Burkina Faso : Entre insécurité endémique et réduction continue de l’espace civique Spécial

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Source : Météo Sahel Octobre 2024

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Au Burkina Faso, la question de la tentative de déstabilisation du pays par le voisin ivoirien refait surface et prend une autre tournure. En effet, le gouvernement burkinabè a brandi des preuves à l’attention de la population et de la communauté internationale. A la télévision nationale (Radiodiffusion Télévision Burkinabè) les autorités ont transmis une vidéo qui montre les aveux du commandant Ahmad Kinda obtenu suite à son arrestation. Rappelons que Kinda est l’ancien chef des forces spéciales et considéré comme l’un des “cerveaux de la dernière tentative de déstabilisation du pays”. Les critiques ne manquent pas face à cette attitude du gouvernement. Mais les souteneurs de la junte semblent ne pas cautionner les attaques contre les dirigeants du pays. Ces souteneurs du régime militaire  sont en train de traquer les voix critiques du régime, en proférant des menaces et parfois attaquant des récalcitrants. Ils sont appelés le Bataillon d’Intervention Rapide de la communication (BIR) avec comme objectif de défendre les militaires au pouvoir. Les détracteurs sont désormais mis en garde contre leurs actes et allégations contre le pouvoir actuel. D’ailleurs, la trahison est désormais élevée au rang de crime. Prenant part à la journée d’engagement patriotique, le Chef de l’État a tenu à dénoncer ce qu’il a qualifié de crime le plus grave contre la Nation. Il a profité de ce rendez-vous solennel pour citer l’exemple de l’assassinat de l’ancien homme fort Thomas Sankara comme illustratif de la trahison d’Etat. D’ailleurs, pour lui rendre un vibrant hommage, les représentants du peuple ont voté à l’unanimité la révision de la devise du Burkina Faso, ce 29 octobre. Ainsi, de « Unité – Progrès – Justice » elle passe à « La Patrie ou la mort, nous vaincrons ».

Sur le volet sécuritaire, des arrestations pour terrorisme continuent de faire débat avec la condamnation de onze personnes. Le 4 octobre dernier, un communiqué du Pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme a annoncé lacondamnation à des peines de prison allant de 7 à 21 ans ferme avec des amendes de deux à cinq millions de FCFA. Les nouvelles autorités semblent avoir pris à bras-le-corps la question du jugement des terroristes avec 67 dossiers impliquant 110 personnes (communiqué). Malgré ces arrestations tous azimuts, le terrorisme continue toujours de gagner du terrain, plongeant les populations dans l’insécurité. C’est, en grande partie cette situation qui explique la vague de réfugiés vers le nord de la Côte d’Ivoire pour y trouver refuge. En parallèle, on note des exactions des supplétifs civils de l’armée qui viseraient particulièrement l’ethnie Peul, ce qui augmente le nombre de réfugiés dans cette partie du pays. Pendant ce temps, aux alentours de Markoye, une opération d'envergure a permis à l’armée de mettre la main sur des terroristes ce 10 octobre. En effet, un dénommé Adama Oumarou, cerveau de l'Etat Islamique au Grand Sahara a été neutralisé avec une vingtaine de ses acolytes.

Devant la nation, le 5 octobre, le président de la transition burkinabè a profité du deuxième anniversaire de son accession au pouvoir pour annoncer de nouveaux équipements dont se dote l’armée pour mieux sécuriser le pays en proie à une insécurité grandissante. Ainsi, il a promis du matériel militaire dix fois plus performant et l’accroissement des effectifs pour reconquérir les zones qui, rappelons-le, sont pour la plupart, occupées par des djihadistes. Au lendemain de sa prise de parole devant ses compatriotes, une attaque a été enregistrée dans le nord-est du pays à Manni. Cette attaque meurtrière qui a ciblé le principal marché de la ville et a fait au moins 10 morts et plus de cinquante blessés inquiète de plus en plus les populations qui sont dans un désarroi profond. Une autre attaque a fait 79 morts à Seytenga, plongeant le pays dans un deuil national de trois jours. Ce mois a été également marqué par l’enlèvement, le 10 octobre, de deux avocats Me Gontrand Somé et Me Christian Kaboré sur la RN1 alors que ces derniers allaient vers Bobo. Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) semblent avoir pris le problème d’insécurité au sérieux même si la situation reste toujours préoccupante. Notons que les nouvelles autorités se sont orientées vers la Russie pour nouer  un partenariat en matière militaire suite à l’ « échec » des pays occidentaux, notamment la France, à lutter contre le terrorisme dans les pays du Sahel. Il faut dire que les attaques terroristes se sont multipliées sous l'ère Traoré, mettant ainsi les populations dans une insécurité profonde au regard du nombre d’attaques terroristes qui sont passées à 2900 sur une période de deux ans.