du dialogue et la résolutions des conflits veulent marquer cette première journée internationale de la Fraternité humaine, par un symposium en ligne ouvert au monde entier et portant sur le thème : « perspectives africaines de la Fraternité humaine au Sénégal ».

Ce symposium, qui se veut une contribution du Sénégal à ces efforts conjoints, verra la participation de diverses personnalités politiques, diplomatiques, religieuses, du monde universitaire, de la société civile, en plus d’organisations ayant joué un rôle éminent dans la consolidation du dialogue et de la paix au Sénégal, en Afrique et au plan international.

Emanant d’une initiative portée par Monsieur Adama Dieng, membre du Jury du Prix Zayed de la Fraternité humaine/Higher Comittee of Human Fraternity, ancien Secrétaire Général adjoint des Nations-Unies/Conseiller spécial à la prévention du génocide et ancien Greffier-Administrateur du Tribunal international pénal pour le Rwanda, ce symposium sera conjointement organisé, par Timbuktu institute-african Center for Peace Studies de Dakar, en partenariat avec le Comité scientifique pour le dialogue interreligieux de la Fondation Konrad Adenauer, le jeudi 4 février 2021, de 16h à 17h30 GMT.

 

PROGRAMME 

16.00 - 16.05      Diffusion messages de S.e.m. Macky Sall (a confrmer), de Sa Sainteté le Pape François et de S.e.m. Antonio Gutterers

16.05 - 16.10      Adresse de bienvenue par Son Excellence Maître Aïssata Tall Sall, Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur (a confirmer)

16.10 - 16.20      La déclinaison sénégalaise de la philosophie de l’altérité : Prof. Penda Mbow, Ministre-Conseiller charge de la Francophonie

 16.20 - 16.30     Fraternité et Amitié sociale entre Musulmans et Chrétiens au Sénégal : Mgr André Gueye, Evêque de Thiès et Hon. Abdoulaye Mactar Diop, Grand Serigne de Dakar

16.30 - 16.40      La Fraternité humaine dans l’agenda diplomatique international : S.e. Mgr Michael W. Banach, Nonce Apostolique au Sénégal  

16.40 - 16.50      Les efforts des Emirats dans le cadre de la promotion des idéaux du dialogue sur la base du Document sur la Fraternité humaine : S.e. Ali Sultan Rashid Alharbi, Ambassadeur des Emirats au Sénégal    

16.50 - 17.00      La Fraternité humaine, comme instrument de lutte efficace contre le radicalisme : Prof. Bakary Sambe, Directeur de TIMBUKTU INSTITUTE -Observatoire du radicalisme religieux et des conflits en Afrique

17.00 - 17.20      Discussions (Modération) : Prof. Bouba Diop, Membre du Comité scientifique pour le dialogue interreligieux de la Fondation Konrad Adenauer

17.20 - 17.30      Remarques conclusives et Recommandations : Adama Dieng, Membre du Jury du Prix Zayed de la Fraternité humaine / Higher Comittee for Human Fraternity et ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies

 

Les inscriptions pour toute participation au présent symposium sont ouvertes sur la plateforme dont le lien suit :

https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_5qH8qy2tQlWYkuNhfF0kIg

Download the full report at the bottom of the article

Within the framework of a partnership between the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies - and the Konrad Adenauer Foundation, a documentary research was carried out on six Sahelian countries (Burkina Faso, Mali, Mauritania, Niger, Senegal and Chad) concerning human rights in the face of the Covid-19. This report examines the management and consequences of the health programs put in place by the governments of the Sahel countries in response to the global crisis, as well as the consequences of such provisions on the respect of human rights.

The Covid-19 pandemic hit the countries of the Sahel, already plagued by other political, security, food and economic crises, but with repercussions that differed from those predicted by experts on the African continent. In March 2020, the World Health Organization (WHO) announced that: "Africa must prepare for the worst. According to Antonio GUTERRES, Secretary General of the United Nations, COVID-19 is an economic crisis, a social crisis and a human crisis that is rapidly becoming a human rights crisis. It is on this theme that this study focuses, on the question of respect for fundamental, universal, so-called human rights.

