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Les affrontements se sont en effet multipliés ces dernières années entre les Peuls, et les ethnies bambara et dogon, qui ont créé leurs "groupes d'autodéfense"en s'appuyant sur les chasseurs traditionnels "dozos", la puissante milice dogon Dan Nan Ambassagou. Cette dernière est officiellement dissoute par le gouvernement malien mais elle reste toujours active. Elle fut, selon les autorités maliennes, responsable du massacre du village de Ogossagou le 23 mars 2019. Dans ce lieu de la région de Mopti au moins 157 civils peuls furent massacrés et le village fut réduit en cendres. Par la suite, l'attaque contre le village dogon de Sobane-Da dans le centre du Mali, le 10 juin 2019, avait fait 35 morts.
Bakary Sambe est universitaire, spécialiste du Sahel et directeur du Timbuktu peace Institute à Dakar au Sénégal. Selon lui, les autorités maliennes sont responsables de ce type de déchainement de violence. « Les Peuls sont des éleveurs et les Dogons sont des agriculteurs, il y a toujours eu des conflits autour de la question de l’eau et des terres entre ces communautés. L’État malien a délégué de fait la gestion de ces conflits à des milices, des groupes d’auto-défense. Même chose au Burkina faso où cela a été encouragé par le gouvernement. La gestion de la question sécuritaire par des communautés a créé un sentiment d’insécurité chez d’autres communautés rivales. Les Peuls ont cherché des protecteurs et ils ont trouvé cette protection notamment chez les groupes armés djihadistes », constate Bakary Sambe.
« Les Peuls sont une population marginalisée et laissée pour compte. Les élites politiques des pays comme le Burkina Faso ou le Mali se sont toujours méfiées de ces populations nomades difficilement contrôlables. Cette méfiance existait déjà chez les Français au moment de la période coloniale et les États centraux ont hérité de cette méfiance. L’État malien est quelques fois rentré dans une logique de dialogue avec les Touaregs. Cela n’a jamais été les cas avec les Peuls », constate l’universitaire. Au Burkina Faso, le gouvernement a encouragé la constitution de ces groupes d'autodéfense face aux groupes armés souvent assimilés à tort aux Peuls.
« Marginalisés, confrontés à l’armement d’autres communautés, le prédicateur peul Amadou Koufa, affilié à Al-Qaïda, a pu facilement et largement recruter au sein de sa communauté au profit de son groupe armé, la Katiba Macina en tenant un discours sur la marginalisation des Peuls », ajoute Bakary Sambé. Et c'est pour cela que, selon le chercheur, la résolution des conflits intercommunautaires dans la région des trois frontières est l'une des conditions de la fin de la violence. « Les groupes djihadistes se greffent sur ces conflits intercommunautaires », constate le chercheur. De fait, Le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences intercommunuataires depuis l'apparition en 2015 de ce groupe armé dans la région de Mopti.
Des accords similaires à ceux de janvier 2021 avaient déjà été signés il y a plus de deux ans mais ils n'avaient pas résisté à la poursuite des violences. Tiendront-ils cette fois-ci ? Pour Bakary Sambé, la fin des violences intercommunautaires passe tout d’abord par une réforme des États malien ou burkinabé.
Selon l’universitaire Bakary Sambé, une partie des fonctionnaires, surtout au Mali, sont notamment perçus comme des prévaricateurs. « Des fonctionnaires et même des retraités de la fonction publique malienne n’hésitent pas à taxer, à extorquer les populations peules pour leur enrichissement personnel. Ce n’est pas pour rien que les Peuls évitent au Mali dans 20 pour cent des cas de faire appel à la justice du pays », décrit le chercheur. « Ces accords ont un aspect dilatoire. On cherche seulement à gagner du temps. On retarde la reprise de la violence », estime Bakary Sambe. La circulation des armes doit cesser et cette responsabilité incombe à l’État selon le chercheur. « Certaines communautés de Dogons parlent le peul et nombre de communautés réglaient leurs différends par des accords entre chefs coutumiers », rappelle l’universitaire Bakary Sambe.