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Qui dirige Boko Haram ? La question reste ouverte après que l’hebdomadaire de propagande du groupe Etat islamique, dont les jihadistes nigérians se revendiquent, a présenté Abu Musab al-Barnawi comme le nouveau chef de sa branche ouest-africaine. Il y aurait donc eu du changement, mais la publication de cette interview a fait réagir Abubakar Shekau. Le chef historique de Boko Haram, dans un message audio, affirme qu’il est « toujours présent ».
Dans ce message audio, Abubakar Shekau affirme avoir été « trompé » par certains combattants et par l’organisation de l’Etat islamique, à qui il avait prêté allégeance l’année dernière. En ligne de mire, celui qui est présenté par un hebdomadaire officiel de l’EI comme le nouveau leader de Boko Haram : Abu Musab al-Barnawi. Dans cet entretien à la revue Al Naba, Abu Musab al-Barnawi est présenté comme le nouvel émir de Boko Haram. Il n’est jamais précisé qu’Abubakar Shekau est remplacé. Son nom n’est d’ailleurs jamais cité.
En revanche, dans son message sonore de ce jeudi, en réponse à cette interview, Abubakar Shekau cite bien Abu Musab al-Barnawi. Le chef déchu le qualifie de mécréant. S’adressant à Baghdadi, le chef du groupe Etat islamique, il conteste cette nomination et dit aussi son incompréhension face à cette décision. Dans sa déclaration, Shekau affirme qu’il n’acceptera plus aucun émissaire de l’EI, sauf « ceux vraiment engagés dans la cause d’Allah ».
Al-Bernawi pourrait être l’ancien porte-parole de Boko Haram, mais « ce nom ne dit rien sur son identité. C’est un nom de guerre qui veut dire originaire de Borno », indique Bakary Sambe, le directeur du Timbuktu Institute. « Ces messages entérinent une situation de fait : l’éclatement du mouvement », poursuit le chercheur. Deux branches de Boko Haram émergent donc : l’une fidèle au groupe Etat islamique avec une vision internationaliste, l’autre, fidèle à Abubakar Shekau, plus confuse.
Shekau « toujours présent »
Plusieurs fois donné pour mort, souvent présenté comme gravement malade ou blessé, les spéculations sur la disparation d’Abubakar Shekau sont courantes. En mars, son apparition sur une vidéo est remarquée : « Pour moi, la fin est venue », a-t-il déclaré. Mais celui qui a pris la direction de Boko Haram en 2009 n’entend pas céder sa place de leader. Dans son dernier message, Shekau indique « être toujours présent ».
Fait troublant : ce message ressemble étrangement à la vidéo diffusée le 24 mars et qui est la dernière communication connue de Shekau. Les propos sont quasiment identiques et il fait la même hésitation en prononçant son nom. S’agit-il d’un autre montage du même enregistrement ? Si c’était le cas, cela confirmerait que les divisons au sein de Boko Haram remontent à plusieurs mois.
Une stratégie de l’EI pour reprendre la main ?
« Depuis l’élection de Buhari à la tête du Nigeria, on a une réponse beaucoup plus cohérente, donc Boko Haram a quand même pris des coups », rappelle Vincent Foucher, chercheur à l’International Crisis Group.
Pour le chercheur, il pourrait bien s’agir d’une stratégie du groupe Etat islamique pour reprendre la main sur un mouvement qui bat de l’aile. « Il y a au fond l’idée que Shekau n’est pas bon commandant, ne choisit pas les bonnes cibles, ni les bons outils ou les bons hommes. Et donc l’Etat islamique s’investit un petit peu. Sans doute ont-ils décidé de pousser une fraction de gens avec lesquels ils ont des liens. »
Même si, selon Vincent Foucher, le Nigeria n’apparaît pas comme un front majeur pour le groupe terroriste en termes d’argent, d’armes ou d’hommes, « ça reste un étendard qui a une signification » estime-t-il, avec « une capacité d’infraction auprès d’une partie des gens au Nigeria qui souhaitent donner une dimension plus globale que la façon dont Shekau a jusqu’à présent mené la lutte. »