Négocier avec les terroristes au Sahel ? Les préalables incertains d’un dialogue problématique  Spécial

Dr. Bakary Sambe

Dans la région sahélienne, les tentatives de réintégration d’anciens combattants de Boko Haram au Niger ont, certes, donné le ton sur la nécessité assumée d’alternatives au tout-répressif à travers leur installation au camp de Goudoumaria (région de Diffa). Mais les difficultés et les complexités d’une expérience de DDRR sans accord de paix ont vite émergé, surtout dans le rapport avec les communautés locales, anciennement victimes, qui ne peuvent que difficilement se contenter de discours sur la réconciliation sans un processus mûri de justice transitionnelle.

Cependant, alors même que certains analystes prônent l’officialisation du dialogue avec les groupes qui sévissent dans la région, aucune différence n’est, aujourd’hui, faite  entre les stratégies mondialistes de certains groupes (Al-Qaida) ; celles régionalistes fédératives avec la mobilisation des slogans rassembleurs contre « les puissances occidentales et leurs alliés corrompus » (EIGS, Al-Mourabitoune etc.) ; celles contestataires de l’ordre politique ; ou encore, celles s’appuyant sur des logiques communautaires et ethnico-religieuses (FLM, JNIM etc), sans parler du glissement vers le narco-criminel et le banditisme transnational.

Dans un tel contexte, la question du dialogue avec certains groupes nécessite forcément que l’on solde, au préalable, les incompréhensions autour des dispositions de la résolution 2058 - qui doit faire la différence entre groupes armés et autres terroristes. Celle-ci a d’ailleurs « fait son temps » en raison des mutations profondes de la violence et de l’extension des zones de conflits loin de l’épicentre malien à l’origine de sa mise en place.

De même, les quelques expériences de dialogue avec les groupes armés qui ont abouti à des accords encore fragiles (à l’instar du Nord du Mali) ont démontré à suffisance le lien étroit entre l’ouverture de pourparlers et l’inflation du nombre des interlocuteurs. Les conflits qui durent créant toujours une économie de guerre et des tensions autour du « partage » des prébendes et des privilèges.

L’autre grande question demeure celle de l’identification des probables médiateurs dont la posture de neutralité reconnue pourrait permettre un minimum de consensus autour de la table, dans un contexte où le déficit de confiance n’épargne pas les partenaires internationaux - déjà parties prenantes dans certains cas - et encore moins le leadership politique local dont le rejet de la gouvernance fait partie du problème. Les récentes manifestations contre l’installation du quartier général de la force conjointe du G5 Sahel à Bamako, ou encore la présence militaire des puissances occidentales sont autant de signes d’un malaise qui ne faciliterait pas un dialogue fructueux bien qu’inéluctable.

Enfin, au moment où, surtout au Mali, une certaine classe politique se défausse parfois - il est vrai- sur la communauté internationale en soulignant l’« inefficacité » des stratégies de stabilisation, tout en distillant un discours aux relents populistes sur des intentions non avouées de partition du pays, la question demeure des gages crédibles qu’il serait possible de donner aux populations locales alors que celles-ci sont tombées dans une certaine lassitude face à un conflit auquel elles ont fini par s’habituer.