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Mohamed Maiga est malien de nationalité, historien de formation, auteur de plusieurs communications sur la crise au Mali. Actuellement étudiant-chercheur en fin de deuxième cycle à l’UFR CRAC de l’UGB spécialisation gestion du patrimoine culturel. Par ailleurs, il est membre fondateur du réseau international pour le culte du débat, plusieurs fois champion d’Afrique, collaborateur du Timbuktu institute patrimoine et paix. Dans cet entretien qu’il nous a accordé avec la collaboration de l’Institut Français de Saint-Louis dans le cadre des « Débats d’idées », il revient sur l’ouvrage de Seydi Djamil Niane intitulé « Moi musulman, je n’ai pas à me justifier »
Comment appréciez-vous cet ouvrage ?
En vérité c’est le meilleur ouvrage que j’ai lu en 2018 ; heureusement que nous sommes au mois de février et du coup j’espère que j’aurai l’occasion d’en lire d’autres. On perçoit que Djamil est un citoyen du monde qui a décidé de s’exprimer en tant que citoyen français, musulman d’origine africaine. Il porte sa veste d’universitaire tout en ne prenant pas position, en dehors de son appartenance confrérique qu’il montre dans chaque partie de son ouvrage. En effet on sent qu’il est un fervent disciple de la confrérie Tidianya. On sent qu’il est passé de la Chahada à la Mouchahada à travers cet ouvrage qui doit être lu par tous les français. Je parle surtout de ces français qui pensent comprendre l’islam, de ces français qui ne font pas le distinguo entre l’intégrisme religieux, le terrorisme et la République et surtout le caractère laïc de la République. Donc Djamil s’est présenté comme un citoyen du monde qui vient apporter un message. Don son message on sent son indignation. Djamil est à l’image de ces écrivains qui dénoncent comme Frantz Fanon, Mariama Ba …. Le plus important est qu’il invite les citoyens du monde à ne pas confondre l’extrémisme violent à l’islam.
Quel commentaire faites-vous du titre de l’ouvrage de Djamil?
Le titre est assez provocateur à l’image du livre d’Amadou Krouma  » Allah n’est pas obligé ». Il est assez provocateur non seulement pour les musulmans, mais aussi pour les islamophobes, les nérgrophobes et les francophobes, parce qu’en lisant le titre on a l’impression que Djamil veut nous inviter à voir l’islam d’une autre façon. Et pour mieux comprendre le titre il faut forcément lire l’ouvrage. Au tout début, l’auteur du dit » tout a commencé lorsque la question « que penses-tu des attentats? » s’est transformée à « qu’avez-vous fait encore? », après les attaques du Bataclan. On s’en qu’on lui a demandé quelque chose qu’il n’a pas voulu et il dit qu’il n’a pas à se justifier. Le sous-titre « Manifeste pour un islam retrouvé » donne de l’espoir.
Pensez-vous que ce manifeste puisse permettre à l’islam de retrouver sa place dans la société occidentale ?
Pour répondre à votre question je vais paraphraser Djamil à la page 117 où il dit : « Mon intime conviction est que la grandeur de l’islam et de la France ne saurait être chantée que si chacun des deux se considère surtout et avant tout comme partie composante de l’humanité ». Voici un message de paix. Ce livre est tellement parlant surtout pour les musulmans de France. Je dirais que ce manifeste va permettre à ceux qui veulent comprendre de comprendre, à tous les musulmans de la France qui n’ont pas à se justifier et même aux musulmans du monde qui n’ont pas à se justifier devant des actes perpétrés ou commandités par des gens qui se réclament d’Allah. Ce livre permettra à l’Islam de retrouver sa place si et seulement si l’occident veut que l’Islam retrouve sa place, parce qu’en lisant Djamil on se rend compte par exemple que dans l’éducation nationale en France, il ya de l’islamophobie. Il ya également une grande ignorance dans les débats autour de l’islam.