Our research teams in the different countries have observed cross-cutting strategies in the fight against the epidemic that have sometimes violated human rights in order to slow down transmission and to contain the virus. The six Sahelian countries that are the subject of this analysis note have all imposed a state of health emergency, the closure of schools and places of worship, a curfew, the closure of land and air borders, the application of hygienic measures known as "barriers" ... In short, a multitude of measures with heavy consequences on economies and increased pressure on local societies.

The COVID-19 crisis also revealed many vulnerabilities of the Sahelian states in the response to containment. Indeed, the "infodemia" and the fake news have generalized a context of fear and stigmatization among the populations, due to a low involvement of the media in the communication of government programs. Moreover, even if, compared to Europe, the African continent was slightly spared in terms of mortality, health infrastructures and hospital equipment remain insufficient, as well as water supply and the distribution of "basic" social services for populations in rural areas.

To this end, several solutions are available to the Sahelian States, such as, for example, strengthening the capacities of law enforcement agencies on methods of balancing the need to respect barrier gestures on the one hand and respect for human rights on the other. Nevertheless, this report also stresses the importance of strengthening democracy, ensuring that the pandemic is not a pretext for States to restrict certain fundamental rights, which are vital for social stability, democracy and the rule of law.

Therefore, despite the unexpected resilience of the Sahelian countries, a few recommendations should be taken into account in order to mitigate the risks of a second wave, at a time when Europe is in its third wave and South Africa is developing a third variant of the virus. Thus, Sahelian governments should pay more attention to loosening up barrier measures, which are almost no longer respected by the population, and should consider organizing regional programs to prepare for a possible new wave.

This analytical note has once again revealed the paradox of emergency management, whether it be safety or health emergencies as in the case of the Covid19 pandemic. States are still faced with this dilemma between the duty to protect and the principle of respect for human rights despite the pressures. This permanent tension indicates that the democratic system in general is never a lasting achievement as long as the "safeguards" are not negotiated and accepted within the framework of shared constraints and guided by the principle of the rule of law.

The other difficulty in the management of this pandemic will have been the question of fake news and disinformation sometimes even threatening the stability and viability of States with regard to their impact on the conduct of public policies and the credibility of institutions, as well as scientific speech in contexts of existential anxiety such as pandemics.

See full report: https://timbuktu-institute.org/media/attachments/2021/01/24/policy-brief-n-4-les-droits-humains-a-lepreuve-de-la-covid-19-vf-1.pdf 

Inscrivez-vous : https://us02web.zoom.us/webinar/register/3516104648527/WN_KNB7hTjYQMqqqfmz-CeJsA

 

Ce mercredi 27 janvier, le Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies - organise, en partenariat avec l’Ambassade des Etats-Unis au Sénégal, un webinaire interactif sur le thème de la jeunesse. Conscient que c’est un enjeu primordial pour le continent, notamment dans un contexte où l’extrémisme violent cible principalement cette part majoritaire de la population que sont les jeunes. Animé par Dr. Bakary Sambe, il fera intervenir six personnalités diverses issues des sphères religieuses, de la recherche universitaire, de la société civile et des médias afin de s’adresser directement à ce public et aux acteurs qui souhaitent mobiliser la jeunesse dans la prévention de l’extrême violence et la radicalisation. 

 

Les six Guest Speakers sont connus de l’espace public sénégalais pour leur contribution au débat public et religieux. il s’git de Madame Sokhna Maï Mbacké femme engagée au sein des confréries, Dr Seydi Diamil Niane, Islamologue à l’IFAN et auteur du livre Moi, musulman, je n’ai pas à me justifier  édité par le Timbuktu Institute ; Madame Fanta Diallo, Directrice des sports, de la jeunesse et de la vie associative ; Monsieur Issa Tine, Journaliste à Walfadjiri ; Madame Fatou Kiné Diop du Forum civil ; et Monsieur Grégoire Sarr de l’Association Jeunesse étudiante catholique au Sénégal. 

