Timbuktu Institute

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Source : Revue Défense, N°196 –Janvier- Février 2019

La multiplication des « stratégies Sahel », l’absence de coordination de l’action internationale dans cette région donnent parfois l’impression d’une compétition perçue comme une « inconscience » face à la montée des périls et aux urgences. Lors des échanges avec des acteurs maliens, on perçoit bien une forme d’incompréhension de l’action de la communauté internationale et de la France en particulier.

Au Mali, il semble se dessiner, depuis plusieurs années, un conflit de perception du conflit entre la classe politique malienne et les dirigeants européens plus focalisés sur la menace terroriste à raison de son caractère transnational que sur la question de la « réconciliation nationale ». En d’autres termes, au sein des sociétés civiles africaines, il y a une forte perception selon laquelle la lutte contre le terrorisme est aussi un levier d’influence et une justification « intéressée » d’une présence militaire occidentale en Afrique.

Dès 2014, dans une étude intitulée Mali-Mètre « Que pensent les Maliens ?» menée par la Fondation Friedrich Ebert, plusieurs sujets ont été abordés dont la présence et le rôle des forces étrangères dans le pays. Les sondés divergent sur la force française Barkhane et son rôle tout en méconnaissant l’action de l’EUTM, la mission de formation de l’Union européenne. Le signal avait été donnée sur la perception de la présence militaire française à travers l’appréciation de Barkhane et de son action dans le pays et 34% des citoyen(ne)s estimaient que les forces armées françaises devraient rester « moins d’un an » au Mali ; ils étaient 22% à penser qu’elles pourraient encore rester entre « un et trois ans ». Pour 6% d’entre eux, Barkhane pourraient faire plus de 15 ans au Mali révélant du coup que la stabilisation du pays et la victoire contre les djihadistes n’était pas pour demain alors que les acteurs locaux étaient plus dans la logique d’une présence salvatrice que celle d’une installation à long terme.

Au Niger voisin, les acteurs de la société civile qui ne partagent pas souvent les orientations des dirigeants politiques, développent un sentiment assez mitigé de la coopération sécuritaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui, pour l’heure, semble être la seule approche préconisée par les pouvoirs publics contre le phénomène de l’extrémisme violent. En plus des questionnements que soulève, pour les défenseurs des droits humains, l’arsenal répressif dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les principales inquiétudes portent sur les perceptions d’une coopération internationale souffrant d’une « absence totale de transparence » de la part de l’Etat. En quelque sorte, ces acteurs s’interrogent sur la pertinence même d’une telle coopération souvent vue sous l’angle d’une volonté des pouvoirs publics à satisfaire les désirs des partenaires internationaux aux agendas « flous » aux yeux de la population.

De ce fait, la question des « forces étrangères » commence à être un sujet majeure de préoccupation : « la présence des forces étrangères inquiète nos populations ; cela donne l’idée d’une occupation du Niger sous prétexte de la lutte contre le terrorisme », affirme un responsable d’une ONG locale. Ce regard critique sur coopération sécuritaire semble même recouper la perception assez mitigée, de plus en plus partagée, de la présence militaire dans le pays. Les déclarations sont de plusieurs types mais ont en commun la traduction d’un sentiment d’incompréhension et même d’un relatif rejet d’une coopération pourtant saluée par les Etats comme participant de la sécurisation de ces vastes zones du Sahel. Bien que plus discrète, la présence militaire américaine qui s’est révélée comme une réalité désormais admise depuis l’attaque mortelle d’octobre 2017, n’échappe pas à cette perception négative de la part des populations : « la mission des drones qui survolent le territoire nigérien est incompréhensible. Ces drones ne sont pas là pour nous ! ». Il y a aujourd’hui une forte impression lisible dans des déclarations publiques de la part de représentants de la société civile,  telles que : « La présence militaire des pays occidentaux n’est pas là pour nous sécuriser. Les calculs géostratégiques orientent cette présence militaire ».

Du moment que la coopération sécuritaire est conçue comme relevant d’un engagement des Etats et des partenaires internationaux, on dirait que les sociétés civiles africaines commencent désormais à exiger plus de transparence au même titre que dans les autres volets de la gouvernance comme l’exprime cet acteur important d’une ONG travaillant dans la zone de Gueskérou : « Il y a tout un flou qui entoure cette présence des forces étrangères et la société civile voudrait qu’il y ait plus de transparence sur cette présence militaire qui accentue même le sentiment d’insécurité. La présence militaire étrangère est devenue même un facteur incitatif à l’extrémisme ».

Toutefois, une fine analyse de cette perception pourrait amener à croire à une différence d’appréciation selon qu’il s’agisse de l’approche américaine ou de celle française. Les liens historiques entre la France et les principaux pays du Sahel ainsi qu’une forte impression des acteurs français qui maîtriseraient mieux les « affaires africaines » pourraient induire à des erreurs d’appréciation de la situation. Il est encore courant que certaines autorités militaires françaises considèrent que les Etats-Unis seraient en rade sur les affaires sahéliennes en s’appuyant sur des documents américains de politique africaine dans lesquelles l’Afrique ne semble pas être une priorité. La réalité serait pourtant beaucoup plus complexe.

