Lutte contre le terrorisme au Sénégal : Timbuktu Institute appelle à compléter le « dispositif sécuritaire répressif » par un « arsenal éducatif de prévention »

Quel code pénal a pu réussir à vaincre une idéologie ? Le 28 septembre 2016, le gouvernement sénégalais a décidé de durcir les lois antiterroristes pour lutter contre le terrorisme au Sénégal par l’adoption du projet de loi modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal. Il plus qu’est évident que ce type de dispositif concernant le durcissement des peines contre les terroristes et les entreprises terroristes et la lutte contre le financement du terrorisme est nécessaire et se justifie, à plus d’un titre, dans le contexte régional et international actuels.

Cependant, il ne faut pas négliger le fait que l’arsenal préventif doit être le pendant de l’arsenal répressif pour lutter contre le terrorisme étant donné qu’il est primordial d’avoir à l’esprit que le « tout répressif » n’a jamais résolu la question du terrorisme.  En prenant les exemples des interventions militaires en Afghanistan, au Mali ou encore en Syrie, on se rend compte que les groupes terroristes sont toujours actifs dans ces territoires. Plus inquiétant, ces groupes se multiplient de plus en plus, créant encore plus d’instabilité dans ces Etats.

Aujourd’hui, il est évident que l’Etat doit privilégier la voie de la prévention du terrorisme en combattant ses causes comme le fort taux de chômage et de pauvreté ainsi que la problématique de l’éducation ; le Sénégal étant dans la typologie des pays offrant encore le cadre d’une approche prospective malgré la généralisation de la menace.

D’ailleurs, dans le cadre de l’étude sur les facteurs de radicalisation et la perception du terrorisme chez les jeunes de la grande banlieue de Dakar, menée par Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies (à paraître en octobre), les personnes interrogées attendent l’Etat sur d’autres terrains tels que la lutte contre le chômage et la pauvreté, qui sont les premières causes de marginalisation, d’exclusion et de radicalisation.

Le cas de la marginalisation encore persistante des élites dites « arabophones » qui n’arrivent pas à s’insérer convenablement reste un goulot d’étranglement sur la voie d’une citoyenneté inclusive ; la dualité de notre système éducatif restant un des défis majeurs de cohésion nationale pour le Sénégal.

C’est dans ce même cadre, avec une approche inclusive, que l’Institut a lancé l’initiative « Educating for Peace » qui devra se dérouler sur plusieurs régions du pays touchant aussi bien les campus universitaires que le milieu scolaire en étroite collaboration avec la communauté éducative et la société civile. Les problèmes éducatifs et socioéconomiques doivent aussi être des préoccupations sécuritaires au vrai sens du terme.

Par conséquent, il est urgent de nuancer le paradigme du « tout sécuritaire absolu » pour mettre en œuvre une véritable stratégie de prévention pour lutter contre le terrorisme, orientée autour de l’éducation à la paix afin de sensibiliser et de former les populations les zones urbaines et rurales du Sénégal. Une double approche s’impose et mérite d’être explorée : la prévention en amont par un système éducatif unifié prenant en charge les besoins d’instruction et d’éducation citoyenne, un dispositif urgent d’intégration des couches marginalisées et de persuasion de ceux qui seraient tentés par le discours de l’extrémisme violent en s’appuyant notamment sur les fortes capacités de résiliences communautaires.