L’auteur parle d’humanisme théocentrée. Qu’est-ce que cela suggère pour vous?
D’abord il faudrait rappeler ce que c’est que le théocentrisme. C’est une tendance à considérer Dieu et la religion comme étant la condition sinequano, la clef de la compréhension du monde et de l’histoire de l’humanité. N’oublions pas que l’humanisme est une affaire européenne, particulièrement italienne qui a vu le jour au 15eme siècle. Quand Djamil parle d’humanisme théocentré en précisant que pour que cet humanisme soit une réussite il faut revenir à la conception Soufi de l’unicité. Mais il se trouve que cette humanité est constituée de plusieurs éléments dont le soufisme; alors si vous proposez un humanisme théocentré qui n’a pas pour objectif de diviniser l’homme, mais de considérer Dieu comme étant partout, de considérer que Dieu est en nous, ce serait vraiment des bémols pour l’humanité. Pourquoi? Parce que d’abord vous avez un occident qui se dit civilisateur du monde qui prône le mariage gai, qui pense que la laïcité n’est pas compatible avec l’islam, qui pense que la démocratie et les droits de l’homme doivent prévaloir partout et qui pense que cette démocratie c’est de l’import-export, qui dit aux religieux de ne pas se mêler à la chose publique. Vous conviendrez avec moi alors que cet humanisme sera difficile à théocentrer, mais si on se fie à la conception soufie, c’est réalisable.
« Face à ceux qui déshumanisent la vie, osons chers musulmans, l’humanisme théocentré pour être à la hauteur du message coranique » Quel commentaire vous suggère ce passage?
C’est un message fort, il est tellement fort que je reproche à Djamil de l’avoir adressé seulement aux musulmans. Ce message devrait être adressé à l’humanité, surtout aux puissances occidentales pour qu’ils comprennent que c’est la seule alternative pour éradiquer ceux qui déshumanisent la vie, c’est à dire les groupuscules terroristes. Si on porte les lunettes de Djamil on se rend compte que l’humanisme théocentré qu’il prône est une solution. Il dit lui-même qu’on n’a pas besoin de maitriser le coran ou les hadiths du Prophète (PSL) pour voir les fruits de cet humanisme théocentré. Mais je précise qu’il faut préalable comprendre la conception soufi de l’unicité.
Quelle est la place du dialogue islamo-chrétien dont on parle souvent dans l’ouvrage?
Ce dialogue est au cœur de ce livre. C’est vrai au tout début Djamil critique, accuse et s’indigne mais au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture on note qu’il transmet un message de paix entre musulmans et chrétiens en donnant des exemples d’actes odieux commis par des chrétiens qui n’ont pas à se justifier à cause de leur religiosité. Du côté du monde musulman il cite les pétromonarchies qui essayent de faire rayer le Yémen de la carte du monde devant le silence et la bénédiction des puissances occidentales. Il rajoute que le dialogue est possible et pour le rendre tangible, il donne l’exemple de l’Association Internationale dont il est membre fondateur et qui appelle à la coexistence active. A la page 119, il dit:  » mon dernier vœux est qu’ensemble par-delà nos convictions religieuses ou philosophiques, au-delà de nos couleurs de peaux et d’orientation sexuelle, nous nous mobilisons pour rayer le mot désespoir du vocabulaire humain, désespoir qu’il faut rayer et faire appel à la coexistence active.
Que pensez-vous du style d’écriture de Djamil ?
Je voudrais d’abord dire que Seydi Djamil Niane est un intellectuel qui a beaucoup lu. Il ya chez lui plusieurs influences notamment celles de Frantz Fanon, Éric Geoffroy, Bakary Samb, Krumah, Amadou Ampaté Ba. Ce livre est du genre lettre ouverte qui s’adresse à l’humanité tout entière.
Entretien réalisé par Momar Alice NIANG
Source :Â http://ndarmag.com