Une observation approfondie de la stratégie américaine ferait apparaître que les Etats-Unis ont, plutôt, fait l’option de laisser la sécurisation à d’autres pays avec son lot de critiques et de perceptions négatives, tout en profitant de cette sécurité relativement garantie pour accroître leur influence, à l’intérieur de l’espace, et se donner le temps de la prospective. Cette option semble « payer » et marque nettement les perceptions locales : « Il y a une différence entre l’approche américaine et l’approche française ; ils sont moins discrets. Il y a une forte suspicion sur la présence militaire française au Niger », remarque un président d’association de victimes à Diffa. Au moment où, l’option militaire semble être privilégiée par la France supportant ainsi les coûts financiers et militaires et termes d’image, les Etats-Unis se concentrent sur les actions de prévention de l’extrémisme violent avec une approche holistique. De la même manière l’Allemagne d’Angela Merkel qui a, désormais, pris son destin sahélien en main, en dehors des cadres européens ou sous « parapluie française », s’appuie sur l’approche développementaliste ainsi que ses puissantes fondations complétant sa diplomatie d’influence.

Cette incompréhension se creuse en même temps que, dans les cercles des leaders africains et de l’intelligentsia, les esprits se surchauffent déjà à l’idée de voire le Burkina Faso devenir un « nouveau Mali » malgré les assurances de Florence Parly lors de sa dernière visite à Ouagadougou. L’approche militaire, elle, dévoile ses insuffisances quotidiennes alors que les groupes terroristes qu’elle devait faire disparaitre se multiplient. Il y a aujourd’hui une forte impression selon laquelle la France s’interroge en même temps que ses alliés sahéliens doutent et sont fragilisés par les critiques des opinions publiques de plus en plus sceptiques quant à la pertinence de « nouvelles guerres » aux issues incertaines.

Il est sûr qu’un nouveau conflit s’installe : celui entre les approches internationales d’une crise sahélienne qui perdure et ses perceptions locales longtemps négligées. Ce que nous avons appelé le « nouveau dilemme sahélien » semble pour l’heure insoluble pour les Etats africains et de leurs partenaires internationaux  « entre l’impératif de gestion des urgences sécuritaires et la nécessité d’un changement inévitable de paradigme face à l’échec patent du tout-militaire ».

« De Bologne, ville de la Renaissance en Europe, siège de la plus ancienne université du monde occidental depuis sa fondation en 1088, je voudrais lancer un appel. L’Europe ne peut continuer à prétendre promouvoir les droits de l’homme et la liberté tout en cédant à la tentation du populisme et de la xénophobie. Ce faisant, l'Europe se trahit elle-même », a déclaré Dr. Bakary Sambe.

Invité par le Ministère italien des Affaires étrangères et de la coopération internationale par le biais de l’Ambassade d’Italie à Dakar, dans le cadre de la Session 2019 de l’Académie européenne de religion, le chercheur sénégalais est intervenu dans le panel dirigé par Professeur Jocelyne Cesari de Gorgetown University.

Dans cette session, il a été noté qu’au cours des trois dernières décennies, un nombre important de centres de «Religion et vie publique» ont émergé dans les universités européennes. Au-delà d’un objectif commun d’améliorer la compréhension du public de religion, ces centres varient considérablement en termes de mission, portée, programme de recherche, et ils collaborent rarement les uns avec les autres. La session dans laquelle est intervenu le chercheur sénégalais portait sur les modes de communication sur la religion en Europe afin de se pencher sur les espaces publics d’après différentes perspectives nationales et religieuses.

Certes, pour l’enseignant au Centre d’étude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, « avec la montée du terrorisme, les esprits sont surchauffés, l’émotion est à son comble, mais l’Europe ne doit pas abandonner son combat pour la défense des principes en cédant le pas aux minorités extrémistes. Le choc des extrêmes tant redouté et qui semble se profiler à nos yeux n’apportera rien de positif à l’essentiel du vivre-ensemble»Loin de souscrire au sentiment d’un « choc inéluctable entre Islam et Occident », le Directeur du Timbuktu Institute a surtout invité à se départir des « discours dichotomiques et des conceptions manichéens » à propos des relations interculturelles : « Je n'ai jamais cru à l'opposition systématique entre l'Islam et l'Occident, qui est une construction simpliste. L'islam est devenu une religion européenne depuis longtemps. Les langues européennes sont les langues de l'islam à travers lesquelles des millions de musulmans se parlent et s'expriment. C'est en français que des millions de jeunes acquièrent les connaissances de base de l'islam en Afrique comme en Europe. Si, aujourd'hui, la représentativité à l'organisation de la Conférence islamique devait être déterminée par le nombre de musulmans sur un territoire ou un pays donné, la France mériterait plus de sièges que le Koweït ou encore la Jordanie »Appelant à une approche privilégiant « une étude comparée des religions, toujours prônée par le Professeur Mohamed-Chérif Ferjani dans ses différents travaux qui ont démontré que l’islam n’était pas une exception dans le cadre de l’évolution du discours religieux », Dr. Bakary Sambe a déploré le peu d’intérêt à la démarche islamologique critique, depuis peu supplantée par « une malheureuse mode d’étudier l’islam en tant que simple problème dans les sociétés européennes »

Aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest et, particulièrement, au Sahel, les pays se trouvent dans différentes situations sécuritaires qui relèvent soit de leurs spécificités internes ou de leur position géographique par rapport à l’épicentre de la menace transnationale la plus en vue : le terrorisme. Il serait difficile de les classifier selon un cadre politico-sécuritaire reflétant une réalité fixe et faisant sens. L’évolution de la situation sécuritaire, les aléas et l’imprévisibilité d’un phénomène multiforme et insaisissable ne facilite point une classification objective. Sans s’aventurer dans la fixation d’une grille constante d’analyse de la situation sécuritaire au Sahel, on pourrait, tout de même, concevoir une typologie mouvante allant des Etats qui sont déjà rudement frappés par le terrorisme (Mali, Nigéria) à ceux qui offrent encore la possibilité d’une approche préventive et prospective (Sénégal et pays côtiers). Selon la même typologie d’autres pays comme le Niger et le Tchad pourraient être parmi ceux qui sont sous haute pression sécuritaire. Dans cette configuration où l’impensable se produit tous les jours tellement certains pays se croyaient loin de l’épicentre du djihadisme, la prévision  comme outil de gouvernance sécuritaire est même tombée dans le domaine de l’absurde avec Grand Bassam qui sonna comme un avertissement à l’Afrique côtière.

La coopération militaire a été l’une des premières trouvailles pour repousser l’assaut des djihadistes comme en témoigne l’opération Serval dès le début de la crise malienne. Mais, très vite, au rythme des attaques et de la propagation des zones de conflit, ce qui semblait être une solution temporaire s’inscrivit dans la durée sans qu’une communication adéquate accompagnât les actions et les initiatives. Il s’est alors installé un sentiment d’incompréhension pouvant aller jusqu’au rejet annihilant ainsi les efforts de la communauté internationale tout en posant de sérieux problèmes politiques internes aux les Etats qu’elle était sensée soutenir et renforcer. Ainsi, la lutte contre le terrorisme qui avait créé, pour un temps, une convergence de vues entre Etats sahéliens et partenaires internationaux commence à diviser et faire ressurgir de vieux démons tels que la suspicion d’  « impérialisme » et une vision négative des interventions militaires. Il se pose, aujourd’hui, un véritable débat au sein de la classe politique et de l’intelligentsia africaines qui se nourrit des contradictions et incohérences de tous bords. D’un côté, les puissances occidentales perdurent dans l’option du tout-militaire qui n’arrive pas à bout du terrorisme pendant que, de l’autre, les Etats africains s’interrogent à propos de la primauté instituée du sécuritaire sur le développement qui semble moins mobiliser. On parle de plus en plus d’une inversion de l’agenda africain face à une vision internationale « imposée » et orientée.

Cette contribution voudrait, à partir d’une analyse des perceptions croisées entre acteurs internationaux et locaux, revenir sur cette incompréhension qui rend peu lisible, aux yeux des populations, la coopération sécuritaire pourtant saluée par les pouvoirs publics de part et d’autre de la Méditerranée. De même, elle vise à analyser le « nouveau dilemme » sahélien entre impératifs de sécurité, gestion des urgences et nécessité d’un changement de paradigmes devant le relatif insuccès de l’option du tout-militaire.

Sahel : de la guerre des priorités à la concurrence des agendas

Les effets collatéraux d’une lutte contre le terrorisme qui s’annonce longue et sans issue ont, rudement frappé et affaibli les économies locales tout en affectant les équilibres sociopolitiques dans la région. Ainsi, la question resurgit du destin d’un continent et surtout de sa capacité à assurer sa propre sécurité. Au sein des élites politiques et intellectuelles, le vieux débat sur l’intégration économique et politique se pose au quotidien, à l’Afrique, sous la forme d’un dilemme : subir tel un maillon faible, les aléas et désidérata des échanges mondiaux et de la politique internationale qui la marginalisent et la dominent ou s’imposer en tant qu’ensemble géopolitique sensé et intégré avec son identité propre et ses priorités en bandoulière.

Dans la nouvelle géopolitique imposée par cette situation inattendue qui fait que la priorité du développement est supplantée par les impératifs de sécurité, les pays africains doivent, de plus en plus, faire face à de nouveaux défis tels que les impacts directs de l’extrémisme violent et du terrorisme ainsi que la propagation continue des zones de conflits. Pour comprendre comment la sécurité en tant que domaine prioritaire d’action est souvent vue comme un fardeau ralentissant la marche du continent vers le développement par une meilleure intégration des économies, il faudra prendre en compte les perceptions locales de la crise sahélienne qui, souvent, tranchent d’avec la vision et l’approche internationales.

En fait, au moment où les initiatives d’intégration et de construction de stratégies communautaires étaient en très bonne voie sur le continent, l’insécurité grandissante accentuée par le terrorisme a subitement durci les contrôles dus aux risques transnationaux avec un impact certain sur les échanges économiques et le développement du commerce. Devenues aujourd’hui le symbole de la criminalité et de la transnationalité des menaces, les zones frontalières ont toujours été celles d’une dense activité économique. A titre d’exemple, la menace Boko Haram a transformé le Bassin du Lac Tchad en zone d’instabilité de même qu’elle soulève la question des nécessaires stratégies interrégionales (MNJTF). Par le passé, Diffa, Bosso, Chétimari, Nguigmi, au Niger étaient économiquement liés à Garoua et Maroua au Cameroun ainsi qu’aux îles du Lac Tchad comme Mitérié où le Naira nigérian circulait plus que le franc CFA. Aujourd’hui, l’impératif de sécurité l’emporte largement sur la valorisation de ces zones d’échanges où l’activité économique est freinée par des fermetures de marchés et le bannissement de certaines exportations.

