Le Mali au-delà du front Nord : Contestations internes et menaces sur la sécurité régionale Spécial

Timbuktu Institute

Lettre de l’Observatoire - Octobre 2023

Le coup d’Etat du 18 Aout 2020 survenu dans le sillage d’un mouvement populaire conduit par le M5-RFP sous l’autorité morale de l’Imam Mahmoud Dicko contre l’ancien président malien Ibrahim Boubacar Keita a plongé le Mali dans une première transition militaire. Cette transition a été prolongée par une autre qui n’est pas près de se terminer si l’on s’en tient aux signaux envoyés par les autorités militaires actuelles. Ces autorités issues de cette transition se sont distinguées par une diplomatie offensive envers les organisations sous-régionales, régionales et internationales qui a beaucoup isolé le Mali du reste du monde. La diplomatie du régime du colonel Assimi Goita s’est caractérisée par de nombreuses tensions avec la communauté internationale mais, tout d’abord, avec la CEDEAO sur le calendrier de la transition. Les relations avec l’ancien partenaire français se sont, aussi, tendues au sujet du retrait des forces de l’opération Barkhane. Puis, avec l’Europe et les Etats-Unis, à la suite du partenariat Russo-malien, des rapports difficiles ont été entretenus, allant même jusqu’à l’exigence du retrait de la MINUSMA, une mission qui s’était fixée l’objectif - certes non atteint - de reconstruction et de rétablissement de la paix au Mali.

Cette note d’analyse tente d’étudier différents points dont, principalement, :  (1) la hantise des « menaces extérieures » de la part des autorités militaires en défiance permanente vis-à-vis des cadres régionaux et l’obsession de l’acquisition d’armements, (2) la reprise des hostilités au Nord et son rapport avec la prolongation de fait de la transition de même que les contestations sociopolitiques internes en gestation, (3) la reconquête de Kidal par les FAMAs et leurs alliés dans un contexte de création de l’Alliance des États du Sahel (AES) faisant peser de nombreux risques sur les équilibres régionaux et, enfin, (4) les signaux de résurgence d’un front touarègue au niveau régional à la suite d’une telle Alliance modifiant les rapports entre insurgés et l’État central.

« Sécuriser le Mali » ou « protéger le régime » ? La hantise des menaces « extérieures »

Les tensions diplomatiques avec les organisations régionales/internationales et les nouveaux partenariats avec la Russie, la Turquie et l’Iran viseraient, principalement, deux objectifs. Les autorités de la transition accélèrent l’acquisition d’armes de toutes sortes au profit de l’armée malienne et sortir le Mali de « l’emprise de la CEDEAO et ses partenaires occidentaux ». Certains analystes maliens y voient, aussi, un moyen de « prolonger encore la transition et de se maintenir longtemps au pouvoir » avec un discours aux relents galvaniseurs malgré les difficultés socioéconomiques.

Le soutien apporté aux putschistes du Niger, à travers la récente création de l’Alliance des États du Sahel (AES) et le report annoncé des élections présidentielles sont interprétés par différents acteurs maliens comme « une intention des autorités actuelles de rester au pouvoir encore plus longtemps » tout en donnant l’image d’un pays engagé sur les causes « panafricanistes » et pouvant servir de modèle régional de « résistance » face à la domination occidentale et l’emprise des cadres régionaux de coopération.

Le non-renouvellement du mandat de la MINUSMA et son retrait des localités sous contrôle des groupes armés, entamé au mois d’août 2023 devient le coup fatal donné à l’accord d’Alger, qui connaissait, déjà, d’énormes difficultés dans sa mise en œuvre depuis 8 ans. Le départ de la MINUSMA, qui était la seule force d’interposition en cas d’affrontements, garante du cessez-le-feu, des arrangements sécuritaires à travers la CTS (Commission Technique de Sécurité) et les EMOV (Equipes Mixtes d’Observation et de Vérification) et le CSA (Comité de Suivi de l’Accord) dont elle gère le secrétariat permanent, concrétise la fin de l’APR (Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali). En plus des désaccords déjà persistants entre le gouvernement et les groupes armés autour de l’armée reconstituée, du statut des présidents des régions, de la nouvelle Constitution, s’ajoute l’absence de compromis sur la rétrocession des bases de la MINUSMA dans les zones encore sous contrôle des groupes armés. Ce qui, selon l’interprétation des Groupes armés, conduit à une remise en cause du cessez-le-feu et à des affrontements très violents depuis le 12 août.

