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Dans cet entretien qu’il nous accorde, Dr Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute, revient sur la crise malienne et sur la situation dans le Sahel. Selon lui, il faut une amélioration des conditions du dialogue entre la France et le Mali pour dénouer la crise. Pour le Directeur régional du Timbuktu Institute, un dialogue franc et sincère entre ces deux partenaires est une clé essentielle pour la sortie de crise et la stabilité du Sahel.
Propos recueillis par Aliou Diouf (Quotien le Soleil)
Quelle lecture faites-vous de l’état actuel de la crise au Mali ?
- Il y’a au Mali une sorte de fracture entre les perceptions locales qui semblent s’inscrire dans la dynamique de dialogue inclusif des assises de la Refondation pour mieux réfléchir au meilleur système pour leur pays et trouver des solutions endogènes et la communauté internationale qui s’agrippe aux principes sacro-saints de tenue d’agenda d’élections. Donc, il y a, encore une fois, une forme de tiraillement entre les perceptions locales et l’approche internationale. De ce point de vue, à mon avis on ne peut pas proposer de solutions à l’encontre des perceptions des populations locales. Une sortie de crise est nécessaire au Mali où on voit 79% de la population s’accordent à dire que ce sont les hommes politiques qui divisent le pays d’après la récente étude du Timbuktu Institute dans le cadre de l’initiative « La Parole aux Maliens ». Ces Maliens sont aujourd’hui favorables aussi à une implication des leaders religieux, des leaders traditionnels et de la société civile mais qu’au même moment il y a un début de satisfaction par rapport à la gestion de la sécurité par les nouvelles autorités.
Est-ce que la suspension de la détention de Issa Kaou N’Djim demandée par le conseil national de la transition peut contribuer à faire baisser la tension ?
- Cela entre, à mon avis, dans le cadre d’un apaisement voulu par les autorités. Je trouve ça salutaire parce que, depuis un certain moment, beaucoup se plaignent d’une ambiance délétère où les libertés d’expression commençaient à être restreintes. Cela va dans le bon sens d’élargir les discussions d’autant plus que le gouvernement prône la tenue des Assises nationales de la Refondation. Ce, malgré la pression de la communauté internationale qui veut se diriger vers les élections en février 2022. Il y a aujourd’hui une situation qui méritait que l’on aille vers un apaisement. Je crois que cela donne un signal encourageant par rapport à la situation qu’il y a aujourd’hui avec les arrestations qui se multiplient et qui inquiètent au plus haut niveau. On est sûr que l’instance sous régionale, la CEDEAO, est devant ses responsabilités mais aussi devant un dilemme de pouvoir gérer aussi bien la situation guinéenne où il n’y a aucun agenda, pour l’heure, et la question malienne où il y a un agenda mais qui risque fort de ne pas être respecté.
Quel est l’impact que la présence de l’ex otage Sophie Petronin peut avoir sur les relations entre Paris et Bamako ?
- Le cas de cet ex-otage avait posé un sacré problème d’éthique. Le contexte dans lequel elle est revenue au Mali est assez lourd d’incertitudes et de risques. Je pense que la sous-région n’a pas besoin d’escalade entre ces deux pays, partenaires :le Mali et la France. Autant la France est un partenaire stratégique de premier plan pour son engagement dans la lutte contre le terrorisme, autant le Mali est une pièce maîtresse de ce puzzle sahélien qui doit rester stable. Je crois que l’intérêt de tous, c’est qu’on se retrouve dans une forme de consensus et que le Mali puisse s’ouvrir à tous les partenaires conventionnels qui pourraient apporter quelque chose pour la sécurité et la stabilité tant attendues.
Quelle analyse de la situation au Sahel confrontée aujourd’hui aux atrocités des djihadistes ?
- Nous sommes dans une forme de statu quo qui, parfois, va avec l’aggravation de la situation sécuritaire. La situation est inquiétante au Burkina Faso qui semble devenir de plus en plus un nouveau maillon faible sahélien. On voit aussi la montée des périls dans la zone des trois frontières, dans un moment où il y a une redéfinition de la politique de coopération sécuritaire française, notamment de sa présence militaire. Au plan africain, nous sommes encore dans des tergiversations sur l’activation de la force africaine. Je crois qu’on est dans un moment de perplexité dans la sous-région et dans le Sahel. Cette situation ne doit pas perdurer. Le Mali s’interroge. Le Sahel est dans une sorte de crispation pendant que les partenaires internationaux sont dans l’hésitation. Il faut une amélioration des conditions de dialogue entre la France et le Mali. C’est une des clés pour dénouer cette crise. Il faudrait que la CEDEAO et l’Union Africaine jouent leur véritable rôle surtout en termes de facilitation. Néanmoins, il est grand temps que les Africains sortent de la délégation de la sécurité et de la souveraineté à des puissances étrangères qui sont, certes, des partenaires mais qui ont aussi, légitimement, leur agenda et leurs priorités. Mais, il faudra vite aller vers une convergence des agendas parce que la stabilité du Mali et du Sahel regarde tout le monde. Le Mali est une digne qui, si elle cède, va compromettre, aussi, la sécurité des partenaires européens. Nous sommes liés par les contraintes de la sécurité collective