Le Dr Bakary Sambe modère ce webinaire, dont l’objectif principal est de voir comment co-construire des solutions durables engageant les jeunes autour de la question : « Les jeunes contre l’extrémisme violent : comment construire la résilience ? »

Policy Brief n°4 :

 

Les droits humains dans le Sahel à l’épreuve de la COVID-19

Rapport intégral à  télécharger en fin de texte

(Aperçu analytique de Constance WYBO)

Dans le cadre d’un partenariat entre le Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies - et la Fondation Konrad Adenauer, une recherche documentaire a été effectuée sur six pays du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad) concernant les droits humains à l’épreuve de la Covid-19. Ce rapport se penche sur la gestion et les conséquences des programmes sanitaires instaurés par les gouvernements des pays du Sahel pour répondre à la crise mondiale ainsi que les conséquences de telles dispositions sur le respect des droits humains.

 

La pandémie de Covid-19 a frappé les pays du Sahel, déjà en proie à d’autres crises politiques, sécuritaires, alimentaires et économiques, mais avec des répercussions différentes des prévisions d’experts du continent africain. En mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait annoncé que : « L’Afrique doit se préparer au pire ». Selon Antonio GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, la COVID-19 est une crise économique, une crise sociale et une crise humaine qui devient rapidement une crise des Droits de l’Homme. C’est sur cette thématique que se concentre cette étude, sur la question du respect des droits fondamentaux, universels, dits humains.

 

Nos équipes de recherche dans les différents pays ont constaté des stratégies transversales dans la lutte contre l’épidémie qui ont parfois enfreint les droits de l’homme pour ralentir la transmission et pour endiguer le virus. Les six pays sahéliens, objets de la présente note d’analyse, ont en effet tous imposé un état d’urgence sanitaire, la fermeture des établissements scolaires et des lieux de culte, un couvre-feu, la fermeture des frontières terrestres et aériennes, l’application de mesures hygiéniques dites « barrières » … En bref, une multitude de mesures avec des conséquences lourdes sur les économies et une pression accrue sur les sociétés locales.

 

La crise de la COVID-19 a aussi révélé de nombreuses vulnérabilités des Etats sahéliens sur la riposte pour son endiguement. En effet, l’« infodémie » et les fake-news ont généralisé un contexte de peur et de stigmatisation auprès des populations, en raison d’une faible implication des médias dans la communication des programmes gouvernementaux. De plus, même si, comparativement à l’Europe, le continent africain fut légèrement épargné en termes de mortalité, les infrastructures sanitaires et les équipements hospitaliers demeurent insuffisants, tout autant que l’approvisionnement en eau et la distribution de services sociaux de « base » pour les populations en zone rurale.

A cet effet, plusieurs solutions s’offrent aux Etats sahéliens comme par exemple, le renforcement des capacités des forces de l’ordre sur les méthodes d’équilibre entre d’une part l’exigence du respect des gestes barrières et d’autre part le respect des droits de l’homme. Néanmoins, ce rapport souligne aussi l’importance de renforcer la démocratie, en veillant à ce que la pandémie ne soit pas un prétexte pour les Etats de restreindre certains droits fondamentaux, vitaux pour la stabilité sociale, la démocratie et l’État de droit.

 

Dès lors, malgré une résilience inattendue des pays sahéliens, quelques recommandations sont à prendre en compte afin de mitiger les risques d’une deuxième vague, à l’heure où l’Europe est à sa troisième vague et où l’Afrique du Sud développe une troisième variante du virus. Ainsi, les gouvernements sahéliens devraient prêter plus d’attention au relâchement par rapport aux mesures barrières, qui ne sont quasiment plus respectées par les populations et devraient penser à organiser des programmes régionaux afin de se préparer à une possible nouvelle vague.

 

Cette note d’analyse a encore révélé le paradoxe de la gestion des urgences qu’elles soient sécuritaires ou sanitaires comme dans le cas de la pandémie de Covid19. Les États sont toujours confrontés à ce dilemme entre devoir de protection et principe de respect des droits humains malgré les pressions. Cette tension permanente indique que le système démocratique de manière général n’est jamais un acquis durable tant que les « garde-fous » ne sont pas négociés et admis dans le cadre de contraintes partagées et guidées par le principe de l’Etat de droit.