Mais, en réalité, cette question cruciale qui s’impose de plus en plus dans le débat inter-africain sur la crise sahélienne au sein même de l’intellgentsia n’est pas nouvelle. Au lendemain des applaudissements internationaux suite à l’opération Serval, certains comme le sénégalais Boubacar Boris Diop et l’ancienne ministre malienne de la culture parlaient déjà de « gloire des imposteurs » arguant que la lutte contre le terrorisme était devenu le nouvel artifice d’un soft-impérialisme revenu par la fenêtre du sécuritaire.

Au même moment, l’autocritique prend toute sa place dans le débat africain fortement secoué par la notion d’inversion des priorités et l’absence d’un agenda continental. Pour ceux qui continuent de penser que l’Afrique est en train de mener une guerre qui ne serait pas la sienne, en lieu et place des dispositifs régionaux de promotion des échanges, naissent et se multiplient d’autres initiatives à motivation purement sécuritaire reléguant l’économie et le développement au second plan. D’autres, optant pour la formule d’une sécurité africaine par les Africains, déplorent l’absence de cadres de coopération régionale pour harmoniser les politiques sécuritaires qui font parfois défaut malgré les initiatives de l’Union Africaine et les efforts du Conseil de paix et de Sécurité.

Dans les perceptions de cette dernière catégorie, la multiplication d’initiatives sous-régionales parcellaires comme le G5 Sahel auraient pour objectif non avoué d’affaiblir une entité communautaire comme la CEDEAO avec des agendas flous, du moins incompris. D’un autre côté, la redondance des stratégies et autres « plans » des partenaires internationaux sans coordination entre-elles, dispersent les efforts africains et freinent la mise en place de cadres endogènes à vocation continentale pour parachever l’architecture de paix et de sécurité du continent.

(A Suivre)

Durant trois jours, les leaders religieux venus des différentes préfectures de la Guinée ainsi que la zone spéciale de Conakry, ont été outillés sur  » le projet de prévention de la radicalisation de l’extrémisme violent en Guinée « .

Initié par les partenaires UNFPA, OIM et l’Unesco, durant les trois jours de débats, plusieurs sujets ont été abordés dont entre autre  » la consultation nationale sur la réglementation des foyers islamiques » en Guinée.

Préoccupé par la montée de l’extrémisme violent dans le monde et dans la sous-région ouest africaine, le consultant Sénégalais s’est félicité de la politique de prévention instaurée par les autorités guinéennes.

« La méthodologie adoptée au cours de ce séminaire, est une méthodologie participative.
Le Gouvernement guinéen à travers son Secrétariat Général Aux Affaires Religieuses, a bien conscience de la prévention même si la Guinée est restée jusque-là à l’abri de cette menace.

En se rendant compte de la situation sécuritaire dans la sous-région, l’État guinéen a pris le devant, pour être sur le terrain de la prévention. Et cela avec l’appui de ses partenaires internationaux.

Même si le mal n’est pas encore présent avec une grande ampleur chez nous, il ne faut dormir. » À expliqué le Directeur de Timbuktu Institute Dr Bakary Sambe.

Au terme de cet atelier, un document de plaidoyer a été élaboré, qui sera finalement remis au gouvernement à travers le Secrétariat Général Aux Affaires Religieuses.

 

 

Source Le Monde

Au premier jour de campagne de l’élection présidentielle au Sénégal, dimanche 3 février, deux des cinq candidats se sont précipités dans les villes saintes des confréries islamiques, toutes-puissantes de ce pays d’Afrique de l’Ouest où 95 % de la population est musulmane. Les trois autres les rejoindront dans les premières semaines d’une campagne où chacun espère obtenir la bénédiction religieuse qui convertira les fidèles en électeurs. Considéré comme un modèle de démocratie et de laïcité républicaine dans la région, le Sénégal semble immobilisé par cette interdépendance des sphères politiques et religieuses.

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Pour Bakary Sambe, directeur du groupe de réflexion Timbuktu Institute, enseignant-chercheur au centre d’études des religions de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis et auteur de l’ouvrage Le Sénégal entre diplomatie d’influence et islam politique (éd. Afrikana, octobre 2018), ce risque se conjugue avec une influence grandissante de l’islam politique venu des pays du Golfe.

Dans votre livre, vous dites que les rapports entre chefs religieux et politiques n’ont jamais changé depuis l’arrivée de l’islam confrérique au Sénégal. Ce jeu d’intermanipulation teinté de réalisme politique semble encore bien présent…

Bakary Sambe Ce rapport existe depuis l’époque coloniale. Le général de Gaulle, en 1958, s’appuyait déjà sur les deux plus puissantes confréries soufies de l’époque, les tidjanes et les mourides, afin que le « oui » du référendum pour rester dans la communauté franco-africaine l’emporte. Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, s’est inscrit dans cette continuité en donnant aux marabouts [chefs religieux] un statut d’intermédiaires entre la société politique et les citoyens. Abdou Diouf, en 1988, fut le premier président à avoir bénéficié d’une consigne de vote religieuse, un « ndigel ». Le khalife général des mourides, la plus haute autorité confrérique, avait dit que quiconque ne voterait pas pour Diouf trahirait l’enseignement de Cheikh Amadou Bamba, le fondateur du mouridisme.

Cette influence s’est-elle perpétuée par la suite ?

