Cameroun : La mémoire nationaliste, pomme de discorde Spécial

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Source : Météo Sahel Février 2025

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Le rapport de la commission sur le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes au Cameroun, remis il y a un mois aux présidents français et camerounais Macron et Biya, a visiblement ramené à la surface l’imaginaire polémique de la mémoire nationaliste du pays. Cette-fois-ci, la source de querelles fut Ernest Ouandié, homme politique et figure de la lutte pour l’indépendance, mort fusillé en 1971 sous le régime du premier président camerounais, Ahmadou Ahidjo. Tout est parti d’un propos sur un plateau de télévision -le 23 février- du promoteur du mouvement politique Kwata, Abel Elimby Kobe. « Les Bamilékés d’Ernest Ouandié ont brûlé des villages entiers dans le Moungo (nord-est du pays, ndlr) pour prendre des terres. Ernest Ouandié est un grand bandit. Il ne faisait pas de la politique », a-t-il déclaré.

S’en est aussitôt suivi une vague de réactions. Dans un communiqué, le Manidem (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie) a formellement condamné un propos « calomnieux, outrageant et provocateur. » Une « hérésie qui vise en réalité à semer le doute sur ce fils du Cameroun, sur son rôle dans l’histoire de notre pays ! », a réagi Armand Noutack II, ancien militant du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Membre du Mouvement pour la renaissance du Cameroun – parti du principal opposant Maurice Kamto - , Me Désiré Sikati a regretté le silence du Conseil national de la Communication (CNC), l’organe de régulation des médias dans le pays. L’historien camerounais David Eboutou a, pour sa part, appelé Abel Elimby à « rapidement faire amende honorable ». Par ailleurs, l’Elysée a notifié dans un communiqué que les présidents Macron et Biya se sont entretenus, le 8 février, sur les travaux de la commission de recherche. 

Présidentielle de 2025, la grande expectative 

Officiellement, l’on ne sait toujours pas si le président Paul Biya, au pouvoir depuis 42 ans, va briguer un nouveau mandat. Après la nouvelle polémique nationale survenue il y a un mois autour de la prochaine candidature de Biya, ce dernier n’a pas cherché à trancher le débat. « Je vous demande (…) de ne pas prêter l'oreille aux sirènes du chaos que font retentir certains irresponsables (…) Ne vous laissez pas non plus endormir par les promesses fallacieuses et pour la plupart irréalisables qu'ils essayent de vous vendre », a-t-il déclaré à l’endroit de la jeunesse au sujet de l’année électorale, dans une allocution donnée le 10 février – veille de la fête de la jeunesse au Cameroun. Avant de poursuivre : « Je continuerai d'être à vos côtés pour relever les défis auxquels vous êtes confrontés ». Bref, le flou à propos de sa possible candidature reste donc de mise.

Parallèlement, dans l’arrondissement de Meyo du département de la Vallée du Ntem située dans la région du Sud, des violences intercommunautaires sont survenues le 20 février, causant la mort de deux personnes. Point de discorde : des manifestations de populations locales, exigeant le départ de « populations allogènes. » Selon l’opposant Maurice Kamto, ces « violences dans la région du Sud, socle granitique du président de la république » ne sauraient être déconnectées de la perspective du scrutin présidentiel de 2025.

Du côté de l’extrême-nord du pays, un mouvement d’humeur conduit par des membres des populations Toubouri contre la création du parc Ma Mbed dans le département du Mayo Kan, a causé quelques échauffourées. Dans les localités de Kourbi et Guidiguis, les manifestants ont bloqué la Route Nationale n°12 et séquestré le Gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, le Préfet du Mayo Kani, le Sous-préfet de Kaélé et leurs états-majors respectifs. Leur revendication : la signature illico presto d’un décret portant annulation de la création du parc Ma Mbed. Dans la mêlée, les forces de l’ordre ont fait usage de la force en utilisant du gaz lacrymogène, pour libérer les autorités retenues. Selon le politologue camerounais E. Epiphane Yogo, « la mise en place d’une réserve naturelle dans une région où les communautés vivent depuis des générations, aurait dû nécessiter un dialogue préalable approfondi, impliquant non seulement l’administration centrale, mais aussi les chefs traditionnels, les élus locaux et les représentants communautaires ».