Reprises des hostilités au Nord : Déroulement, interférences et péripéties

L’adoption de la résolution 2690 (2023) par le Conseil de Sécurité consacrant le retrait ordonné de la MINUSMA sur demande du gouvernement malien de la transition survient dans un contexte de blocage total du processus de paix au Mali. Toutefois, le président de la transition, Colonel Assimi GOITA aurait, selon certaines sources, envoyé le chef des services de renseignements à Kidal, le colonel Modibo Koné, pour informer les mouvements signataires de sa volonté de reprendre les emprises de la MINUSMA au profit des FDS.

Des négociations avortées ? Le CSP (Cadre Stratégique Permanent pour la Paix, la Sécurité et le Développement) a pu accepter cette décision sous réserve d’un certain nombre de préalables notamment : la libération de ses combattants détenus par Wagner dans la région de Ménaka, la relance immédiate du processus de paix, le déblocage des indemnités des membres des commissions et l’occupation des emprises par les Bataillons des forces armées reconstituées (BATFAR). Après la libération des prisonniers, le gouvernement, qui se considérait, alors, en position de force, décida de déployer ses hommes pour récupérer les emprises laissées par la MINUSMA, avec les mercenaires de Wagner en première ligne.

Le 03 Aout 2023, le convoi FAMA-Wagner, en route pour la reprise de l’emprise de Ber mène une attaque nocturne sur un poste de sécurité de la base militaire de la CMA à Foyta, située non loin de la frontière mauritanienne. Cette attaque s’est soldée par la destruction du poste, deux morts côté CMA dont un combattant qui serait même décapité à la machette et deux véhicules emportés.

Ainsi, dans son communiqué du 07 août, la CMA accuse la junte militaire malienne et interpelle la médiation algérienne et la communauté internationale sur les risques d’une reprise des hostilités et la compromission à jamais de l’Accord d’Alger. Elle a également déclaré que l’attaque était une « violation délibérée du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et des arrangements sécuritaires ».  En réalité, la prise de la ville de Ber, le 13 août dernier, après d’intenses combats de plusieurs jours entre la CMA et les FAMa-Wagner consacre la reprise des hostilités. Le CSP-PSD (Cadre Stratégique Permanent pour la Paix, la Sécurité et le Développement), composé de la CMA et une partie de la Plateforme, informa, alors, l’opinion nationale et internationale qu’il agira désormais « dans le cadre de la légitime défense ».

Depuis le 07 septembre 2023, le Mali fait, ainsi, face à des attaques complexes dont celles de Bourem, Bamba, Léré, Dioura et Taoussa qui ont été revendiqué par le CSP-PSD. Ces attaques étaient caractérisées par des victoires du CSP-PSD contre les forces de défense et de sécurité maliennes, des morts, des blessés et des prisonniers dans les camps des FAMAs ainsi que d’innombrables pertes matérielles (armements et infrastructures militaires).

Ces multiples attaques consacrent, irréversiblement, la rupture du cessez-le feu et remettent en cause l’avenir du processus de paix au Mali et, peut-être, la stabilité dans la sous-région. Cette situation intervient dans une période de turbulences politiques au Sud du Mali avec un vrai front social en gestation face à la décision des autorités de prolonger une fois de plus la transition militaire.

Prolongation de la transition et contestations socio-politiques en gestation

Depuis quelques mois, il y avait une perception partagée selon laquelle les autorités actuelles préparaient les esprits et l’opinion régionale et internationale à une prolongation certaine de la transition. Celle-ci pourrait être vue par les Maliens comme le report de trop. Le 25 septembre, le ministre de l’Administration territoriale annonce un léger report des élections prévues en février 2024. Les raisons évoquées par le gouvernement sont : la prise en compte de nouvelles dispositions constitutionnelles dans la loi électorale, la prise en otage des données numériques des Maliens par la société IDEMIA et la prise en compte par l’AIGE (Autorité Indépendante pour la Gestion des Elections) des résultats de la révision annuelle des listes électorales (1er octobre au 31 Décembre 2023). Cependant, ces raisons avancées par les autorités sont automatiquement rejetées par la classe politique qui sort désormais de sa réserve.

