Burkina Faso : Recrudescence du terrorisme, transition prolongée et tentatives de museler la Presse Spécial

 

Source : Météo Sahel juin 2024

Télécharger l'intégralité de la Météo Sahel

 

Au courant de ce mois de juin, l’actualité au Burkina Faso est marquée par la recrudescence des attaques terroristes. Après l’attaque de Mansila (nord-est) le 11 juin ayant occasionné une centaine de morts côté soldats burkinabè et plusieurs otages, des soldats maliens et mercenaires russes ont débarqué à Ouagadougou pour apporter leur soutien militaire. Ils sont composés de 80 à 120 hommes venus appuyer leurs “frères d’armes” à lutter contre le terrorisme massif dans le pays. Néanmoins, cette situation n’a pas manqué de créer de la polémique au sein même de l’armée. A en croire certaines sources, il existe des mouvements au sein des casernes pour s’insurger contre les ordres du chef de la junte. Quelques jours plus-tard, les forces armées ont neutralisé plus de 150 terroristes entre le 25 et le 26 juin avec l’opération Yamba en réponse aux assaillants qui semaient la terreur dans cette zone.

Cette recrudescence des attaques terroristes vient rejoindre une série d’incidents sécuritaires graves. En effet, des échanges de tirs ont été entendus à l’intérieur du palais le 17 mai passé et le 12 juin, un tir de roquette a occasionné deux blessés et une exfiltration du colonel Traoré et ceci sans qu’il ne se prononce. Avec ce climat d’insécurité grandissante, le silence assourdissant du colonel Traoré a fait couler beaucoup d’encre à Ouagadougou.

Par ailleurs, le président Ibrahim Traoré a reçu, dans le cadre d'une visite d'amitié, son homologue malien qui en a profité pour aborder la question du terrorisme au Sahel et a dénoncé dans la foulée ce qu’il appelle les « partenaires de façade » et saluer les partenaires qu’il a qualifiés de « sincères ». En effet, cette rencontre historique et symbolique entre les deux leaders de l’AES est la première au pays des hommes intègres depuis 2021. Ces 2 pôles du souverainisme s’éloignent de plus en plus de la France, leur partenaire historique au profit de la Russie.

De plus, la durée de la transition a été prorogée de 60 mois depuis mai passé, suite aux assises nationales en présence des forces vives de la Nation, lesquelles ont abouti à l’instauration d’une nouvelle charte. Ce qui permet au Capitaine Traoré de rester encore au pouvoir. Cependant, des enlèvements répétitifs sont constatés depuis quelques temps, avec comme cibles des acteurs de la société civile, des membres de l’opposition ou certains militaires. A titre illustratif, l’enlèvement du journaliste d’investigation Serge Oulon à son domicile avec son ordinateur et téléphone, le 24 juin passé a suscité beaucoup d’inquiétudes. D’ailleurs, le Conseil supérieur de la communication a procédé à la suspension de son journal pour une durée d’un mois. 

Dans la même dynamique de réduction de l’espace médiatique et civique, la chaîne d’informations TV5Monde a été suspendue pour une durée de 6 mois sur l’ensemble du territoire. Le Conseil supérieur de la communication dit avoir : “(...) relevé des insinuations malveillantes, des propos tendancieux frisant la désinformation et des affirmations de nature à minimiser les efforts consentis par les autorités de la transition, des forces de défense et de sécurité et des populations dans l’élan de reconquête du territoire national”. Est-ce une tentative de musellement de la presse surtout celle qui essaie de mettre en lumière les manquements de la junte sur certains aspects d'intérêt national.  Pour répondre aux “détracteurs de de la Transition” le premier ministre a tenu des propos menaçants : “Aucune force ne nous arrêtera”. En parallèle, en réponse au sit-in pacifique de la Coordination Nationale des Associations de la Veille Citoyenne du Burkina Faso le 25 juin dernier, le ministre des Affaires étrangères du Sénégal a tenu à apporter quelques précisions : “Contrairement à des rumeurs qui circulent, ni le personnel diplomatique, ni les locaux de l'Ambassade n'ont fait l'objet d'une quelconque menace de même que les citoyens sénégalais résidant au Burkina Faso, qui continuent de vaquer à leurs occupations”. Pour rappel, ces manifestants “pro junte” soupçonnaient une certaine ingérence de Dakar dans les affaires intérieures alors qu’il s’agissait d’initiatives d’ONGs et d’initiatives sans rapport avec l’État sénégalais.