Togo : Entre suspicion de « désinformation » et fortes tensions internes Spécial

© Tout droit réservé © Tout droit réservé

 

Source : Météo Sahel Juin 2025

Télécharger l'intégralité de la Météo Sahel

 

Au Togo, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a suspendu, pour une durée de trois mois, la diffusion de Radio France Internationale (RFI) et de France 24 le lundi 16 juin 2025. Les médias français sont accusés de manquements répétés à la rigueur journalistique et de désinformation. La HAAC atteste que « plusieurs émissions récentes ont relayé des propos inexacts, tendancieux, voire contraires aux faits établis, portant atteinte à la stabilité des institutions républicaines et à l’image du pays ». Cette suspension fait suite à la couverture médiatique apportée par les chaines d’information sur la forte répression des manifestations les 5 et 6 juin derniers.

Ces manifestations dénoncent les arrestations de voix dissidentes, la hausse du prix de l’électricité et la réforme constitutionnelle. Elles ont été dissipées par les forces de l’ordre à l’aide de gaz lacrymogène et ont donné lieu à des arrestations. Le Front Touche Pas À Ma Constitution (TPAMC), constitué de membres de la société civile et de l’opposition a déclaré « condamner avec la plus grande fermeté les arrestations massives et arbitraires perpétrées les 5 et 6 juin » et « ordonne la libération de tous les détenus politiques ». 

Des affrontements violents

De nouvelles mobilisations ont eu lieu les 26, 27 et 28 juin. Malgré l’avertissement du gouvernement sur la prise de sanctions envers toute forme de « désobéissance civile ou révolte du peuple, source de trouble à l’ordre public », la jeunesse est retournée dans la rue. Des petits groupes de manifestants ont bloqué des rues, brûlé des pneus et dressé des barricades à travers la capitale.

Selon les organisations de la société civile togolaise, le bilan des manifestations s’élève à sept morts et des dizaines de blessés. Cependant, les autorités n’ont encore apporté aucun retour officiel. Elles ont qualifié les allégations de « tentative de récupérations malheureuses » et précisent que les analyses médico-légales établissent la noyade comme cause de décès. De nouvelles manifestations sont prévues le mardi 1er juillet, date de début des campagnes pour les élections municipales qui auront lieu le 17 juillet prochain.

L’alerte des ONG sur les dérives autoritaires du régime togolais

L’Observatoire pour la Protection des Défenseur⋅es des Droits Humains et la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH) tirent la sonnette d’alarme sur les violences et exactions perpétrées par les forces de l’ordre. La FIDH dénonce « un usage excessif et disproportionné de la force ». Elle souligne également certains « vices de procédures » quant aux interpellations faites. Des arrestations et détentions jugées arbitraires ont été recensées pour une cinquantaine de manifestant⋅e⋅s lors des évènements des 5 et 6 juin.

Ainsi, le rappeur engagé, Tchala Essowè Narcisse dit Aamron, qui avait diffusé des propos jugés virulents à l’encontre du président Faure Gnassingbé et incité à manifester, avant d’être arrêté puis interné en centre psychiatrique pour « dépression aggravée ». Le diagnostic est jugé faux selon ses proches qui se sont insurgés face à la procédure d’incarcération irrégulière du fait du défaut de mandat d’arrêt. Le rappeur avait fait partie des initiateurs des manifestations de début juin. Il a finalement été libéré le samedi 21 juin.

Pendant ce temps, Amnesty International a demandé le 17 juin aux autorités d’enquêter sur les allégations de tortures. Des déclarations niées par le gouvernement qui prône une application légitime d’un « État de droit » et condamnerait tout acte d’abus si des plaintes s’étaient présentées. Cependant, les témoignages recueillis par Amnesty International attestent le contraire. « Nous étions couchés sur le sol, ils étaient six ou sept agents autour de nous. Ils versaient de l’eau sur nous et ils nous frappaient les fesses avec des cordelettes. », dénoncent des manifestants détenus. En effet, depuis plusieurs mois, les conditions des droits humains semblent se dégrader au Togo.

Malgré ces accusations, le ministre de l'administration territoriale a déclaré, à la suite des manifestations du 28 juin : « Je voudrais féliciter nos concitoyens pour leur bonne conduite et aussi le professionnalisme de nos forces de sécurité et surtout les rassurer que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger les citoyens togolais. »

Face à ces récents évènements, il est judicieux de qualifier la situation des droits humains au Togo comme préoccupante. Bien que les autorités nient tout abus, force est de constater la réduction des libertés d’expression, de presse et de manifester, durant ces derniers mois. La jeunesse togolaise reste plus que mobilisée malgré les sanctions, et les soutiens dans la société civile sont nombreux. La révision de la Constitution, largement contestée, entraine ainsi de vives tensions entre le gouvernement et l’opposition.