Côte d’Ivoire : L’expectative politique et les tensions diplomatiques Spécial

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 Source : Météo Sahel Décembre 2024

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L’année 2024 a été marquée par un espace politique mouvementé avec des conflits électoraux de tous bords. Prévue en octobre 2025, la présidentielle est présentée comme une élection aux multiples inconnues. En effet, on ne sait pas encore si l’actuel président va briguer ou non un autre mandat, encore moins ceux qui seront candidats au sein de l’opposition. Ainsi, le spectre d’une incertitude plane sur ces joutes électorales qui s’annoncent mouvementées. 

Et comme chaque année, le dernier jour a été l’occasion pour les leaders politiques de transmettre leurs messages au peuple ivoirien. La sortie de Guillaume Soro a fait couler beaucoup d’encre. Lors de sa réunion en ligne le 31 décembre avec ses militants et sympathisants, l’ancien président de l'Assemblée nationale a annoncé sa candidature aux prochaines élections. Depuis le Mali où il est “exilé”, il a profité de l'audience pour remercier les présidents de l’AES qui “lui ont permis de revenir en Afrique”. Rappelons que l’ancien dirigeant rebelle a été absent depuis 6 ans des suites de sa condamnation à 20 années pour tentative de coup d’Etat.

De l’autre côté, lors de son adresse à la nation au soir du 31 décembre, Alassane Ouattara a annoncé la rétrocession de la base de l’armée française à Abidjan. D’après le président de la Côte d’Ivoire, “...nous avons décidé d'une retraite concertée et organisée des forces françaises en Côte d'Ivoire…le camp du 43e Bima, le Bataillon d'infanterie de marine de Port-Bouët, sera rétrocédé aux forces armées de Côte d'Ivoire dès ce mois de janvier 2025”. Il a décidé de donner le nom du camp au Général Ouattara Thomas d'Aquin pour ainsi honorer le parcours historique de cet ancien soldat, premier chef d’Etat major général de l’armée ivoirienne.

Cet acte intervient au moment où la coopération sécuritaire avec des pays comme la France est en train de connaître des soubresauts à l’image des pays de l’AES et même d’autres Etats francophones à l’instar du Sénégal. Une étude du Timbuktu Institute sur les perceptions des populations locales à propos de la coopération sécuritaire fait état de 74% des personnes interrogées qui ont des reproches à partenaire extérieur, notamment la France (Rapport paru janvier 2025). Notons que depuis un certain temps, les rapports entre les Etats et les anciennes colonies à l’instar de la France connaissent des mutations profondes. Si dans certains pays le retrait des armées étrangères a déjà été effectué, c’est la finalisation qui est en vigueur dans d’autres.

Le front politique en ébullition

Pendant ce temps, le leader du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) s’est aussi prononcé à cette occasion solennelle du réveillon. Profitant de la tribune, il a décliné ses ambitions et clamé haut et fort son désir de transformer la Côte d'Ivoire en une nation prospère et unie. Il a partagé avec ses concitoyens son rêve de “transformer notre pays, de bâtir une nation où nous sommes fiers de l'éducation donnée à nos enfants, fiers de nos libertés, fiers d'être les artisans d'une société où ni la violence, ni la peur n'ont leur place.”

Laurent Gbagbo, quant à lui, avait affirmé au début du mois, qu’il ne baissera pas les bras à propos de sa lutte pour sa réinscription sur les listes électorales. Rappelons que sa condamnation avait pour conséquence la perte de ses droits civiques et politiques. Profitant d’une foule nombreuse venue l’accueillir dans son village natal, Gadougou, il a affirmé qu’il va reprendre le combat et reprendre la marche pour ainsi briguer les suffrages de ses concitoyens en 2025.

Au plan diplomatique, après le Burkina Faso, le Niger accuse l’armée ivoirienne de contribuer à une formation militaire de prétendus irrédentistes nigériens réfugiés en Côte d'Ivoire, à en croire le Général Tiani répondant aux questions de journalistes dans une interview. Réponse du berger à la bergère, l’armée ivoirienne s’est inscrite en faux contre les allégations jugées fallacieuses d’une nouvelle accusation de déstabilisation. "Les Forces armées de Côte d'Ivoire qui demeurent concentrées sur la défense et la sécurité de la Côte d’Ivoire, s'inscrivent en faux contre ces graves accusations proférées sans aucun début de preuve par le chef de la junte au Niger…", peut-on lire dans le communiqué du général Doumbia, chef d'Etat-Major général des armées de Côte d’Ivoire. Cette tension diplomatique de plus, augure des remous inquiétants entre ces deux pays et risque de déstabiliser davantage la sous-région.