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Dans le cadre l’étude perception menée par Timbuktu Institute dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie un fait essentiel a été le rejet des prêches « virulents » mais aussi l’attachement au système laïc. Ce dernier point semble très important car il dénote un certain hiatus, une véritable rupture entre les orientations du débat intellectuel et la perception des jeunes.
Extraits du rapport (données et graphiques) :
Face à un prêche « virulent » ou « extrémiste » d’un Imam, les avis des jeunes de Rosso divergent. En cas d’un prêche jugé « violent » ou « extrémiste » de son Imam, plus d’un tiers, 33,7% ne diraient rien tandis que 33,4% préfèrent en parler à des amis ou à des autorités au moment où 6,4% jugeraient que l’autorité religieuse a forcément raison.
Cette résistance à des sermons extrémistes peut être vue, à priori, comme une attitude positive. Mais, il est aussi important de noter une certaine réticence à combattre et dénoncer plus activement ces narratives extrémistes, en particulier quand elles viennent d’une figure religieuse comme l’imam.
Graphique 10 : Attitude face à un prêche virulent
La question de la laïcité est d’une grande importance dans le contexte des débats entretenus par des franges intellectuelles parmi l’élite du pays aussi bien dans les cercles académiques qu’au sein de la société civile. Il y a un paradoxe qui a fait que la question a toujours été débattue sous l’angle de la contestation de l’héritage institutionnel façonné par la colonisation.
Il y a eu, ainsi, deux positions l’une aussi floue que l’autre : celle des intellectuels pensant que la laïcité notamment « à la française » serait inadaptée à une société fortement religieuse et l’autre – notamment défendue par les organisations islamiques – prônant une abrogation pure et simple d’une disposition entravant l’entrée de la religion en politique. S’y ajoute une autre couche : celles des activistes dont le rejet du modèle occidental et libéral dominant a poussé vers une position « réservée » par rapport au principe laïc au point de trouver, dans le cadre d’une alliance « objective » contre le « système », des accointances avec les militants de l’islam politique.
Mais, contrairement à la perception des chercheurs et intellectuels débattant du sujet, il s’est révélé, aussi bien dans l’enquête menée en 2016 en banlieue dakaroise que lors de cette étude à Rosso, que les jeunes interrogés tiennent à la laïcité de l’Etat et n’en ont pas la même compréhension négative véhiculée par les élites politiques, intellectuelles et religieuses.
Pour la grande majorité des jeunes de Rosso (71,4%), la laïcité demeure une « très bonne chose » ; seule une toute petite minorité, 10.7%, estime que c’est « une donnée à changer ».
L’écrasante majorité (87,2%), s’est prononcée favorablement pour la conservation du système laïc sénégalais.
Graphique 11 : attitudes face à la laïcité
Cependant, il serait aussi important d’essayer de comprendre ce que le concept de laïcité peut réellement signifier pour ces jeunes, afin de mieux évaluer les incidences d’une telle opinion dans un contexte de risque de radicalisation et de menace terroriste au niveau régional.
Une telle étude serait nécessaire pour mieux cerner cette perception dominante aussi bien dans l’enquête menée dans la banlieue dakaroise que dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie. Pour rappel cette étude a été menée grâce au soutien du Bureau de Dakar Fondation Rosa Luxembourg.