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(Agence Ecofin) - Timbuktu Institute, qui vient de rappeler temporairement ses équipes de terrain menant des enquêtes dans les zones frontalières, et d’instaurer le télétravail pour ses différents bureaux, s’inquiète « profondément » de l’évolution de la pandémie de COVID-19 et tire la sonnette d’alarme sur les conséquences du Coronavirus en termes d’instabilité pour l'Afrique et le Sahel, notamment. Son directeur s’est livré à Niamey et les 2 Jours dans cet entretien abordant les risques d’instabilité, les conséquences sur la résilience, mais aussi un appel à la communauté internationale et principalement l’Union européenne à ne pas « répéter les erreurs du passé », malgré « la grande préoccupation pour les urgences ».
Pour Bakary Sambe, Directeur de cet Institut qui effectue des études prospectives sur la paix et la stabilité en Afrique, « en plus de s’attendre au pire comme le suggère déjà à juste raison le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, on devrait, aussi, prendre en compte dans l’approche qu’adopteront les scientifiques et les experts en santé publique deux dimensions qui sont des facteurs-clés de la fragilité au Sahel, à savoir les volets politique et social ».
Pour dire qu’il ne faudrait pas négliger les conséquences socioéconomiques qui vont « accentuer les risques réels d’instabilité dans la région sahélienne pendant et après cette épidémie ». Pour lui, « c’est bien en amont et dès maintenant qu’il faudra agir et réfléchir à des approches durables malgré la panique mondiale qu’a occasionnée cette pandémie ».
Sur la dimension sociale de la fragilité des systèmes politiques et économiques au Sahel, « les inquiétudes pointent déjà à l’horizon proche avec le bouleversement des modes de vie que l’épidémie de Coronavirus va provoquer pour des millions de Sahéliens vivant au jour le jour avec toujours l’incertitude du lendemain », avertit Dr Bakary Sambe.
« Sans misérabilisme aucun, on n’ose même pas imaginer les dégâts collatéraux d’un impossible confinement d’une semaine pour des populations des pays du Sahel, habituées à vivre avec des économies à forte dominante informelle. En Europe, on se préoccupe des stocks et des provisions, ici c’est déjà, depuis des décennies, la gestion quotidienne des pénuries », s’alarme-t-il.
Bakary Sambe appelle la communauté internationale et surtout l’Europe voisine à « ne pas répéter les erreurs du passé, car, malgré les urgences sanitaires, il ne faudrait jamais perdre de vue la nécessité de mettre l’accent sur l’approche multidimensionnelle se rappelant qu’à l’issue de cette crise et quelle qu’en sera la durée, l’Europe ne pourra échapper aux effets des vulnérabilités de cette région qui lui est naturellement proche, rien que pour les questions relatives à la migration et au contre-terrorisme ».
« Les barricades d’aujourd’hui qu’imposent les épidémiologistes, de même que les digues sanitaires vont tôt ou tard céder par la force des impératifs de la nécessaire coopération pour la sécurité collective et les vulnérabilités en partage referont jour avec encore plus d’acuité », prévient le Directeur de Timbuktu Institute.
Pour lui « Au moment où l’Union européenne, principal partenaire extérieur des pays du Sahel, se dit prête à agir pour s’éviter elle-même l’instabilité économique, il est d’autant plus nécessaire de prendre conscience de l’ampleur du désastre qui se profile dans la région sahélienne surtout que, même sans épidémie, les actions humanitaires qui y sont déjà mises en œuvre au niveau communautaire sont peu appuyées à travers d’autres actions exécutées par d’autres acteurs à d’autres échelons… »
Propos recueillis par Babacar Cissé