Les langues politiques se délient progressivement. La CMAS (Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko) avait, d’ailleurs, appelé à une grande manifestions le 13 octobre pour exiger une transition civile. Cette manifestation avait été finalement interdite par les autorités suite à l’annonce d’une contre-manifestation du CDM (Collectif pour la Défense des Militaires) pour soutenir la transition militaire. Certains renseignent que pour éviter une confrontation entre la CMAS et le CDM, Chérif Madani Haidara président du HCIM (Haut Conseil Islamique du Mali) aurait rencontré l’IMAM Mahmoud Dicko pour lui demander de dissuader la CMAS de tenir la manifestation du 13 octobre « au nom de l’intérêt général » et que la CMAS aurait répondu favorablement à la demande de son parrain.

De son côté, le parti YELEMA (changement en bambara) met les autorités en garde contre les risques qu’ils font peser sur le pays dans leur « approche solitaire », non consensuelle, non inclusive pour des « objectifs inavoués ». Au sujet du report des élections, les langues se délient, peu à peu, à Bamako. La société IDEMIA quant à elle, assure pour sa part qu'il n'existe "pas de litige en cours" avec les autorités maliennes et qu'il n'y a "plus de cadre contractuel en vigueur" entre le groupe et le ministère malien de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, "en raison du non-paiement des factures".

D’autres voix rejettent les arguments du gouvernement et affirment que ce report des élections n’est qu’une preuve de plus de « l’intention des autorités actuelles de prolonger encore la transition ». En effet, cette annonce du report tombe comme un coup de tonnerre dans les oreilles des hommes politiques, apparemment, réduits au silence depuis l’avènement du coup d’Etat du 18 Aout 2020. Ils estiment déjà que cette transition n’a que trop duré et considèrent pour la plupart inacceptable un énième report qui consacrerait l’installation d’une « dictature militaire ».

D’autres affirment, déjà, que le régime militaire actuel s’inspirerait politiquement du Général Moussa Traoré dont la mémoire a été, récemment, honorée par les autorités de la transition. En effet, le nom de celui qui fut contesté en tant que « dictateur » a été, donné à la 45ème promotion de l’École militaire Interarmes (EMIA) le vendredi, 1er septembre 2023, sur la place d’armes du Centre d’instruction Boubacar Sada Sy de Koulikoro. Ainsi, contrairement à l’attitude de la classe politique de ces derniers mois, les déclarations de rejet du report des élections pleuvent sur la presse et les réseaux sociaux. Plusieurs partis politiques maliens rejettent, désormais publiquement et catégoriquement ce report, dont le RPM, le Sadi, la CODEM, YELEMA etc….

D’ailleurs, bien avant cette déclaration du gouvernement annonçant un autre report des élections, la 2ème phase de la transition fut marquée par des restrictions des libertés individuelles et collectives, le musèlement de la presse, des intimidations des arrestations arbitraires, dont les dernière en date furent celle l’emprisonnement de « Ben le cerveau », membre du CNT et pourtant principal allié activiste de la junte pour faire partir la France et la MINUSMA, et la radiation de 2 magistrats par décret présidentiel. De plus, les dernières attaques perpétrées par le CSP-PSD et le JNIM contre le bateau Tombouctou et les camps de Gao, Bourem, Bamba, Léré, Dioura, Taoussa et l’embargo économique imposé par le JNIM sur la région de Tombouctou et partiellement sur les régions de Gao et Ménaka révoltent une bonne partie de la population contre une gouvernance décriée de la junte militaire et son « incompétence pour garantir la sécurité dans le pays ».

En revanche, les militaires étant conscients des protestations en gestation, passent à la vitesse supérieure pour tenter le coup de la dernière chance en lançant une offensive sur la région de Kidal. En effet, si cette opération réussissait, elle suffirait à la junte pour regagner la confiance de la population du Sud, et mettrait en minorité ceux qui s’opposeraient à la prolongation de la transition déjà annoncée. 

Reconquête de Kidal par les FAMa et leurs alliés : l’opération de tous les risques

Le gouvernement de la transition lance, le 2 octobre 2023 une opération de reprise des emprises de la MINUSMA situées dans la région de Kidal. Elle est menée avec un convoi composé de près de 200 véhicules majoritairement blindés, des avions et des drones armés et de surveillance. Les effectifs sont de plusieurs centaines de militaires maliens et mercenaires Wagner. L’opération s’annonçait difficile et périlleuse en cas d’échec qui serait ravageur pour l’image de la junte.

