Guinée - Tumultes de Juin 2024 : Réduction de l’espace civique et retour incertain à un ordre constitutionnel Spécial

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Source : Météo Sahel juin 2024

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Le début du mois de Juin a été marqué en Guinée par la visite, le 4 juin, du chef de la diplomatie russe , Sergueï Lavrov dans le cadre de sa tournée africaine. Il s’est entretenu avec le président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbia ainsi que son homologue, Ministre des Affaires étrangères. Cette visite “expresse” consolide la pérennité des bonnes relations entretenues par les deux pays.

Le Colonel  Sadiba Koulibaly , ancien chef d’état-major général des armées et ex numéro 2 de la junte au pouvoir, décède en détention le 22 Juin des suites d’un arrêt cardiaque imputable à un traumatisme psychologique selon les résultats de l’autopsie ordonnée par la justice militaire. Ce décès suscite moult interrogations, notamment chez l’un des avocats du défunt, en l’occurence Me Lancinet Diabaté, dénonçant des zones d’ombres autour de sa mort soudaine.

Pour rappel, le Général Koulibaly a été condamné le 14 Juin à 5 ans de prison ferme par le tribunal militaire de Conakry pour : “désertion de poste et détention illégale d’armes ”. Subséquemment, le numéro 2 du CNRD a été rétrogradé au grade de colonel puis radié de l’armée guinéenne pour “atteinte à la sûreté de l'État, inconduite et désertion”. Quelques jours plus tard, l’arrestation d’un journaliste français du groupe France Médias Monde met en lumière les défis persistants auxquels les journalistes font face dans l’exercice de leur métier en toute liberté . Il s’agit de Simon Désiré Aimé Martin, journaliste à France 24. Il a été arrêté avec un haut cadre de l’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB), le dimanche 30 Juin. Il détient une autorisation délivrée par la Haute Autorité de la Communication (HAC), le 28 Juin dans le cadre de son reportage sur le tristement célèbre camp Boiro, surnommé l'Auschwitz des guinéens. Les deux interpellés ont par la suite été libérés après consultation de l’autorisation de reportage conforme.

Cette arrestation est venue s’adjoindre au concert de restrictions à l’encontre de la presse et des médias institués par la junte régente. En illustration, Un journaliste français, Thomas Dietrich a été arrêté en janvier 2024, et en mai dernier, quatre radios et une télévision privée ont été interdites pour “non-respect du contenu du cahier des charges”.

Enfin, face à ces développements, l’opposition Guinéenne hausse le ton et dénonce le non-respect du calendrier de la transition par le gouvernement qui avait annoncé son désir de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2025. Plusieurs partis de l’opposition dont l’ANAD ont menacé d’organiser de vives manifestations pour le retour effectif à l’ordre constitutionnel. D’autres partis sont nonobstant d’un avis contraire. C’est le cas du Parti de l’espoir pour le Développement National (PEDN) qui, par la voix de son leader Lansana Kouyaté, annonce que : “Nous restons dans un état d’incertitude mais nous n’employerons jamais la force pour dire que si c’est pas fait le 31 décembre 2024, on va descendre dans la rue”.

En outre, l'ancien Premier ministre guinéen, non moins l’une des figures de proue de l’opposition guinéenne, actuellement poursuivi dans le cadre du dossier Air Guinée, estime que la politique africaine a des réalités qui lui sont propres. L’exil ou la prison sont des risques auxquels tout aspirant à la politique doit songer un moment ou un autre. Sa pensée reflète son parcours marqué par des défis politiques majeurs. « Le peuple tout entier se sent trahi face à cette décision assumée de vouloir se maintenir au pouvoir. Tout le monde sait que ce sont des poursuites fantaisistes. Cette opération de privatisation a eu lieu en 2002 et ceux qui y ont travaillé sont couverts par la prescription. Ces derniers ont reconnu que je n’avais joué aucun rôle, mais cela n’intéresse pas la junte, car la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) a été instrumentalisée pour me poursuivre. Face à cette volonté de neutraliser les acteurs politiques, j’ai pris mon temps, mais soyez certains que je vais rentrer. L’exil ou la prison, cela fait partie des risques lorsque l’on décide de faire de la politique en Afrique », a laissé entendre Cellou Dalein Diallo.