Oui, Abdoulaye Wade a été le président [2000-2012] à l’origine d’une « mouridisation » de la société, voire d’une « République couchée »pour certains. Car, au lendemain de son élection, il s’est prosterné devant son marabout. C’était un choc. Macky Sall, le président actuel, ancien maoïste déclarant que les marabouts seraient désormais des citoyens ordinaires, a intégré dans son budget un programme de modernisation des cités religieuses. En décembre 2018, à l’approche des élections, il a inauguré l’autoroute d’Illa Touba, la deuxième du pays, reliant la capitale à la ville sainte mouride et dont de nombreux économistes doutent de la rentabilité. Aujourd’hui, tous les entrepreneurs politiques s’inscrivent dans cette politique-là, pour chercher des voix, gagner en légitimité ou utiliser les confréries comme un levier d’influence sur le plan politique, économique et social.

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Le Sénégal est un Etat laïque dans une société confessionnelle dirigée par quatre confréries soufies. Quelles sont les tensions entre ces deux mondes ?

Le Sénégal est dans une contradiction entre sa sphère religieuse, qui s’impose comme stabilisatrice, et sa sphère politique qui use du religieux à son bénéfice. Un projet de code de la famille est bloqué depuis 1972 à cause de la résistance des marabouts, car il donnerait plus de droits aux femmes mais est perçu comme étant une influence occidentale dans les mœurs et dans la loi. Aucun pouvoir n’a jamais osé y revenir. Ici, le leadership politique est en perpétuelle quête de légitimité et s’adonne à des formes de compromis voire de compromission avec la sphère religieuse qui, à terme, peut remettre en cause, selon de nombreux analystes, nos fondements républicains.

A l’approche des élections, dénote-t-on un recul de l’influence des confréries sur les candidats ou, au contraire, une emprise plus forte ?

La classe politique ne mettra jamais en doute la capacité des chefs religieux à leur apporter des voix supplémentaires. Ousmane Sonko, qui est le seul des cinq candidats à n’appartenir à aucune confrérie, a quand même été l’invité d’honneur d’une conférence à Touba, ville sainte des mourides. Le président Macky Sall, comprenant l’influence de la confrérie, s’était aventuré à réciter des vers de Cheikh Amadou Bamba lors du dernier magal, célébration religieuse la plus importante de la communauté mouride. Idrissa Seck, en 2012, disait même fonder les piliers de son programme sur les enseignements de Bamba et vient de présenter sa nouvelle coalition auprès du khalife général afin de bénéficier de son onction religieuse. Madické Niang est aussi un produit de Touba et Issa Sall une émanation directe d’un mouvement de la confrérie des tidjanes. Au Sénégal, l’imaginaire nationaliste se confond à l’imaginaire religieux.

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Aujourd’hui, quelle est la confrérie la plus influente ?

Selon les derniers recensements, les tidjanes étaient majoritaires, mais il est vrai que la confrérie mouride a pris une ampleur et une influence supplémentaire avec l’arrivée de Wade au pouvoir en 2000. C’était même une sorte de revanche pour cette confrérie d’origine rurale. Elle, qui avait rejeté l’école publique, s’est retrouvée marginalisée dans les sphères dirigeantes après l’indépendance parce que, n’ayant pas produit de cadres, voilà qu’elle devient le cœur du pouvoir avec Wade qui instaure la « mouridisation » des institutions et des personnalités politiques dans la distribution des prébendes et des postes gouvernementaux.

Est-ce que la puissance des confréries empêcherait aujourd’hui les candidats à aborder des thématiques jugées taboues, comme la mendicité des enfants « talibés » ou les droits des femmes ?

Il est clair que la pression religieuse pèse sur la pensée de notre classe politique qui n’aborde pas des questions sociétales. Les questions économiques sont débattues en premier lieu. La question des talibés et de la mendicité infantile est un problème qui traîne depuis l’indépendance. C’est une question sensible dont aucun régime n’a osé s’emparer.

A deux semaines de l’élection, une confrérie a-t-elle déjà donné son « ndigel », sa consigne de vote à ses fidèles ?

Depuis 1988, il n’y a pas eu de « ndigel » central et explicite d’un khalife. Aujourd’hui, il y a une parcellisation des consignes de vote qui ne sont plus un bloc à ramasser par un candidat, mais plusieurs pôles de légitimité secondaires à conquérir dans les confréries. Chaque candidat va essayer de montrer sa proximité. Dimanche 3 février, Macky Sall et Idrissa Seck ont commencé leur campagne électorale par des visites dans les villes saintes des tidjanes et des mourides. Récemment, l’annonce du porte-parole du khalife des tidjanes, « Je ne donne pas de consigne de vote, mais Macky est mon leader », peut être interprétée comme un « ndigel » implicite.

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Dans votre livre, vous dénoncez un autre danger pour le pays, la montée du salafisme…

Le candidat Ousmane Sonko a eu un passé d’engagement dans un mouvement estudiantin proche de milieux salafistes. Il n’est pas le seul. Le président Macky Sall avait obtenu en 2012 le soutien du principal mouvement salafiste du Sénégal. Mais la question fondamentale est celle de l’unification de nos écoles. Le Sénégal est l’un des rares pays au monde à ne pas avoir une totale emprise sur son système éducatif. Les Sénégalais vont soit à l’école française soit à l’école arabe. L’école sénégalaise qui prendrait en compte nos héritages conjugués est encore à inventer. Aucun régime n’a eu le courage de créer cette synthèse, ce qui a permis de laisser notre école ouverte à toutes les influences, notamment saoudiennes, turques et iraniennes.