L’autre difficulté dans la gestion de cette pandémie aura été la question des fake news et de la désinformation menaçant parfois même la stabilité et la viabilité des États au regard de leur impact sur la conduite des politiques publiques et la crédibilité des institutions de même que de la parole scientifique dans des contextes d’angoisse existentielle comme les pandémies.

 

Aperçu analytique de Constance WYBO, Stagiaire au Timbuktu Institute

 

Télécharger: Les droits humains dans le Sahel à l’épreuve de la COVID-19

 

 

Dix ans après la révolution, des jeunes – dont la plupart n’ont pas connu la dictature de Ben Ali, ni participé aux soulèvements qui l’ont fait fuir et ont conduit à la chute de son régime; ils avaient moins de 10 ans, entre 4 et 8 ans – se soulèvent à leur tour avec les mêmes revendications, la même rage, pour les mêmes causes qui n’ont fait que s’aggraver : plus de chômage, plus de précarité, plus de marginalisation, plus d’inégalités, plus d’injustice, plus de désenchantement et de désespoir quant à l’avenir…

Par Mohamed Chérif Ferjani Timbuktu Institute

  Certains s’entêtent à imputer cela à la révolution elle-même en l’accusant d’être à l’origine de l’aggravation de la situation économique, sociale et politique, à la dégradation des services publics d’éducation, de santé, de transports… allant jusqu’à cultiver la nostalgie du «bon vieux temps» de Ben Ali et Bourguiba. Les tares d’un système corrompu et inéquitable D’autres, tout en se réclamant de la révolution, sans y avoir participé et sans rien faire pour réaliser ses objectifs, font preuve d’un «révolutionnisme» qui cache très mal leur attachement à sauver l’essentiel du système de Ben Ali dont ils ont hérité pour en aggraver toutes les tares : les politiques néolibérales imposées par la Banque Mondiale et le FMI dès le début des années 1980, poursuivies sous le règne de Ben Ali et à l’origine des crises économiques et sociales conduisant à la révolution de 2010-2011, sont restées le seul horizon des politiques de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, avec moins de moyens, plus d’incompétence, et sans capacité ou volonté d’imaginer des voies pour en sortir ; la corruption est la chose qui s’est le plus démocratisée au point de gangrener toute la société; son rapport au pouvoir s’est inversée : elle en était l’émanation et sous son contrôle, aujourd’hui, c’est elle qui en détermine la constitution et lui impose sa loi; le chômage en général, et celui des jeunes en particulier, continue à évoluer en sens inverse de tous les indicateurs économiques, atteignant des proportions de plus en plus inquiétantes;

la précarisation des conditions de vie n’épargne aucune couche sociale hormis ceux qui profitent de la corruption et de leur proximité avec les partis au pouvoir, et plus particulièrement avec les islamistes qui sont la seule force qui se retrouve, avec plus ou moins d’influence, dans toutes les coalitions gouvernementales depuis octobre 2011; les inégalités sociales et entre les régions se sont creusées et deviennent de plus en plus insupportables; la dégradation des services publics s’est accélérée au point qu’ils ne sont plus capables d’assumer le minimum de leurs missions, laissant la place à des acteurs privés guidés par l’appât des profits les plus importants dans les temps les plus courts, ou par l’objectif de remettre en question les acquis modernes de la société que ce soit en termes de droits ou en termes de sécularisation et d’autonomisation par rapport au conservatisme religieux et aux structures de domination traditionnelle; des institutions de l’Etat, comme la justice, la police, et l’armée, les douanes, les différentes administrations, infiltrées par les islamistes et les lobbys de la corruption, n’arrivent plus remplir leurs fonctions, notamment pour garantir la sécurité du pays et de la population contre les menaces du terrorisme et des réseaux du crime organisé; le système politique est bloqué par une «partitocratie» d’autant plus impuissante qu’aucun parti n’arrive à échapper aux jeux d’alliances sans foi ni loi et qui n’ont pour enjeux que de se maintenir le plus longtemps au pouvoir pour continuer à s’enrichir indûment, échapper à la justice, se protéger et protéger les siens et ses amis des poursuites qu’impose leur implication dans des malversations et des crimes de toutes sortes.

