Lutte contre le terrorisme : redynamiser la coopération Sud-Sud

Coopération Sécuritaire : « Écouter les voix du Sud ne nuit pas à l’esprit de solidarité internationale » (Bakary Sambe)

 

Le terrorisme est un phénomène global qui menace le monde entier. Mais les expériences de certains pays du Sud, qui ont été testées, validées, adaptées et/ou étendues dans des contextes comparables, sont d'une grande valeur d'exemple pour d'autres pays en développement si on leur offre le cadre d'un partage mutuellement bénéfique. Les pays du Sud ont été gravement touchés par rapport à ceux du Nord. Pendant que l’Europe s’immunise contre Daech, il y a, aujourd’hui, une urgence en Afrique subsaharienne avec une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que la seule région du Sahel concentre aujourd’hui 43% des victimes du terrorisme au Sud du Sahara. Sur cette base, une action collective coordonnée est nécessaire entre ces pays du Sud pour prévenir et combattre le terrorisme et surtout les conditions propices à sa propagation. D’où l’urgence d’impulser une nouvelle dynamique à la coopération Sud-Sud qui sera bénéfique pour tous et permettre même aux pays du Nord de s’adosser sur des leviers efficaces et éviter les malentendus actuels sur les orientations stratégiques de la coopération sécuritaire. Bakary Sambe revient sur cette problématique dans le cadre de la chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV

 

Dr. Bakary Sambe, à la veille du 8e forum international sur paix et la sécurité en Afrique qui s'est tenue cette semaine à Dakar, vous lanciez un appel aux acteurs et parties prenantes sur le continent pour une redynamisation de la coopération Sud-Sud dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Pourquoi insistez-vous sur cette forme de coopération dans le contexte actuel ?

 

Il est vrai que les pays du Sud ont été gravement touchés par rapport à ceux du Nord. Pendant que l’Europe s’immunise contre Daech, il y a, aujourd’hui, une urgence en Afrique subsaharienne avec une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que la seule région du Sahel concentre aujourd’hui 43% des victimes du terrorisme au Sud du Sahara. Sur cette base, une action collective coordonnée est nécessaire entre ces pays du Sud pour prévenir et combattre le terrorisme et surtout les conditions propices à sa propagation.. C'est pourquoi, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, les différents pays doivent identifier leurs forces et leurs faiblesses, afin de recenser et d'identifier les bonnes pratiques pertinentes aussi bien en matière de Contre-Terrorisme que de prévention de l’extrémisme violent. Cela permettra de tirer des leçons et des expériences des centres d'excellence tels que le CAERT en Algérie qui ont développé des pratiques pertinentes mais aussi l’Égypte et d’autres pays de la région comme le Maroc. Outre l'assistance technique à mutualiser et les interlocuteurs prioritaires à identifier afin de densifier la coopération Sud-Sud, il faut développer une culture du partage d'expériences auprès des acteurs du Sud qui sont le plus souvent orientés vers la coopération avec le Nord dont les solutions peuvent être décalées des réalités locales et victimes de perceptions de moins en moins favorables au Sahel. D’ailleurs, c’est ce que les Etats-Unis ont compris au Sahel avec la dernière International Exécutive Program (IEP) privilégiant la formation des forces de sécurités locales qu’ils mettent en avant évitant les interventions directes avec tout le risque-image qu’encourent aujourd’hui les armées occidentales aux yeux des populations locales.

 

Mais, en même temps, vous vous félicitez du fait que le Forum de Dakar, cette année et pour la première fois, a consacré un atelier aux solutions et approches communautaires. Est-ce , alors, pour vous, le signe du besoin pressant de cadres  de partage d'expériences à travers le continent ?

 

Il y a, aujourd’hui, un besoin pressant de cadres d’échanges d’expériences. La coopération Sud-Sud peut représenter une opportunité importante pour chaque pays, y compris les moins développés qui ont des savoirs et savoir-faire à partager ou à enseigner, quelle que soit sa situation et sa position...  Consistant en un échange d'expériences entre acteurs (gouvernements, organisations et individus), les pays en développement peuvent trouver un énorme avantage à se soutenir mutuellement en termes de connaissances pratiques, d'assistance technique et/ou d'investissement, ainsi que de maintien de la paix, par le biais de mécanismes et d'initiatives visant à combattre le terrorisme et à prévenir l'extrémisme violent, revitaliser et opérationnaliser les mécanismes endogènes  Il est urgent et nécessaire de faire émerger davantage de pays leaders capables de générer une dynamique régionale afin de donner une impulsion à une dimension Sud-Sud plus affirmée malgré les nombreux défis, notamment le manque drastique de ressources financières qu’il faudrait tôt ou tard mobiliser en comptant sur des ressorts locaux.

 

A la suite du Président Macky Sall lors de son allocution axé sur le changement de paradigme nécessaire au sein de la communauté internationale vous appelez, je vous cite " à une meilleure écoute des voix du Sud pour des solutions durables face à l'insécurité sur le continent et dans le monde". Qu'est-ce qui motive une telle insistance ?

 

Vous savez, mieux écouter les voix du Sud ne nuit pas à l’esprit de solidarité internationale. C’est ce que j’ai appris du dialogue avec ma collègue Katja Ahlfors, directrice du Peace Mediation Centre de Finlande lors du panel consacré aux solutions communautaires. Mais aujourd’hui, cette coopération reste un domaine sous-exploré qui peut apporter des avantages en termes de stabilité en mettant en commun les ressources et l'expertise dans une variété de domaines où les pays peuvent avoir une valeur ajoutée particulière. Cela nécessite un suivi efficace, qui est crucial mais dépend encore largement de l'engagement et de la mutualisation des ressources nécessaires. Cette contrainte peut être transformée en opportunité de réorienter la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Il faudrait pour cela que les partenaires du Nord optent de plus en plus pour des cadres multilatéraux et régionaux afin que les ressources mobilisées puissent en même temps impulser une dynamique Sud-Sud et leur permettre d’agir efficacement sur les meilleurs leviers. C’est cela qui va faire émerger des pivots parmi les pays du Sud avec la prise de conscience que la lutte contre le terrorisme est une priorité mondiale. Au Sud comme au Nord, nous sommes devenus, une communauté internationale ressoudée par notre vulnérabilité en partage et plus que jamais liés par des impératifs de sécurité collective.

 

Source : Medi1TV – Timbuktu Institute

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Dernière modification le jeudi, 27 octobre 2022 09:37
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