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La tempête semble encore passée et les choses rentrées dans la normalité avec la réadmission des filles voilées à l’Institution Sainte Jeanne d’Arc. Mais pour le Dr. Bakary Sambe,  directeur de Timbuktu Institute, cette affaire est « loin d’être vidée » d’autant plus que « l’Etat sénégalais n’a jamais cherché à résoudre définitivement la question plus générale de l’enseignement privé confessionnel avec une réglementation claire, égalitaire et définitive ».
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Selon cet enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions  (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis « il y a bien eu une différence entre la gestion précipitée de cette crise au mois de mai, à ses débuts, et l’attitude finalement plus souple de l’Etat du Sénégal qui a heureusement cherché le dialogue. L’Etat ne pouvait pas imposer à une institution catholique une règle à laquelle il a fait de multiples exceptions ailleurs en fonction du rapport de force et des logiques électoralistes».
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Pour le Dr. Sambe, par ailleurs, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA), « l’embarras de l’Etat s’explique par sa faiblesse et ses inconséquences dans la gestion des questions religieuses dans un pays où, concernant le religieux, les autorités politiques ont multiplié les exceptions sans avoir jamais voulu définir des règles ».Â
Se disant perplexe, le Dr. Sambe estime que « le calme est revenu, juste le temps d’une nouvelle affaire qu’on se précipitera d’étouffer avant de passer la patate chaude au prochain régime ; c’est ainsi, malheureusement, la recette politique depuis les indépendances »
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« Notre Etat continuera toujours à être embarrassé par de telles questions tant qu’il ne réglera pas définitivement le statut de l’enseignement privé confessionnel ou apparenté par une législation claire et cohérente au lieu de rester sur des fuites en avant successives pour une question éminemment stratégique comme l’éducation », alerte l’auteur des « Contestations islamisées », (Ed. Afrikana, Montréal, Octobre 2018)
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Selon ce chercheur spécialiste des rapports entre politique et religion, « cette affaire qui est loin de se tasser a aussi été un exutoire des crispations et frustrations accumulées : des organisations musulmanes qui y projetaient des revendications non satisfaites d’une plus grande reconnaissance de l’enseignement islamique aux divers mouvements catholiques qui ont montré les signes d’une communauté dans ses derniers retranchements ».
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« Il va falloir, tôt ou tard, s’attaquer à cette brûlante question de la dualité du système éducatif sénégalais qui veut modeler des citoyens mais sans le ciment national d’une école uniformisée même avec une diversité des langues d’enseignement qui peut être une richesse », soutient Dr. Bakary Sambe.
Convaincu qu’un « règlement définitif » est nécessaire pour éviter les « crises à répétition », le directeur du Timbuktu Institute en conclut que « la question éducative reste l’une des plus grandes vulnérabilités de notre pays comme cette crise l’a montré avec des signaux évidents de crispations, mais aussi de faiblesse d’une cohésion sociale tant vantée et qui, à chaque occasion, étale ses limites de même que ses inconséquences constamment refoulées... »