Désenclaver le Sahel et connecter les pays côtiers : Enjeux de l’«Initiative Atlantique » du Roi Mohamed VI Spécial

Timbuktu Institute – Novembre 2023

Analysant le discours du Roi du Maroc, à l’occasion de la récente commémoration de la « Marche Verte », la chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute, « L’Hebdo Africain », est consacrée aux enjeux de l’« Initiative Atlantique », sa dimension stratégique de même que sa portée « symbolique ». Cette initiative vise à faire de la façade atlantique un centre d'intégration économique et un foyer de rayonnement continental et international. L'établissement d'une économie maritime, le développement des infrastructures routières, portuaires et ferroviaires dans le Sud du Maroc, ainsi que la création d'une flotte nationale de marine marchande, illustrent une nouvelle vision à long terme pour la région. De même, l’idée d’un désenclavement des pays du Sahel Central en leur offrant une ouverture sur l’Atlantique fait partie des aspects les plus significatifs de cette initiative préconisée par le Roi du Maroc. Dans cette interview, Dr. Bakary Sambe répond aux questions de Medi1TV

Bakary Sambe, vous réagissiez suite au Discours prononcé par SM Le Roi Mohamed VI lors de la commémoration de la Marche verte en évoquant la vision stratégique royale qui sous-tend un tel projet ambitieux pour l’Afrique. Pourriez-vous justement revenir sur cette dimension au-delà des retombées économiques immédiates ?

Oui Par ce discours historique, le Roi réitère l'importance de la position géographique du Maroc en tant que pays atlantique, offrant un accès complet sur l'Afrique et une fenêtre sur l'espace américain tout en considérant la façade atlantique comme un élément clé de la stratégie nationale. En fait, le développement spectaculaire des Provinces du Sud (Sahara marocain) a renforcé la vocation de pays atlantique du Maroc. Le Maroc reste l’un des rares pays africains, qui conscient de son avantage géographique, s’est doté des moyens essentiels pour développer des échanges humains économiques, avec les pays et continents voisins. Au-delà de ses voisins, le Royaume est connecté au monde entier, en tant que hub aérien de premier plan en Afrique. En tous point de vue, cette initiative atlantique est l’expression d’un leadership marocain dont le Roi a non seulement convaincu de la nécessité d’une coopération Sud-Sud mais a su connecter la vision stratégique aux nouveaux paradigmes d’un développement intégré notamment en transformant les Provinces du Sud en modèles viables démontrant l’efficience de son approche de transformation socio-économique du Maroc.

Dr. Bakary Sambe, suite à votre analyse de cette initiative atlantique dans la presse marocaine, vous défendiez aussi l’idée d’une opportunité à saisir par les pays africains dans le cadre de la mutualisation des efforts de développement. Comment voyez-vous la matérialisation de cette vision du Roi notamment dans le domaine de la coopération énergétique ?

Il est vrai que cette initiative réaffirme l’option africaine irréversible du Royaume tel que le Roi Mohamed VI l’avait précisé lors de son discours historique d’Addis Abeba. Donc, en même temps, il donne un cap pour l’ensemble des États de la région à un moment crucial où la quête de solutions africaines aux problèmes africains est vu comme un impératif continental de souveraineté. Son discours met en évidence la volonté du Maroc de renforcer sa coopération avec les pays de la façade atlantique africaine en faisant du projet du gazoduc Maroc-Nigéria un levier d'intégration régionale. En fait, la construction de ce gazoduc est envisagée comme une initiative stratégique visant à réunir les conditions d'un décollage économique commun, tout en assurant un approvisionnement énergétique sûr pour les pays européens. Mais, en même temps, avec cette initiative de très grande portée, en collaboration avec le Nigeria, et en concertation avec d’autres, le Maroc pose des actes concrets et très significatifs, de promotion de l’intégration économique dans l’espace CEDEAO et au-delà.

Mais vous parlez aussi je vous cite « d’une idée féconde » de la part de Sa Majesté le Roi avec l’ambition de vouloir désenclaver les pays du Sahel central en leur offrant l’accès à l’Océan. En quoi cela constitue pour vous un tournant stratégique surtout dans le cadre du développement des infrastructures sur notre continent ?

Pour le Sahel, Sa Majesté avance des pistes de réponse assez importantes, en mettant en garde l’approche dite ‘tout sécuritaire’, qui a montré ses limites objectives, et préconise des initiatives qui s’adressent aux causes profondes et renforcent la résilience, fondée sur la coopération et le développement ‘commun ».  Il s’agit de trouver une réponse à l’un des facteurs de vulnérabilité du Etats du Sahel, à savoir l’enclavement. Dans un esprit de coopération Sud-Sud et véritablement gagnant-gagnant, les propositions du Roi du Maroc pour une mise à niveau des infrastructures routières des Etats du Sahel et leur interconnexion entrent intégralement dans le cadre de la stratégie de la CEDEAO. Mais, il est important de noter l’approche stratégique du Roi dans la relation du Maroc avec ses voisins sub-sahariens aux plans symbolique et stratégique. En fait, tandis que les pays les pays occidentaux, ont créé, l’OTAN), un cadre militaire transatlantique de défense collective de leurs territoires et de leurs valeurs, sa Majesté énonce une vision clairvoyante et humaniste d’une façade atlantique africaine, trait d’union entre l’Atlantique Nord et l’Atlantique Sud, en tant que ‘haut lieu de communion humaine, pôle d’intégration économique et un foyer de rayonnement continental et international ». Cette vision est d’autant plus remarquable qu’elle préconise une approche partenariale dans la prise en charge des énormes déficits sécuritaires qui se posent dans ce vaste espace géopolitique ainsi que l’exploitation des immenses potentielles en termes d’économie bleue et durable.