Dans la ville nouvelle de Diamniadio, vitrine du Plan Sénégal émergent de Macky Sall, il y a un projet d’université salafiste à vocation régionale. A Dakar, on trouve aussi une université chiite. Notre pays arrive à résister à l’islam radical et à la tentation terroriste, à être un îlot de stabilité dans l’océan d’instabilité de l’Afrique de l’Ouest. Mais notre système éducatif est une porte d’entrée aux extrémismes.

Comment ces influences de l’islam politique, notamment wahhabite et salafiste, sont-elles arrivées au Sénégal ?

Depuis les années 1950, avec la naissance du réformisme et son aile salafiste politisée. Cela a été possible à cette époque où les pays occidentaux ne pouvaient pas aider les pays du Sahel car frappés par la crise financière et pétrolière. Ceux qui avaient de l’argent étaient les pays du Golfe. La communauté internationale n’avait pas compris l’enjeu et a imposé à nos pays les politiques d’ajustements structurels à la fin des années 1980-1990, nous disant de moins investir dans l’éducation et la santé au profit de l’économie.

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Ces mouvements salafistes sont venus avec des ONG et une bourgeoisie arabe émergente qui a beaucoup investi dans la construction d’écoles et de centres de santé. Aujourd’hui, ces organisations sont une réalité admise par la population. Il y a une résistance des confréries soufies au salafisme, mais ces mouvements se retrouvent sur des sujets communs comme les dangers de la débauche occidentale. Cette classe moyenne s’est tournée vers la seule offre disponible, un salafisme qui a la capacité d’utiliser la modernité technologique pour mieux combattre la modernité sociale.

Avez-vous des exemples ?

La chaîne Iqraa, qui représente l’influence médiatique saoudienne par excellence, est aujourd’hui distribuée par Canal+. Elle a fait une étude de marché montrant une classe moyenne sensible à ce discours porté par l’islam politique, perçu comme une alternative face à l’hégémonie de l’Occident et la mort des partis de gauche. L’islam est devenu le syndicat des nouveaux damnés de la terre, captant le nationalisme pour mieux créer une jonction avec l’islamisme mondial.

Au Sénégal, les Saoudiens sont arrivés avec leur idéologie, mais surtout avec beaucoup de moyens financiers, collaborant à la construction du nouvel aéroport de Dakar et à la cité administrative de Diamniadio. Est-ce un risque ?

Il faut voir l’influence du Qatar en France. Si les pays plus nantis n’arrivent pas à résister à la force de ce capital, comment pourrait-on espérer que des pays moins nantis y arrivent ? Comment voudrait-on, qu’en vendant des armes à ces pays-là, on puisse demander ensuite aux pays africains de ne pas répondre aux sirènes du wahhabisme et des pétrodollars ? C’est la grande contradiction qui nous concerne tous, de l’Afrique à l’Occident.

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L’Arabie saoudite est un partenaire très important du Sénégal. Notre président a même voulu envoyer nos soldats au Yémen. Je me rappelle alors de la réaction du ministre des affaires étrangères face au tollé, disant qu’il ne faut pas toucher aux quatre fondamentaux de notre diplomatie : l’Arabie saoudite, la France, les Etats-Unis et le Maroc. La diplomatie du chéquier a donc dû fonctionner aussi bien en Occident que sous nos tropiques.

Avec l’influence islamique des pays arabes, on voit que les pays occidentaux essaient aussi de s’adapter à la particularité religieuse du Sénégal. De quelle façon ?

En se convertissant à la diplomatie religieuse. Le cas de la France est assez vieux. Voilà un pays qui a la laïcité en bandoulière, mais organise des séances de rupture du jeûne dans ses ambassades. L’Allemagne organise depuis des années des visites de chefs confrériques au Bundestag. Il y a aussi les Etats-Unis, dont l’ambassadeur au Sénégal s’affiche avec un mouton de l’Aïd pour souhaiter bonne fête aux musulmans. Même Israël qui, dans sa stratégie de dé-islamisation du conflit israélo-palestinien, distribue des moutons aux associations musulmanes. Pareil pour la Turquie, l’Algérie et le Maroc qui financent des mosquées.

Le Sénégal est devenu le point de convergence de plusieurs influences avec des agendas parfois contradictoires. Ce qui m’étonne, ce n’est pas leur afflux mais l’absence d’agenda prospectif du pouvoir sénégalais. Le prochain président élu sera celui qui va exploiter le pétrole et le gaz récemment découverts dans nos eaux. Ce pays va attirer en plus des convoitises de la Russie et de la Chine. Dans ce climat, ce que je reproche à nos gouvernants, c’est leur manque de courage, leur quête éternelle d’une légitimité qu’ils n’ont pas dans le politique et qu’ils cherchent dans le religieux. Sans changement, nous ne pourrons pas répondre aux véritables défis politiques auxquels le pays fait face.

 

Le 1er tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 février prochain. Cinq candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Et la campagne électorale débute le dimanche 3 février prochain.

Le 1er tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 février prochain. Cinq candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Et la campagne électorale débute le dimanche 3 février prochain.

Le 1er tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 février prochain. Cinq candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Outre celle du chef de l'Etat sortant Macky Sall, le Conseil a validé, les candidatures du député Ousmane Sonko, ancien haut fonctionnaire et figure montante de l'opposition, de l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, d'un proche de l'ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012), Madické Niang, et du candidat du Parti de l'Unité et du Rassemblement (PUR), El Hadji Sall.

