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Cette nouvelle étude menée par l’équipe du Timbuktu Institute en Côte d’Ivoire, coordonnée par le chercheur Lassina Diarra s’est intéressée à la région de Bounkani dans le cadre d’une recherche-pilote pour mettre en évidence les signaux faibles et les multiples facteurs d’une radicalisation rampante. Cette dernière devient de plus en plus préoccupante dans un contexte d’avancée des groupes terroristes vers les pays côtiers. Ces éléments que met en lumière cette étude de terrain basée sur des données issues d’enquêtes et d’entretiens qualitatifs indiquent que l’extrême-Nord de la Côte d’Ivoire vit déjà pleinement les effets de la régionalisation de la menace qui s’était manifestée avec les attentats de Grand-Bassam dès 2016.
Avec le récent phénomène de débordement des épicentres de la violence et du terrorisme au Sahel, les pays voisins de ceux du Sahel subissent les contrecoups de la dégradation de la situation sécuritaire dans la région. On évoque même, de plus en plus, un glissement progressif des zones de déploiement stratégique et des théâtres d’opération vers les pays dits côtiers.
La Côte d’Ivoire partage une frontière de plus de 1000 km avec le Burkina Faso et le Mali et subit, parallèlement, la migration massive en provenance d’autres pays tel que le Niger, pourtant assez éloigné. D’après certains signaux que l’on évoquera dans cette étude, la proximité de l’épicentre du djihadisme sahélien expose, l’un des pays les plus multiconfessionnels de la région, à nombre de vulnérabilités. En l’espèce, depuis plusieurs années, le gouvernement ivoirien tente de réduire les conséquences d’une géographie de plus en plus hostile, en redéfinissant sa politique de sécurité, par un réaménagement de sa posture opérationnelle et de son administration territoriale.
Globalement, la réponse de l’État se structure autour d’un dispositif conventionnel qui, à certains points vus, serait, relativement, miné par quelques contradictions. L’ensemble des signes annonciateurs d’une radicalisation progressive - dont les dérives de la censure et de négation de la diversité culturelle - se dissimule de moins en moins ; dans les rues des grandes villes de Côte d’Ivoire et jusqu’aux confins de la forêt. Cette nouvelle situation semble témoigner d’une progression de la radicalité, en particulier dans un environnement de surnatalité, de misère et de faible niveau d’accès à l’instruction publique. L’exemple de la région du Bounkani à l’extrême nord offre, ici, l’occasion de remonter aux sources et manifestations, encore larvées, d’une montée en puissance de l’extrémisme endogène, de moins en moins corrélé à l’influence de l’extérieur.
La réalité autant que l’avenir prévisible pressent la Côte d’Ivoire, d’engager une réadaptation de ses mécanismes et stratégies d’anticipation, en marge de la seule approche militaire. La compréhension du terrorisme, sous le prisme d’une volonté soudaine de nuire et de menées relevant de la criminalité primaire, gomme le primat de l’idéologie, le met en arrière-plan ; derrière la phraséologie du sous-développement devenue la mode chez des experts qui manquent d’outils conceptuels pour appréhender la dimension idéologique. Certains de ces experts et universitaires continuent, à percevoir, le volontaire du jihad, sous les traits d’une victime du capitalisme, de l’impérialisme ou d’un énième « isme » commodément convoqué pour cacher, du moins excuser, une faillite authentiquement endogène.
Le pays peine encore à l’admettre en 2021 : la souche du jihad subsaharien n’est pas forcément une affaire de groupes, d’organisations, mais, d’emblée, un dessein de sujétion et d’uniformisation, cherchant à faire substituer la théocratie au peu de démocratie.
Pourtant, mieux qu’au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la Côte d’Ivoire héberge le capital culturel de son salut, à condition que ses dirigeants s’en persuadent à temps et établissent - ensemble et à rebours des luttes internes de préséance – les termes de l’union sacrée contre le terrorisme. Si elle prend la mesure du risque en couplant approche préventive et gestion des urgences sécuritaires et en sortant du déni d’une réalité persistante qui est la montée de l’extrémisme, la Côte d’ivoire pourrait encore s’appuyer sur ce que Bakary Sambe appelle « les ressources culturelles endogènes » pour renforcer sa résilience à l’épreuve de la transnationalité.
Rapport intégral ici :