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Le sens de la visite du président Bassirou Diomaye Faye en Gambie, juste après celle en Mauritanie s’inscrit dans une démarche à deux axes principaux. D’une part, assurer la sécurité nationale ; et réaffirmer le désir des nouvelles autorités sénégalaises de renforcer l’axe Banjul-Dakar, d’autre part. Telle est la quintessence des propos de Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute, dans une interview donnée au quotidien « Le Soleil. »
Quels sont les enjeux de la visite du Président en Gambie ?
Les enjeux de cette visite en Gambie sont clairs. Il y a d’abord la réaffirmation sans ambages de la part des nouvelles autorités de l’intangibilité de la nature et de la teneur de cette relation cruciale aussi bien pour la sécurité nationale que pour le co-développement qui ont toujours structuré et caractérisé l’axe Banjul-Dakar. Aussi, bien que répondant aux attentes de la Gambie sur la continuité, l’ambiance et les discours qui ont marqué cette visite semblent refléter cette spécificité et surtout rappeler les constantes. Dans une démarche d’analyse discursive, lorsque le président sénégalais, dans son adresse, insiste sur une « fraternité » personnelle au-delà des rapports institutionnels et diplomatiques, ce n’est pas seulement pour « casser » consciemment les codes et les rigueurs du protocole comme cela se voit dans son nouveau style, c’est surtout pour, pour le Président Faye, de réaffirmer le caractère naturel, continu et irréversible d’une relation qui défiera toujours le temps et, avec lui, les régimes passants. Mais dans l’ensemble, cette visite qui a donné des gages au niveau diplomatique et semble s’inscrire dans une dynamique de consolidation des acquis a été l’opportunité d’une prise contact déterminante mais annonçant, aussi, de belles perspectives de coopération.
Quels sont les secteurs sur lesquels les deux chefs d’Etat doivent travailler pour fructifier leur coopération ?
Dans le cadre d’une recherche inédite de terrain en Gambie bientôt publiée, le Timbuktu Institute a pu, en synergie avec des chercheurs gambiens, documenter l’intérêt pour les deux pays à renforcer leur coopération sécuritaire surtout dans le cadre de la prévention et de la mise en perspective d’une réelle politique de partenariat pour faire face aux défis transfrontaliers dans le contexte sous-régional actuel. Bien que devant toujours être consolidées, les bases de la relation entre la Gambie et le Sénégal sont durablement posées depuis l’accession à l’indépendance. Elles l’étaient déjà au point de vue politique et diplomatique mais les opportunités semblent se multiplier avec les infrastructures routières facilitant davantage les échanges économiques par la mobilité humaine à la faveur du pont et s’adossant sur des accords multiples et variés. L’environnement sécuritaire s’étant largement amélioré comparée d’avec la situation d’il y a dix ans avec la stabilisation du conflit en Casamance, d’immenses champs de possibilités s’ouvrent au niveau économique qui profiteront aussi bien à notre continuité territoriale qu’à l’essor d’une économie gambienne grandement liée à ses échanges avec le Sénégal. Cela est aussi bien valable pour la relance de l’économie maritime que pour l’agriculture et les investissements. D’ailleurs, à l’occasion du prochain sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique qui se tiendra en République sœur de Gambie, des acteurs sénégalo-gambiens co-organisent un forum sur l’investissement ; ce qui traduit davantage le caractère incorporé de la nature des relations au niveau même de nos populations respectives. Les autorités politiques devraient, d’ailleurs, saisir cette chance qu’offre le secteur privé à la diplomatie économique. De toute manière, l’invitation officielle à ce Sommet crucial réitérée par le Président Adama Barrow déjà acceptée, lors de cette visite, par le Président Bassirou Diomaye Faye montre, entre autres actes diplomatiques posés, qu’il y a une profonde conscience des défis communs et une volonté conjointement renouvelée de faire de l’axe Banjul-Dakar un modèle vivant de coopération et d’intégration régionale.
Le fait d’effectuer sa première visite en Mauritanie et la deuxième en Gambie, deux pays africains, signifie-t-il pour le nouveau président, une volonté de rompre avec la Françafrique ?
Les propos du président Bassirou Diomaye Faye sont sans aucune ambiguïté quand il rappelle : « Nous avons la chance d’accéder au pouvoir avec un projet panafricain qui renforce la solidarité et la politique entre les pays africains. Cette solidarité renouvelée et renforcée ont permis au sénégalais de nous faire confiance pour nous confier les rênes du pouvoir ». Mais, tout de même, la tradition diplomatique du Sénégal a toujours insisté sur le bon voisinage et le les efforts de réalisation de l’intégration et de l’Unité africaine. D’ailleurs l’intitulé du nouveau Ministère de l’intégration africaine et des Affaires étrangères est on ne peut plus éloquent pour illustrer ce choix renforcé par les nouvelles autorités. C’est une feuille de route en soi. De ce fait, on voit bien où se situent les priorités. Le choix de la Mauritanie est aussi logique que celui porté sur la Gambie au cœur de notre profondeur stratégique et avec lequel nous avons l’une des plus longues frontières sans compter le niveau de brassage culturel, linguistique qui se greffe à l’importance capitale de ce pays pour une sortie définitive de crise en Casamance. Nos gouvernements respectifs sont conscients de la dimension qui a toujours guidé cette coopération. D’ailleurs, il a été convenu, dans le communiqué final, conformément à la tradition diplomatique, que les chefs d’États de se consultent régulièrement sur les questions d’intérêt mutuel et même de tenir la prochaine session du Conseil Présidentiel Sénégalo-Gambien à Dakar, en République du Sénégal, « à des dates qui seront fixées ultérieurement ».
Dr. Bakary SAMBE