Nigeria : Entre résurgence du front Nord-Est et fragilités sécuritaires Spécial

© AFP © AFP

 

Source : Météo Sahel Janvier 2025

Télécharger l'intégralité de la Météo Sahel

 

Le début de l’année 2025 est marqué par une recrudescence des attaques terroristes qui ont fait de nombreuses victimes au Nigeria. En effet, le 4 janvier 2025, une attaque a été menée par le groupe terroriste de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) contre une base militaire située dans l’État de Borno, au nord-est du pays. Cette offensive a coûté la vie à huit soldats. L’attaque a spécifiquement visé la base militaire de Sabron Gari, à Damboa, qui a été incendiée, avec des véhicules détruits. Les assaillants, circulant en moto et en camions armés, ont mis la main sur d'importantes réserves d’armes et de munitions. L’intervention de l’armée, appuyée par des avions de chasse déployés depuis Maiduguri, la capitale régionale, a permis de neutraliser 34 terroristes et de récupérer 24 fusils AK-47 ainsi que plusieurs cartouches et munitions. Le président Bola Tinubu a salué cette intervention et a exhorté l’armée à adopter une « posture proactive » en menant une guerre sans relâche contre les groupes terroristes et les bandits.

Suite à cette attaque, le 24 janvier, l’armée a lancé une offensive terrestre contre l’ISWAP dans une zone frontalière entre les États de Borno et de Yobe. Au cours de cette opération, un attentat-suicide s’est produit, causant la mort de 27 soldats. Selon les témoignages d’un officier sous couvert d’anonymat, l’attaque est survenue vers 21h30, en pleine nuit. Les militaires, pris par surprise, n’auraient pas eu le temps de réagir lorsqu’un kamikaze, dissimulé sous un épais feuillage et muni d’explosifs, s’est jeté sur leur convoi.

La montée en puissance des attaques terroristes dans le nord-est du Nigeria illustre la gravité de la crise sécuritaire qui y sévit. Depuis la scission entre Boko Haram et l’ISWAP en 2016, une lutte acharnée pour le contrôle de la région a donné lieu à de nombreuses attaques meurtrières revendiquées par l’un ou l’autre de ces groupes. D’après les statistiques, ce conflit a déjà entraîné la mort de 40 000 personnes et déplacé environ 2 millions d’habitants en l’espace de quinze ans.

L’armée nigériane, malgré ses efforts, est régulièrement critiquée par les populations locales, qui dénoncent la répétition d’erreurs tactiques. De plus, le 11 janvier 2025, dans l’État de Zamfara, une frappe erronée de l’armée a causé la mort d’au moins 16 membres d’un groupe d’autodéfense local. De telles erreurs renforcent la méfiance des habitants du Nord, déjà confrontés aux pillages, aux enlèvements et aux exactions perpétrées par les groupes armés. La Coalition des groupes du Nord (CNG), représentée par Jamilu Aliyu, décrit une situation dramatique en ces termes : « Si ces populations ne sont pas tuées par les frappes de l’armée, elles sont tuées par les bandits. Et si ces derniers ne les tuent pas, elles finissent par être kidnappées. »

L’insécurité persistante dans le nord-est du Nigeria met en lumière les conditions de vie extrêmement difficiles des populations locales. D’ailleurs, le 12 janvier, des membres de l’ISWAP ont rassemblé des dizaines d’agriculteurs dans la localité de Dumba, située sur les rives du lac Tchad, et les ont exécutés. Selon le Commissaire à l’information de l’État de Borno, Usman Tar, « les premières conclusions indiquent qu’environ 40 fermiers ont été tués ». Toutefois, Babakura Kolo, responsable d’une milice anti-djihadiste locale, estime que ce bilan est largement sous-évalué. Il explique que les terroristes de l’ISWAP ont voulu punir les fermiers pour avoir versé de l’argent à Boko Haram afin de pouvoir cultiver leurs terres. Cette situation met en évidence la lutte pour le contrôle du lac Tchad, une zone stratégique à la frontière du Niger et du Cameroun, utilisée comme sanctuaire par ces groupes pour lancer leurs offensives.

Dans ce contexte, la prolifération des groupes terroristes et des bandes criminelles continue de menacer la stabilité de la région. Le 23 janvier 2025, la justice nigériane a officiellement déclaré illégales les activités de la secte Lakurawa et d'autres groupes similaires sur l'ensemble du territoire, et en particulier dans le Nord-Ouest et le Centre-Nord. La loi sur la prévention du terrorisme permettra désormais de sanctionner plus sévèrement, non seulement, les membres de ces groupes, mais aussi leurs informateurs et toute personne leur apportant un soutien logistique.

Enfin, la crise sécuritaire au Nigeria est multiscalaire, avec des implications politiques et économiques. Ainsi, le 18 janvier, dans l’État du Niger, un camion-citerne transportant du carburant a explosé, provoquant la mort de 98 personnes. Ce véhicule, transportant 60 000 litres d’essence, s’est renversé à la jonction de Dikko, entre Abuja et Kaduna. En tentant de transvaser le carburant dans un autre camion-citerne, le liquide a pris feu au contact d’un groupe électrogène, provoquant la mort de dizaines de personnes, dont certaines s’étaient précipitées pour récupérer l’essence répandue au sol. La crise économique actuelle, marquée par la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires, accentue la précarité des populations au point de les exposer à de tels drames. En 2020, la Commission fédérale de la sécurité routière a recensé plus de 1 500 accidents impliquant des camions-citernes, faisant 535 victimes. Face à cette situation, des stratégies efficaces doivent être mises en place pour lutter contre ces fléaux et améliorer durablement les conditions de vie des nigérians.