Tchad : N’Djamena rompt ses accords de défense avec Paris Spécial

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Source : Météo Sahel Novembre 2024

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L’annonce a eu l’effet d’un coup de tonnerre. Jeudi 28 novembre, quelques heures après la visite du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, son homologue Abderaman Koulamallah a déclaré la « fin de la coopération en matière de défense, signée avec la République française. ». Selon le communiqué, « il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les propriétés nationales. » Toutefois souligne le document, « mûrement réfléchie (…), cette décision ne remet en aucun cas en question les relations historiques et les liens d’amitié entre les deux nations. » Allié militaire historique de la France, N’Djamena a toutefois dit espérer une « transition harmonieuse », restant « ouvert à un dialogue constructif pour explorer de nouvelles formes de partenariat » à la suite de cet accord révisé en 2019.

Visiblement pris de court, le ministère français des Affaires étrangères déclara prendre acte de cette décision tout en exprimant son souhait de poursuivre le dialogue. « (…) Un dialogue étroit est mené avec les autorités tchadiennes, qui ont fait part de leur souhait de voir évoluer le partenariat de sécurité et défense », a réagi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Quelques jours après l’annonce, le président Idriss Mahamat Déby est revenu sur le caractère « obsolète » de l’accord avec Paris qui n’apportait plus de « plus-value » face aux défis actuels. Toutefois, a-t-il précisé, « le Tchad n'est nullement dans une logique de remplacement d'une puissance par une autre encore, encore moins dans une approche de changement de maître. » En effet, la décision de N’Djamena est interprétée par certains comme une volonté de se rapprocher de la Russie, les deux pays ayant opéré un véritable rapprochement diplomatique ces derniers mois. 

Tout compte fait, cette situation arrive dans un contexte où le Tchad a de plus en plus du mal à répondre efficacement à ses défis sécuritaires. En début de mois, le pays menaçait de se retirer de la Force multinationale mixte (FMM), mise sur pied pour lutter contre les groupes djihadistes dans le Lac Tchad. N’Djamena fustigeait une « absence de mutualisation des efforts » à la suite de l’attaque du mois dernier, qui a causé la mort de 27 militaires. L’armée tchadienne, d’ailleurs,  a dressé un premier bilan de l’opération « Haskanite », lancée au lendemain de cette sanglante attaque. Selon l’Etat-major, « 96 terroristes ont été neutralisés » pour 15 soldats tchadiens tués et 32 autres blessés.

D’un autre côté, la liste définitive des candidats aux législatives du 29 décembre prochain est connue. Le Conseil constitutionnel a confirmé en l’occurrence le rejet de la candidature de Mahamat Zen Barda, secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS), condamné pour détournements de fonds publics. Par contre, les candidatures des deux anciens maires de N’Djamena, Mariam Djimet Ibet et Wang Louana Foullah ont été repêchées. Pour rappel, ces législatives ont été boycottées par une bonne partie de l’opposition. Parallèlement, plusieurs détenus par les services secrets ont été relâchés. Après la libération de deux banquiers, trois Russes et un Biélorusse, le secrétaire général du Parti socialiste sans frontières (PSI) Abakar Tourabi, est sorti de prison après 9 mois de détention. Il avait été arrêté dans le cours des évènements de février 2024, qui avaient conduit à la mort de l’opposant Yaya Dillo, feu président du PSI.

Enfin, le Soudan voisin a déposé une plainte officielle contre le Tchad, devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, dans le cadre de la guerre qui oppose, depuis avril 2023, les forces armées du pays et les Forces de soutien rapide (FSR), une force paramilitaire. A en croire Khartoum, N’Djamena a joué « un rôle essentiel dans les crimes commis par la milice rebelle ». Côté tchadien, l’on rejette simplement ces accusations d’ingérence. Selon un rapport britannique, plus de 61.000 personnes sont mortes à Khartoum, en particulier à cause des maladies et de la famine. Pendant ce temps, des réfugiées soudanaises dans l’est du pays ont été victimes d’abus sexuels des équipes humanitaires des Nations unies et des forces de sécurité du Tchad, selon des révélations d’Associated Press.