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Le Directeur régional de Timbuktu Institute, Dr Bakary Sambe, interrogé sur le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO, a indiqué que les signes avant-coureurs étaient bien là depuis la création par ces pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Sahel). Pour lui, si ces Etats persévèrent dans cette dynamique, il y a de quoi s’inquiéter, même si, avec la diplomatie, il est toujours possible de faire revenir ses membres fondateurs.
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé hier leur retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). « Les signes avant-coureurs étaient bien là, comme nous l’avions analysé dans une récente Lettre de l’Observatoire du Timbuktu Institute, dès septembre 2023, voyant très tôt dans la mise en place de l’Alliance des Etats du Sahel une menace progressive contre le mécanisme régional de sécurité collective » a d’emblée répondu Dr Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute. Pour lui, les pays en question partageaient tout d’abord la préoccupation de se protéger contre la CEDEAO, mais aussi de ne plus être liés par les cadres juridiques la régissant.
« Le raffermissement des liens entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, en même temps qu’ils greffaient à la coopération sécuritaire, d’autre accords étaient un signe évident qu’une sortie se dessinait malgré tous les efforts des Chefs d’Etats de la région pour les maintenir dans le giron communautaire », explique le spécialiste des questions régionales et du Sahel. Beaucoup lient la sortie de ces pays à la gestion des coups d’Etats par la CEDEAO. Bakary Sambe estime, sur ce point, qu’il est vrai que la CEDEAO a tenté de gérer les crises institutionnelles dans l’urgence en activant le levier classique des sanctions alors que le contexte géopolitique international offrait aux pays concernés des échappatoires, mais aussi des choix, notamment avec l’offre russe qui change totalement la donne.
La CEDEAO, le repoussoir des putschistes ?
« De même, l’organisation sous-régionale avait déjà longtemps pâti de la gestion désastreuse des problèmes sécuritaires dont on l’avait dépossédée au profit du G5 Sahel qui était la préférence des partenaires. La CEDEAO était devenue le repoussoir des régimes nouvellement arrivés au pouvoir et qui surfaient sur la fibre populiste pour s’y maintenir », rappelle le Dr Sambe.
Pour les perspectives, le spécialiste pense qu’on va vers des lendemains incertains. « Si les Etats en question se renferment dans cette alliance, il faudra prévoir plusieurs situations les unes aussi inquiétantes que les autres », soutient-il. Il pense, entre autres, à une fragmentation des efforts régionaux de lutte contre le terrorisme. Cette décision pourra avoir aussi un impact négatif sur les efforts de l’Union africaine avec l’affaiblissement du rôle de cette organisation dans la mesure où cette nouvelle initiative compliquera ses tentatives de coordination de ses efforts en matière de sécurité à l'échelle continentale. Les trois pays ont accusé aussi la CEDEAO d’être instrumentalisée par les grandes puissances. M. Sambe ne partage pas cet avis. « Si cela était vrai, certaines n’auraient pas besoin d’appuyer d’autres organisations au détriment de la CEDEAO ou de dupliquer des cadres et des mécanismes. La CEDEAO a certes ses tares et ses insuffisances, mais c’est un cadre de débats parfois houleux et un mécanisme régulateur qu’il faudrait consolider et améliorer et non détruire. Ce n’est ni dans celui des partenaires internationaux qui ne sortiraient pas indemnes d’un éventuel chaos », tempère Bakary Sambe qui reconnaît que la sous-région subit de plein fouet les chocs de la géopolitique internationale.
Cependant, il a espoir que ces pays pourraient revenir à de meilleurs sentiments, car il y a une procédure pour un retrait définitif. « Le retrait n’est annoncé que par un communiqué qui n’a pas de valeur juridique. Il faudrait des démarches par État et il y a tout un processus qui prendra du temps. Un retrait définitif du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres fondateurs et symboliques de la CEDEAO, ne sera dans l’intérêt de personne », dit-il. Et de poursuivre : « Il est temps d’activer tous les leviers pour éviter une telle situation. L’effet immédiat n’est justement qu’un effet d’annonce. La diplomatie doit poursuivre son œuvre dans le peu d’espace qui lui reste », espère-t-il.
O.KANDE – Source : Le Soleil