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Timbuktu Institute – Mars 2025
(Télécharger le rapport complet en bas de ce texte)
Le présent rapport du Timbuktu Institute (Mars 2025) élaboré à partir d’une enquête de terrain, début mars, met en lumière la situation sécuritaire alarmante à Banikoara, une commune frontalière du nord du Bénin, proche du Burkina Faso et du Parc national du W. Cette zone, marquée par une infiltration croissante des groupes terroristes, risque de basculer dans une crise sécuritaire majeure en raison de la stratégie d’enracinement de ces groupes dans les communautés locales et des effets contre-productifs d’une approche sécuritaire trop répressive.
Infiltration des communautés par les groupes terroristes
Les témoignages des habitants révèlent une infiltration profonde des terroristes dans le tissu social de Banikoara. L’attaque du 8 janvier 2025, la plus meurtrière au Bénin à ce jour, aurait impliqué des assaillants dont certains ayant trouvé refuge au sein de la population. Les terroristes, familiers des villages, des habitants et de leurs liens familiaux, exploitent cet ancrage pour recruter ou intimider des jeunes dans cette localité et ses environs. Certains résidents rapportent des « propositions de collaboration sous menace », comme cet artisan contraint de fuir après avoir refusé une offre. Les jeunes, attirés par des profits élevés (jusqu’à 150 % sur le carburant vendu aux terroristes), deviennent des acteurs clés de la chaîne logistique, consolidant les « rapports de collaboration » malgré les risques, comme des exactions par les forces de sécurité.
Cette dynamique fragilise la confiance au sein des communautés. Les habitants, désemparés, ne savent plus distinguer alliés et complices, tandis que les terroristes circulent librement, profitant d’une connaissance présumée des patrouilles des forces de défense et de sécurité (FDS). Sans mesures urgentes, cette infiltration risque de transformer Banikoara en un bastion de l’extrémisme, amplifiant les tensions sociales et économiques.
Effets contre-productifs de l’approche sécuritaire
Bien que les efforts de l’État soient reconnus, l’approche dominée par des mesures sécuritaires draconiennes est jugée insuffisante et contreproductive à certains égards. Le déploiement militaire, limité face à l’immensité de la commune et à la porosité de la frontière, laisse des failles exploitées par les terroristes. Au même moment, les lacunes du renseignement et les mesures brutales – « exécutions sommaires », « arrestations sans enquête approfondie » menant à la CRIET qui ont été signalées par des témoins – alimentent la méfiance envers les FDS. Les habitants hésitent à collaborer, craignant d’être suspectés ou victimes de règlements de comptes personnels déguisés en dénonciations.
Cette répression, couplée à une gestion inadéquate des « complices présumés », exacerbe les griefs communautaires. Les tensions socioéconomiques, aggravées par la crise de la filière coton (principal pilier économique local) et le chômage des jeunes, offrent un terreau fertile à la radicalisation des jeunes pouvant mener au terrorisme. L’absence d’alternatives économiques viables pousse les populations vers des choix désespérés, tandis que les campagnes de sensibilisation et les comités locaux peinent à répondre efficacement à la crise.
Sans intervention rapide dans le cadre d’une approche holistique, Banikoara risque de se voir développer des formes non maîtrisables de « connivences communautaires » à grande échelle, des enlèvements accrus et une déstabilisation régionale pouvant atteindre des pays voisins.
Pour contrer ces menaces, le rapport préconise un assouplissement fiscal et des soutiens économiques (subventions, crédits) pour réduire la vulnérabilité des jeunes, ainsi qu’une approche sécuritaire repensée : privilégier le renseignement collaboratif et des initiatives civilo-militaires (projets communautaires) pour restaurer la confiance et contrer l’influence des groupes extrémistes, qui se présentent en « protecteurs » des populations marginalisées ou ostracisées.
En somme, l’infiltration terroriste et les failles de la gestion sécuritaire inspirée par les approches criminologiques menacent de plonger Banikoara dans une crise durable, nécessitant des réponses équilibrées alliant prévention, dialogue et renforcement de la résilience socio-économique et communautaire.