Le Nigeria à l’épreuve des crises multiformes ? Spécial

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Source : Météo Sahel Février 2025

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Au Nigéria, à l’entame du mois de février, un réseau d'escroquerie d'envergure exploite des jeunes de nationalité ivoirienne en quête d’un avenir meilleur. Attirés par la promesse d’un départ vers l’Europe, de nombreux jeunes se laissent convaincre de verser des sommes allant de 500 000 à 3 millions de francs CFA pour voyager. Une fois arrivés au Nigeria, leurs documents sont confisqués, et tout contact avec leurs proches est rompu, les laissant dans une situation de grande précarité.

Face à l’ampleur du phénomène, l’ambassade de Côte d’Ivoire à Abuja a adressé un courrier au ministre ivoirien des affaires étrangères pour alerter sur cette situation et venir en aide aux victimes. D’ailleurs, la police nigériane, en début du mois, avait interpellé 110 ivoiriens en situation irrégulière, soupçonnés d’être impliqués dans un système d’arnaque pyramidale. Parmi eux, une cinquantaine ont été rapatriés vers la Côte d’Ivoire, pour des motifs avancés par Abuja estimant qu’ils avaient pénétré illégalement sur le territoire. 

Mais cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large : le Nigeria est devenu un véritable épicentre de la cybercriminalité et attire des réseaux internationaux aux ramifications complexes. Le 3 février 2025, la justice nigériane a ainsi jugé presque quarante étrangers accusés d’appartenir à une organisation spécialisée dans l’escroquerie en ligne. Arrêtés mi-décembre par l’Agence nationale anticorruption, ces suspects principalement originaires de Chine, des Philippines, du Pakistan et d’Indonésie, sont poursuivis pour cyberterrorisme, usurpation d’identité et détention de faux documents. Selon l’enquête, ils auraient recruté et employé clandestinement des nigérians pour mener à bien leurs activités frauduleuses, représentant une menace pour la stabilité économique et sécuritaire du pays.

Entre insécurité, tensions politiques et urgence humanitaire

Pendant que les autorités luttent contre cette criminalité grandissante, une autre tragédie a secoué le Nigeria. Le 5 février, un incendie s’est déclaré dans une école islamique du district de Kaura Namoda, dans l’État de Zamfara, au nord-ouest du pays. L’établissement accueillait une centaine d’enfants au moment du drame, et au moins dix-sept (17) d’entre eux ont perdu la vie, selon l’Agence nationale d’intervention d’urgence. Si l’origine exacte du sinistre reste à déterminer, les premières investigations indiquent qu’il aurait été provoqué par un stock de bâtonnets d’hygiène bucco-dentaire, appelés localement « Kara », entreposés à proximité de l’école. En réaction, le président Bola Tinubu a présenté ses condoléances aux familles endeuillées et exhorté les établissements scolaires à renforcer la sécurité des enfants. Mais cet incident met surtout en lumière la fragilité du système éducatif nigérian. Déjà confronté à de multiples défis, il doit faire face à une insécurité persistante qui alimente la peur des parents et favorise la déscolarisation. Selon l’UNICEF, près de 18,3 millions d’enfants nigérians ne sont pas scolarisés, un chiffre alarmant dans un pays où l’éducation est un enjeu crucial pour l’avenir.

Parallèlement à cette situation d’insécurité, la tension politique s’intensifie. Le 7 février 2025, plusieurs députés nigérians ont lancé un appel en faveur de la libération de Nnamdi Kanu, leader du Peuple indigène du Biafra (IPOB), emprisonné depuis 2021 et accusé de terrorisme. Fondateur de ce mouvement séparatiste, Kanu est une figure centrale des revendications indépendantistes dans le sud-est du pays. Sa détention continue d’attiser les tensions et d’alimenter un climat d’instabilité. Dans ce contexte, le président du comité parlementaire chargé du développement régional a déclaré que sa libération constituerait « un premier pas vers la paix et la stabilité ». Cependant, les violences ne faiblissent pas : des manifestations et des villes mortes sont régulièrement organisées, tandis que les accusations mutuelles entre le gouvernement fédéral et l’IPOB se multiplient, chacun imputant à l’autre la responsabilité des attaques et des enlèvements qui secouent la région.

Enfin, sur le plan humanitaire, les autorités nigérianes tentent de limiter les dégâts causés par une autre situation d’urgence. Le 14 février 2025, le Parlement a approuvé une enveloppe budgétaire supplémentaire de 200 millions de dollars pour renforcer le secteur de la santé. Une décision prise en réaction à la suspension, pour une durée de 90 jours, du financement de l’USAID par l’administration américaine.

Si cette initiative vise à combler le vide laissé par l’absence de soutien financier des États-Unis, elle ne suffira peut-être pas à compenser l’impact de cette suspension sur d’autres secteurs. En particulier, l’aide humanitaire dans le nord-est du pays risque d’en souffrir, alors même que cette région est en proie à une insurrection djihadiste depuis 2009. Privées d’une assistance cruciale, des milliers de personnes déplacées pourraient se retrouver dans une situation encore plus précaire.