Ont été définitivement écartés les deux principaux opposants de Macky Sall, l'ex-maire de Dakar Khalifa Sall et l'ancien ministre  et d’Abdoulaye Wade Karim Wade.

pour écouter : https://www.dw.com/fr/s%C3%A9n%C3%A9gal-les-enjeux-de-l%C3%A9lection-pr%C3%A9sidentielle-du-24-f%C3%A9vrier/av-47317521

Source : www.dw.com

Timbuktu institute, en partenariat avec l’ambassade de France et l’Organisme national en charge des activités de vacances (Oncav), a présenté ce vendredi sa bande dessinée intitulée «Non à la violence dans le sport». Ce projet entre dans le cadre du renforcement des capacités des jeunes issus des Associations sportives et culturelles (Asc) et des Organisations de la société civile (Osc) à promouvoir la paix dans le sport.
 
Le 16 juillet 2017, lors de la finale de la Coupe de la Ligue, le match opposant le Stade de Mbour à l’Us Quakam s’était soldé par la mort de 8 supporters du club mbourois. Pour éviter que ces actes d’une extrême violence ne se reproduisent, le Timbuktu institute et l’ambassade de France au Sénégal ont décidé de travailler ensemble. «L’ambassade de France soutient le projet de Timbuktu institute à travers le dispositif des Projets innovants des sociétés civiles et coalitions d’acteurs (Piscca) qui a été engagé en 2017», a expliqué Mme Coralie Nkuka représentante de l’ambassade de France, ce vendredi à la Maison de la presse lors de la cérémonie officielle de lancement de la bande dessinée intitulée Non à la violence dans le sport.
Le projet compte également sur l’appui de l’Organisme national de coordination des activités de vacances (Oncav) qui est une structure qui gère les mouvements sportifs nationaux à travers les navetanes de football notamment. «Vous savez au Sénégal, s’il y a une structure omniprésente que l’on peut retrouver dans le plus petit village de notre pays, ce sont les Associations sportives et culturelles (Asc). Et donc, il serait dommage de ne pas s’appuyer sur ce levier pour promouvoir les valeurs citoyennes et de paix pour la prévention de la violence», note Dr Bakary Sambe qui n’a pas manqué de relever le rôle de sensibilisation et de promotion de la paix de l’Oncav dans les différentes régions du pays.
Pour une meilleure sensibilisation, l’Institut Timbuktu a également mis en place une chaîne YouTube d’éducation à la paix alimentée par les messages issus de l’enseignement des chefs religieux, mais aussi par les jeunes qui ont développé leurs propres supports à travers le théâtre, la poésie et d’autres méthodes éducatives, et également les radios communautaires qui sont des supports de communication et d’échange. L’objectif étant, selon le Dr Samb, «de former les jeunes à devenir des ambassadeurs de la paix pour leurs concitoyens et dans leurs localités respectives». Cela a d’ailleurs commencé puisque dans les régions de Kaolack, Mbour et Saint-Louis, les autorités se sont engagées à accompagner Timbuktu institute dans la promotion de la non-violence dans le sport, soutient le Dr Bakary Sambe.
 
 
 
 
 

Ce vendredi 11 janvier 2019 à 9H, à la Maison de la Presse (Dakar), Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies organise une cérémonie de lancement de la bande dessinée « Non à la violence dans le sport ».  Elle sera suivie d’un Atelier de renforcement de capacités des jeunes des OSC et ASC de Dakar. Cette activité, organisée dans le cadre du projet « Les jeunes des OSC et des associations sportives du Sénégal mobilisent leurs cités pour des valeurs citoyennes et contre la violence » soutenu par l’Ambassade de France à travers son le dispositif PISCCA, s’intéresse au phénomène omniprésent de la violence dans toutes les disciplines sportives afin d’en connaitre davantage les causes et proposer des solutions préventives.

L’objectif de cette initiative portée par Timbuktu Institute en partenariat avec l’ONCAV, est d’outiller les jeunes des associations sportives et ceux des OSC pour l’acquisition d’outils leur permettant de promouvoir la non-violence, l’éducation à la paix, le renforcement de la cohésion sociale et la prévention des extrémismes. Elle vise aussi à former les jeunes à devenir des « ambassadeurs de la paix » pour leurs concitoyens et leurs localités respectives.

Cette cérémonie se déroulera en présence des autorités sénégalaises et des représentants de l’Ambassade de France ainsi que du Directeur de Timbuktu Institute, Dr. Bakary Sambe et du Président de l’ONCAV, Monsieur Amadou Kane.

Fait à Dakar, le 10 janvier 2019

L'Observatoire des radicalismes et conflits religieux (ORCRA) consacre un numéro Hors-Série à la situation sécuritaire du Nigeria sous Buhari. Il a été confié au chercheur Alioune Ndiaye, enseignant à l'Université de Sherbrooke, spécialiste du Nigeria et des questions de sécurité au Sahel de manière générale, chercheur invité au Timbuktu Institute.  Alioune Ndiaye, va au-delà des identités et des idéologies, pour revisiter les multiples dynamiques de l'insécurité au Nigeria et analyser la stratégie du gouvernement de Buhari. 
 
En effet, les multiples défis à la sécurité qui se posent au Nigeria ont presque fini de constituer l’identité remarquable du pays. La tendance à les lier à la question ethnique est aussi très forte chez les auteurs qui travaillent sur le pays, de sorte que, souvent, on en oublie les autres facteurs. Il est vrai que l’ethnicité constitue un facteur important aussi bien dans les causes, la mobilisation et les dynamiques de la violence politique au Nigeria, et ce, depuis les indépendances. 
 