Les affrontements ont duré 6 jours entre les localités de Tarkint, Tabrichat et Anefis. Des sources locales parlent, déjà, de dégâts humains et matériels assez importants. Chaque partie donne des bilans en sa faveur mais la lenteur de l’avancée des FAMa illustre la capacité de résistance de groupes armés en face. Cette bataille symbolique décisive pour le contrôle de Kidal risque de plonger le Mali dans une guerre insurrectionnelle complexe.

Certains pensent déjà au scenario afghan. Les alliances entre les groupes séparatistes et jihadistes sont déjà plus ou moins perceptibles. De plus, cette guerre pourrait, définitivement, avoir raison de l’accord pour la paix et de la stabilité au Sahel de manière plus générale.

Au terme de plusieurs jours d’intenses combats, les forces armées maliennes ont pu investir la localité d’Anefis encerclée par les forces du CSP-PSD. Du côté de Kidal, le camp des FAMa occupé par le BATFAR de Kidal jusqu’ici épargné, a été investi le 10 octobre par les combattants du CSP-PSD qui auraient désarmé plus d’une centaine des FAMa et les auraient remis à la MINUSMA pour les acheminer à Bamako. Le 13 octobre, 2 avions transportant des mercenaires du groupe Wagner, des FAMa et du matériel seraient atterris à Tessalit en prélude de la rétrocession de cette emprise de la MINUSMA prévue à partir du 15 octobre.

Il est, pour l’heure, difficile de prédire l’issue des combats qui seront probablement très violents dans les jours à venir. Ce qui accélérera le discrédit de la transition si elle perdait face aux groupes armés. Il est certain qu’en cas de succès, les autorités actuelles gagneraient en popularité dans le cas où Kidal serait totalement reconquise.

En effet, avec la prolongation actuelle, l’avenir de la junte militaire malienne est plus que jamais incertain comme le montrent les signaux d’une plus grande contestation au sein de la classe politique et de la société civile sortant, progressivement, de sa timidité. S’il devait y avoir une seule certitude, ce serait la volonté des militaires de conserver le pouvoir en prolongeant la transition pour la énième fois. Cependant, deux événements majeurs pourraient entraver ce projet de prolongation de la transition : l’échec de la reconquête de Kidal ou une protestation plus vive au sud contre le report des élections. Dans les deux cas ou si ces évènements se concrétisaient simultanément ou successivement, le Mali risquerait à nouveau de sombrer dans une plus profonde crise tout en impactant les pays voisins notamment, le Niger et le Burkina déjà engagés à ses côtés dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel.

L’Alliance des États du Sahel (AES) et son incidence sur la stabilité régionale

L’instabilité au Mali se propage dans la région du Sahel tant sur le plan politique que sécuritaire. Tout porte à croire qu’un phénomène de contagion existe entre le Mali, le Burkina et le Niger. De l’expansion des groupes armés terroristes établis au Mali (JNIM, EIS) à la duplication des coups d’états dans ces pays, tous les phénomènes qui surviennent au Mali se répercutent dans ces pays voisins. Le coup d’Etat au Niger, le positionnement des juntes malienne et burkinabé aux côtés du Niger contre la CEDEAO et la création de la nouvelle alliance donnent désormais un nouveau coup d’accélérateur à cette régionalisation du conflit et des menaces sécuritaires.

Une des clauses de la charte de Liptako-Gourma signée par les trois pays (Mali-Niger-Burkina Faso) le 16 septembre et ratifié par le CNT du Mali le 09 octobre a fait couler beaucoup d’encre et interroge sur les menaces qu’un tel cadre fait peser sur les mécanismes sous-régionaux et régionaux de sécurité collective.

Il est sûr que l’annonce de cette Charte, si elle était suivie d’effet, aura d’énormes conséquences parmi lesquelles, l’affaiblissement de la CEDEAO et la disparition tacite en vue du G5 Sahel, qui étaient des acteurs-clés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l’Ouest de manière générale. On semble s’acheminer, inéluctablement, vers la fragmentation des efforts régionaux de lutte contre le terrorisme.

Vers la résurgence d’un front touarègue au niveau régional ?

