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Bakary Sambe, enseignant-chercheur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, est coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique et directeur du think tank Timbuktu. Pour lui, les terroristes ont « la volonté de faire du Burkina Faso un pays carrefour, un espace d’extension des zones d’intervention des groupes jihadistes ».
L’attaque d’un restaurant à Ouagadougou dimanche 13 août, suivie d’une prise d’otages, est-ce que c’est exactement le même scénario qu’il y a un an et demi, le 15 janvier 2016, au café Cappuccino et à l’hôtel Splendid, ou voyez-vous des différences ?
Bakary Sambe : Le modus operandi de la dernière attaque laisse croire quand même à une similitude par rapport aux attaques qu’on a connues avec le Cappuccino et le Splendid. Mais tout de même le Burkina Faso n’a pas cessé d’être attaqué depuis les attentats de 2015 et de 2016.
En novembre 2016, il y avait déjà un double attentat à Soum, à Djibo et à Pétéga, avec des attaques à Ariel. Et en mars 2017, les mêmes attaques à Baraboulé. Et trois autres attaques, en juin, dans la région de Soum.
Donc toutes ces localités – les localités de Titabé, de Sentangué, de Tin-Akof -, ont continué à être la cible des jihadistes, et de manière continuelle. C’est dire que le Burkina Faso, dont le premier attentat marquait la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest, commence malheureusement à s’habituer au phénomène jihadiste. Et ce dans un pays qui a constitué un exemple de stabilité, un modèle de cohabitation et où règne une véritable cohésion sociale.
Pour vous, c’est ce modèle que sont venus attaqués les jihadistes ?
Le Burkina Faso symbolisait un modèle, dans le sens de la cohabitation pacifique entre toutes les communautés religieuses, que le jihadisme veut remettre en cause. Notamment avec l’émergence de jihadisme endogène, avec d’Ibrahim Malam Dicko et son groupe Ansarul Islam qui constitue une nouveauté, si l’on sait que jusqu’ici, c’était plutôt les groupes transnationaux – comme Al-Mourabitoune, al-Qaïda au Magrheb islamique, etc. – qui opéraient dans cette région du Sahel.
La société burkinabè est-elle perméable aux divisions religieuses ?
Je crois qu’il y a une capacité de résilience au Burkina Faso – on la trouve d’ailleurs en Côte d’Ivoire -, qui fait qu’il sera difficile d’arriver à un jihadisme de masse dans ce pays-là. En tout cas au niveau de la population, qui a encore des capacités de résilience, des capacités de régénérer ses ressources cultuelles, qui ont été à la base de ce modèle tant cité en Afrique de l’Ouest.
Quelles peuvent être les autres raisons qui font du Burkina une cible privilégiée des jihadistes aujourd’hui ?
Il y a aussi la volonté de faire du Burkina Faso un pays carrefour, un espace d’extension des zones d’intervention des groupes jihadistes. Il faut quand même noter que, au Burkina Faso, pas moins de six groupes sont impliqués dans des enlèvements et des attaques : Ansar Dine, le Front de libération du Macina, l’État islamique dans le Grand Sahara, Ansarul Islam d’Ibrahim Malam Dicko. Et tant d’autres.
Si l’on sait que ce pays aujourd’hui est entenaillé avec des plusieurs opérations militaires en même temps : l’opération Celo qui est menée par les forces maliennes dans le nord-ouest, l’opération Tapoa à l’est du pays, et l’opération Segéré au Nord en alliance avec les forces togolaises.