Sénégal - Mauritanie : Des liens historiques aux nouveaux enjeux économiques et géostratégiques Spécial

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Par Dr. Bakary Sambe, Président du Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies

Les relations entre la Mauritanie et le Sénégal, ancrées dans une proximité géographique, culturelle et historique, se sont consolidées avec l’essor des hydrocarbures comme levier stratégique, notamment à travers le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA). La récente visite conjointe des présidents mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et sénégalais Bassirou Diomaye Faye sur la plateforme GTA, le 22 mai 2025, marque une étape décisive dans ce partenariat. Cet événement, combiné aux enjeux énergétiques et aux défis régionaux, souligne la nécessité de renforcer la coopération bilatérale pour un développement commun et durable.
Le gisement Grand Tortue Ahmeyim est un projet emblématique de coopération régionale. Découvert en 2015 par Kosmos Energy, il contient environ 450 milliards de mètres cubes de gaz, exploités par BP, Kosmos, la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH) et Petrosen.

Depuis le démarrage de la production en janvier 2025 et la première exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) en avril 2025, le GTA a propulsé les deux nations parmi les pays exportateurs de GNL en Afrique. Avec une production prévue de 2,5 millions de tonnes par an, ce projet promet des revenus significatifs, partagés équitablement (50-50) selon l’accord de 2018. Tous les observateurs notent l’engagement des deux pays à gérer cette ressource de manière transparente et équilibrée. Selon le communiqué conjoint, la dernière rencontre entre les deux chefs d’États a marqué « une étape majeure dans la coopération énergétique » entre la Mauritanie et le Sénégal. Le président mauritanien a, d’ailleurs, insisté sur le caractère équitable de ce partenariat, soulignant la volonté commune de maximiser les bénéfices pour les populations des deux pays. 

La visite conjointe du 22 mai 2025 s’inscrit dans une série d’échanges de haut niveau qui témoignent de la volonté des deux pays de consolider leurs relations. Dès le 18 avril 2024, le président Faye, fraîchement élu, avait choisi la Mauritanie pour sa première visite officielle à l’étranger. Une autre rencontre, le 11 novembre 2024 à Riyad en marge du sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), avait, aussi, permis aux deux dirigeants de réaffirmer leur engagement à intensifier la coordination sur les enjeux régionaux et internationaux, y compris la gestion du GTA.

Pour maximiser les bénéfices issus de l’exploitation du Gaz et consolider leur partenariat, la Mauritanie et le Sénégal doivent, impérativement, approfondir leur coopération. Il s’impose une gouvernance transparente  et crucial du projet gazier. La création d’un secrétariat sénégalo-mauritanien, évoquée en 2025, pourrait institutionnaliser la coordination et renforcer la coopération. Au regard des enjeux, les deux pays doivent davantage investir dans la formation et les infrastructures pour transformer les revenus en développement durable, notamment via des filières comme la pétrochimie ou l’énergie. De même, les tensions passées, comme celles liées à la pêche, exigent une gestion plus concertée des ressources partagées pour éviter d’éventuels conflits. Mais, il est sûr que la dimension historique et culturelle de cette relation constitue un gage de durabilité en plus des enjeux économiques partagés. Au-delà des hydrocarbures et des intérêts économiques communs, les relations entre la Mauritanie et le Sénégal sont avant tout spirituelles et culturelles. Ces relations qui ont pu survivre à toutes les crises précédentes passagères sont constamment fortifiées par le socle commun qui puise ses sources dans les profondeurs de l’histoire commune.