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Par Hervé Briand
Analyste Sahel, Associé au Timbuktu Institute
La France dispose de l'une des meilleures armées du monde. Et il convient en premier lieu de rendre hommage aux 53 militaires français morts au Sahel dans la lutte antiterroriste et qui ont obtenu des résultats remarquables.
Mais force est de constater que si l'opération militaire française "Serval", réclamée par les autorités maliennes en janvier 2013, a été perçue comme une "armée salvatrice", l'opération militaire française "Barkhane" qui a succédé semble avoir trop duré, et ce, sous sa forme actuelle... En effet, au fil du temps, "Barkhane" semble, malheureusement, été perçue par une partie non négligeable de la population malienne comme une "armée d'occupation".
L'erreur serait ainsi de ne pas avoir transformé structurellement, dès 2018, "Barkhane" en une nouvelle 3ème opération militaire française, beaucoup plus discrète et axée exclusivement sur un "appui stratégique, technique/logistique et de renseignement militaire" au service des forces armées maliennes.
Le changement effectif du nom même de "Barkhane" concernant cette nouvelle phase de la coopération militaire française au Mali devenait alors également impérieux.
Le nouvel enjeu immédiat devient donc pour la France la "sécurisation" des convois militaires de rapatriement (matériels, soldats...) via le Mali, le Niger, la Côte d'Ivoire, voire le Burkina Faso ou le Bénin... Ces convois risquent en effet de représenter une cible, surtout médiatique, pour d'éventuels djihadistes, mais aussi des propagandistes "anti-français".
Le second enjeu est de contrer ou d'échapper aux propagandes "anti-françaises" factuelles ou virtuelles (réseaux sociaux) au Sahel en général...
Ainsi, la France doit revoir urgemment sa communication externe, non seulement vis à vis des autorités sahélo-sahariennes (Niger, Mali, Burkina Faso), mais plus généralement vis à vis de l'ensemble des populations locales ouest-africaines (Togo, golfe de Guinée, Sénégal...).
La forme (communication), encore plus que le fond, ne va pas : c'est de la perception par les populations sahélo-sahariennes des décisions françaises dont il faut aussi tenir compte !!
Déjà, il y a plus d'un an, le fait de "convoquer" cinq Chefs d'État du Sahel à Pau ou Montpellier a été très mal perçu par les populations africaines concernées :
En effet, "convoquer" dans une ville de province française (moins connue en Afrique) plutôt que de les "inviter" à Paris et/ou l'Élysée, leurs "tontons", comme disent respectueusement les initiés en évoquant leurs Présidents (ou tout autre "sachant" souvent plus âgé...), a été perçu, notamment par les jeunes acteurs africains, comme une arrogance, voire un mépris inexcusable de la part d'un jeune président français.
Cette situation de fait avait déjà engendré de nombreux commentaires défavorables et parfois même violents à l'encontre de la France et non propices à un partenariat "équitable", à une synergie d'actions, de confiance réciproque et de respect mutuel entre l'État français et les populations du Sahel...
Au Mali, la France semble surtout avoir été "battue" par les officines Russes de propagande.
Après la guerre classique, tactique, asymétrique, hybride, et les cyber-attaques, c'est aujourd'hui la "cyber-propagande" (via les réseaux sociaux...) qui semble devenir le fer de lance de cette nouvelle forme de guerre d'influence et de manipulation, notamment en Afrique...
Aussi, la communication des autorités françaises et nigériennes sur le "recentrage" de Barkhane au Niger sera primordiale au regard de la perception par la société civile et les populations locales de ce nouveau redéploiement militaire français au Sahel, et au Niger en particulier.
Il peut être à craindre malheureusement demain que "trop de convois, trop de présence de militaires occidentaux" finissent, là encore, par susciter au sein d'une partie de la population locale des sentiments "anti-occidentaux/impérialistes", par générer des troubles et "importer" des problèmes sécuritaires nouveaux, notamment au Niger...
En effet, les mêmes causes induisent les mêmes conséquences !
C'est donc contre ce sentiment "anti-occidental/français" (en dépit des propagandes russes ou autres.. ) qu'il conviendrait aussi de combattre dès aujourd'hui, notamment auprès des jeunes africains de la société civile.
C'est un phénomène malheureusement classique...
À moyen terme, après les sentiments de libération au Mali (pareillement en Afghanistan...), et de soutien au Niger, les armées occidentales prennent le risque d'être toujours appréhendées injustement au fil du temps comme des "armées d'occupation" : le peuple est enthousiaste quand elles arrivent (pour l'aider), mais il n'aime pas quand elles "s'installent" trop longtemps...
Il est très clair, qu'à l'heure des réseaux sociaux, très largement relayés au sein des populations sahélo-sahariennes et surtout parmi la jeunesse ouest-africaine, la communication des États en présence, et notamment la France, est primordiale !
Ainsi, la perception par les populations locales de l'image de la France, de ses actions et/ou de ses partenariats est cruciale, souvent ingrate (et parfois différente de la réalité...), mais doit absolument être prise en compte, notamment via les nouveaux réseaux de communication populaires, et ce, afin de ne pas répéter les erreurs du passé...
L'important n'est pas seulement ce que vos amis pensent de vous... Mais c'est surtout ce que vos ennemis disent sur vous !
Voir aussi :
Bakary Sambe, Perceptions locales des coopérations sécuritaires aux Sahel