Ces rapaces qui ont récupéré la révolution

Faut-il pour autant regretter la révolution et la fin de dictature de Ben Ali ? Certainement pas ! Le problème n’est pas la révolution contre cette dictature mais le non accomplissement des objectifs de cette révolution qui a chassé Ben Ali et son entourage, sans réussir à détruire les fondements de son système. Le plus grand acquis de cette révolution ce sont les libertés arrachées avant que les rapaces qui ont récupéré la révolution, sans y avoir participé, n’accèdent au pouvoir pour la détourner de ses objectifs et sauver ce qu’ils peuvent du système, en le détournant à leurs profits, que ce soit pour remettre en cause les acquis modernes de la Tunisie et réaliser leur projet théocratique, ou simplement pour faire fortune et s’emparer de tous les pouvoirs au nom du peuple et de Dieu.

Pire, il suffit que les hommes de Ben Ali fassent allégeance aux nouveaux maîtres pour qu’on leur pardonne tout et qu’on les réhabilite pour profiter de leur expérience dans les manœuvres et les techniques de domination. Ainsi, le dernier secrétaire général du parti de Ben Ali, Mohamed Ghariani, fut appelé, au grand dam de nombreux dirigeants islamistes qui ont claqué la porte de leur mouvement, aux fonctions de conseiller du chef d’Ennahdha et président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi.

Répression, langue de bois et discours démagogiques

Lorsque les jeunes et les populations des quartiers et des régions victimes des injustices, des inégalités, de l’oubli et du mépris des héritiers de Ben Ali, osent manifester leur colère, comme ils peuvent, avec les moyens et la culture dont ils disposent, on leur oppose les mêmes réponses : la répression, certes, faute de moyens, moins violente que celle de la police de Ben Ali, l’appel aux milices islamistes pour soutenir les force de l’ordre comme le faisaient les milices du RCD et celles du parti de Bourguiba, la même langue de bois des discours démagogiques où le «je vous ai compris de Ben Ali» est mimé par «j’ai de la compréhension pour vos revendications» de Méchichi, le louvoiement, etc. L’un des acquis de la révolution est que la population ne se laisse plus intimider et tient tête aux pouvoirs, quels qu’ils soient et quelle que soit leur idéologie; la force de l’insoumission a remplacé «la force de l’obéissance». J’espère que les jeunes d’aujourd’hui et les acteurs des actuels soulèvements sauront préserver leur mouvement des tentatives de récupération et/ou détournement de leurs objectifs. Pour cela, ils doivent occuper la place qui leur revient dans les instances qui auront à décider des réponses à leurs revendications. Il est évident que les représentations en place, à quelque niveau que ce soit, et en premier lieu l’Assemblée qui ne représente que les intérêts des lobbys et des puissances dont dépendent les principaux groupes qui la dominent, ne peuvent apporter des solutions à leurs problèmes et aux problèmes du pays. S’il y a un véritable dialogue national, ils doivent l’investir pour éviter qu’il ne soit une nouvelle occasion de sauver le système et ceux qui en tirent les ficelles et pour faire adopter les mesures économiques et sociales urgentes qu’exigent la situation à l’origine du mouvement social actuel. Ils doivent y occuper la place qui leur revient pour que ce soit l’occasion de refonder le contrat social dans le sens de répondre aux aspirations sociales et démocratiques qui ont porté la révolution de 2010-2011, de réviser la constitution pour au moins mettre fin au système hybride qui paralyse le pays et les autres incohérences, de modifier la loi électorale sans revenir à la majorité absolue à deux tours, de mettre en place la Cour Constitutionnelle, de tirer les conséquences qui s’imposent judiciairement du rapport de la Cours des comptes concernant les dernières élections, etc. Ce sont là les des objectifs à atteindre dans les plus brefs délais, avant l’organisation de nouvelles élections.