Pour comprendre l’insécurité qui découle de cette pratique répandue de la violence, il convient de concevoir celle-ci aussi bien comme étant le fruit de la stratégie de certains acteurs, que le produit des conditions sociopolitiques et économiques. En effet, la violence est un outil incontournable dans le système politique nigérian. Il peut s’agir, pour certains groupes ethniques, d’une « violence de représentation » qui leur permet d’exprimer leur défiance au projet fédéral et garder ainsi un avantage dans sa renégociation permanente. D’autre part, la violence peut aussi être un moyen d’accéder aux ressources dans une société inégalitaire où la redistribution n’est pas toujours garantie. La violence électorale est aussi à ranger dans cette catégorie de violence instrumentale, en ce sens qu’elle vient avec l’entretien des réseaux clientélistes et la mobilisation des identités ethnoreligieuses compléter la stratégie des acteurs politiques pour l’accès au pouvoir. Les politiciens locaux entretiennent ces réseaux de violence qui sont très importants en période électorale (Kendhammer, 2015). 
 
En période non électorale, ils peuvent s’adonner à une violence d’extorsion souvent assurés d’une impunité en raison de leurs liens avec les dirigeants. Certains auteurs ont, sur ce plan, montré combien le développement de Boko Haram a été favorisé par les réseaux de violence entretenus par certains politiciens locaux (Alozieuwa, 2016; Abosede et al, 2016). En perspective des élections de 2013, les politiciens qui s'affrontaient dans les élections au poste de gouverneurs dans les États du Nord-Est sont largement accusés d'avoir fourni aux jeunes appartenant au mouvement Yusufiyya, entre autres dans le Borno, des armes sophistiquées, dans un dessein de manipuler les résultats en leur faveur. 
 
Cela a constitué une des principales raisons du virage du mouvement pacifiste Yusufiyya vers la violente organisation qu’est Boko Haram. (Abosede et al, 2016). L’insécurité est aussi le produit de certaines conditions qui peuvent être à la fois d’ordre sociopolitique et économique. Dans le cas du Nigeria, la question des inégalités horizontales est un facteur primordial de la pratique de la violence politique et de l’insécurité qui en découle (Langer, Mustapha et Stewart, 2007). Les inégalités horizontales sont des inégalités entre les groupes qui sont perçues sous le prisme des identités sociales. Ces identités peuvent être construites sur une base ethnique, religieuse, raciale ou d'appartenance régionale (Cederman et al, 2011). L’importance des inégalités horizontales comme facteur de conflit s’explique par le 2 fait qu’elles rendent plus probables la mobilisation violente du groupe et les heurts ethniques. Elles viennent donc renforcer le sentiment collectif d’une mise à l’écart du groupe et générer, ainsi, la formulation de griefs qui constituent la base de la mobilisation contre l’État. 
 
La persistance de l’irrédentisme igbo, ainsi que les contestations du projet fédéral qui ont cours dans la région du Delta s’expliquent par les perceptions des inégalités sous un prisme ethnique. Le narratif d’une ethnie marginalisée depuis la période coloniale, ayant subi les affres de la guerre civile et qui, jusque-là, n’a produit aucun président de la République constitue le terreau sur lequel poussent des entreprises de violence productrices d’insécurité. L’insurrection de Boko Haram dans le Nord-Est se nourrit aussi des inégalités horizontales qui font de cette région l’une des plus pauvres au Nigeria. 
Pour accéder à la publication cliquez ici : 

Du 30 novembre au 1er décembre, le prestigieux Centre Arabe des Recherches et de l’Étude des Politiques a organisé un colloque académique international consacré aux thématiques si actuelles, sensibles mais aussi complexes, « de la réforme religieuse, de la démocratie chrétienne et de l’islam politique ».
Réunissant une vingtaine d’universitaires venus du monde entier, le colloque, qui s’est tenu à Hammamet à 60 kilomètres de l’aéroport Tunis Carthage, fut une belle occasion de réfléchir sur les mécanismes faisant que certains pays de tradition chrétienne aient eu à embrasser l’idée démocratique plus que d’autres nations arabo-musulmanes où des lectures littérales et politiques de la religion empêchent toute sécularisation et acceptation de l’idée démocratique dans un moment où l’islam politique résiste encore.
Timbuktu Institute, représenté par Dr Seydi Diamil Niane, a pris part aux travaux. Dans son intervention, intitulée « réformisme islamique, radicalisme religieux et contestations de l’islam confrérique au Sénégal », Dr Niane a pris soin de revenir sur l’utilisation même du terme réformisme, largement analysé par Dr Bakary Sambe dans son dernier livre, qui peut avoir plusieurs manifestations concrètes d’une société religieuse à l’autre.
En revenant sur l’ancrage de l’islam confrérique et en faisant une cartographie des autres mouvements non confrériques que d’aucuns qualifient de réformistes, Seydi Diamil Niane a pu démontrer comment la contestation de l’islam confrérique, notamment par les adeptes du salafisme wahhabite, peut être une source non négligeable de ce qui est désormais connu sous le nom de radicalisme et d’extrémisme religieux.
Le colloque était une belle opportunité, que Dr Niane a bien saisie, pour exposer les travaux de Timbuktu Institute en matière de prévention de l’extrémisme et de promotion de la paix.