Certains groupes et organisations Touaregs du Mali et du Niger voient déjà dans cette Charte du Liptako-Gourma, une « conspiration » des trois juntes militaires contre la communauté Touarègue de ces pays. Rhissa Boula, ancien ministre de Mohamed Bazoum et fondateur du Conseil de la Résistance pour la République (CRR) a publiquement dénoncé l’AES et apporté son soutien au CSP-PSD.

De même, le collectif des ex-combattants de la rébellion touarègue du Niger, qui, pourtant, avaient, pendant un certain temps, apporté leur soutien aux putschistes nigériens, s’insurgent, à leur tour, contre l’AES et ont organisé une grande manifestation à Agadez pour se démarquer de ce qu’ils qualifient d’ingérence dans les affaires internes d’un pays en ce qui concerne le soutien du Niger au Mali dans sa guerre contre le CSP-PSD auquel ils apportent leur soutien. En plus de la généralisation du conflit au niveau régional, son ethnicisation devient une menace réelle à la stabilité de la région.

PRINCIPALES CONCLUSIONS  

  1. Sur le départ de la MINUSMA et gestion de l’insurrection armée au nord du Mali
  • Le retrait de la MINUSMA a eu un impact significatif sur la situation sécuritaire, marquant la fin de l'APR (Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali) et affaiblissant les mécanismes de maintien de la paix dans les zones sous contrôle des groupes armés.
  • L'absence de la MINUSMA comme force d'interposition a conduit à une recrudescence des hostilités, à des affrontements violents entre les forces gouvernementales et les groupes armés, remettant en question le cessez-le-feu et l’option diplomatique et la négociation comme mode privilégié de résolution du conflit au nord Mali.
  1. Sur le mode de décision des mesures sécuritaires et leur incidence politique
  • Les décisions de la transition militaire, notamment le choix de nouveaux partenaires tels que la Russie, montrent une volonté de s'éloigner de l'influence occidentale, mais cela a également conduit à des tensions avec la CEDEAO et la communauté internationale. Le recours aux mercenaires de Wagner, qui tirent leurs revenus de la guerre, est un facteur influent de la prise de décision de la junte de privilégier l’option armée au détriment de la négociation pour résoudre le conflit au nord du Mali.

  • Alors que l'objectif déclaré de l’offensive militaire est la restauration de la souveraineté nationale et la sécurité, il devient évident que la junte militaire poursuit également des objectifs politiques, notamment la légitimation de la prolongation de la transition et le maintien du contrôle du pouvoir politique.

  • Cette approche, semblable à celle de la junte au Burkina Faso, qui a repoussé indéfiniment les élections présidentielles jusqu’à ce la « sécurité soit rétablie sue l’ensemble du territoire », pose des défis majeurs en termes d'opportunité et d'efficacité.

  • La concentration sur des objectifs politiques au détriment des impératifs de sécurité et de stabilité risque de compromettre la résolution du conflit armé et de créer des tensions supplémentaires.

  • La décision de politiser les mesures sécuritaires souligne une priorité accordée à la consolidation du pouvoir plutôt qu'à la résolution des crises et à la promotion de la stabilité. Cela pourrait entraîner une polarisation accrue au sein de la population malienne et aggraver les divisions politiques, sapant ainsi les fondements d'une transition vers un gouvernement civil.
  1. Sur la signature de la Charte du Lipatako-Gourma et risques de régionalisation d’un front Touareg
  • La Charte du Liptako-Gourma, signée par le Mali, le Niger, et le Burkina Faso, soulève des préoccupations quant à son impact sur les mécanismes régionaux de sécurité, en particulier l'affaiblissement de la CEDEAO et la possible disparition du G5 Sahel.

  • La clause de la Charte liée à la lutte contre les insurrections armées dans les trois pays, avec une dimension touarègue importante, peut entraîner une ethnicisation du conflit, créant des risques de division voire de tensions entre les gouvernements et les minorités touarègues.
  1. Une contre-alliance touarègue au niveau régional ? 
  • Les réactions de certains Touaregs du Mali et du Niger contre l'Alliance des États du Sahel (AES) suggèrent une méfiance envers cette alliance, la considérant comme une menace pour la communauté touarègue.
    • La possibilité d'une nouvelle dynamique de conflit dans la région, impliquant une contre-alliance touarègue au-delà des frontières nationales, pourrait aggraver les tensions ethniques et la stabilité régionale.

 

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