Le chaos libyen et ses conséquences au Maghreb et au Sahel (Par Pr. Mohamed-Chérif Ferjani) Spécial

 

Le développement des groupes qui menacent la sécurité des populations et des pays, à différentes échelles, du plus local au global, n’est pas étranger à l’effondrement ou à l’affaiblissement des Etats, comme en témoignent les précédents somalien, irakien, yougoslave, et comme on le voit aujourd’hui dans divers pays dont la Libye. Dans ce pays, une insurrection mit fin, en 2011, à plus de 40 ans de règne dictatorial de Mouammar Kadhafi  (1942 -2011), à l’issue d’une guerre civile soutenue par une coalition internationale, sous mandat des Nations Unies, et dirigée par la France dans le cadre de l’opération Harmattan. Depuis, la Libye, vit simultanément les conséquences de la politique menée par Kadhafi, la résurgence des structures tribales étouffées par la dictature  mais sans réellement disparaître,  le poids des interventions étrangères et les affrontements entre groupes armés d’idéologies aussi meurtrières que les armes que leur fournissent généreusement les puissances internationales et régionales intéressées, avant tout, par les richesses de l’un des pays les  vastes du continent africain.

Le régime politique instauré par Kadhafi a conduit à l’affaiblissement des institutions antérieures au profit d’une autocratie faisant de sa personne la clef de voute de l’Etat, en tant que « guide » d’une « révolution permanente » et d’un système populiste appelé la « Jamahiriya », (auto-gouvernement des masses), où il joue le rôle de médiateur-arbitre entre les composantes d’une société structurée par les solidarités tribales et vivant de la rente des hydrocarbures et du recours massif à une main-d’œuvre étrangère. Dès la chute du régime de Kadhafi, les clivages historiques entre la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan ont ressurgi. Le Conseil National de transition, mis en place au lendemain de l’effondrement de la «Jamahiriya», a essayé de réunir des représentants des  régions, des tribus, des villes et des milices locales qui ont participé à l’insurrection, dans l’espoir de reconstruire l’État, restaurer les infrastructures économiques, et prévenir les séparatismes. Cependant, depuis 2011, le pays a sombré dans un chaos qui a débouché, dès 2014, sur une guerre opposant des gouvernements autoproclamés, avec des soutiens étrangers et l’implication de milices et de divers groupes armés mobilisant des solidarités claniques, tribales, ethniques ou supranationales. Les pays limitrophes de la Libye, dont la Tunisie, l’Algérie, le Mali, le Tchad et l’Egypte sont directement menacés par les conflits qui déchirent le pays et par les effets de la confrontation entre les puissances étrangères soutenant les différentes factions qui se disputent le pouvoir et les richesses du pays.