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Durant trois jours, les leaders religieux venus des différentes préfectures de la Guinée ainsi que la zone spéciale de Conakry, ont été outillés sur » le projet de prévention de la radicalisation de l’extrémisme violent en Guinée « .
Initié par les partenaires UNFPA, OIM et l’Unesco, durant les trois jours de débats, plusieurs sujets ont été abordés dont entre autre » la consultation nationale sur la réglementation des foyers islamiques » en Guinée.
Préoccupé par la montée de l’extrémisme violent dans le monde et dans la sous-région ouest africaine, le consultant Sénégalais s’est félicité de la politique de prévention instaurée par les autorités guinéennes.
« La méthodologie adoptée au cours de ce séminaire, est une méthodologie participative.
Le Gouvernement guinéen à travers son Secrétariat Général Aux Affaires Religieuses, a bien conscience de la prévention même si la Guinée est restée jusque-là à l’abri de cette menace.
En se rendant compte de la situation sécuritaire dans la sous-région, l’État guinéen a pris le devant, pour être sur le terrain de la prévention. Et cela avec l’appui de ses partenaires internationaux.
Même si le mal n’est pas encore présent avec une grande ampleur chez nous, il ne faut dormir. » À expliqué le Directeur de Timbuktu Institute Dr Bakary Sambe.
Au terme de cet atelier, un document de plaidoyer a été élaboré, qui sera finalement remis au gouvernement à travers le Secrétariat Général Aux Affaires Religieuses.
Source Le Monde
Au premier jour de campagne de l’élection présidentielle au Sénégal, dimanche 3 février, deux des cinq candidats se sont précipités dans les villes saintes des confréries islamiques, toutes-puissantes de ce pays d’Afrique de l’Ouest où 95 % de la population est musulmane. Les trois autres les rejoindront dans les premières semaines d’une campagne où chacun espère obtenir la bénédiction religieuse qui convertira les fidèles en électeurs. Considéré comme un modèle de démocratie et de laïcité républicaine dans la région, le Sénégal semble immobilisé par cette interdépendance des sphères politiques et religieuses.
Pour Bakary Sambe, directeur du groupe de réflexion Timbuktu Institute, enseignant-chercheur au centre d’études des religions de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis et auteur de l’ouvrage Le Sénégal entre diplomatie d’influence et islam politique (éd. Afrikana, octobre 2018), ce risque se conjugue avec une influence grandissante de l’islam politique venu des pays du Golfe.
Bakary Sambe Ce rapport existe depuis l’époque coloniale. Le général de Gaulle, en 1958, s’appuyait déjà sur les deux plus puissantes confréries soufies de l’époque, les tidjanes et les mourides, afin que le « oui » du référendum pour rester dans la communauté franco-africaine l’emporte. Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, s’est inscrit dans cette continuité en donnant aux marabouts [chefs religieux] un statut d’intermédiaires entre la société politique et les citoyens. Abdou Diouf, en 1988, fut le premier président à avoir bénéficié d’une consigne de vote religieuse, un « ndigel ». Le khalife général des mourides, la plus haute autorité confrérique, avait dit que quiconque ne voterait pas pour Diouf trahirait l’enseignement de Cheikh Amadou Bamba, le fondateur du mouridisme.
Oui, Abdoulaye Wade a été le président [2000-2012] à l’origine d’une « mouridisation » de la société, voire d’une « République couchée »pour certains. Car, au lendemain de son élection, il s’est prosterné devant son marabout. C’était un choc. Macky Sall, le président actuel, ancien maoïste déclarant que les marabouts seraient désormais des citoyens ordinaires, a intégré dans son budget un programme de modernisation des cités religieuses. En décembre 2018, à l’approche des élections, il a inauguré l’autoroute d’Illa Touba, la deuxième du pays, reliant la capitale à la ville sainte mouride et dont de nombreux économistes doutent de la rentabilité. Aujourd’hui, tous les entrepreneurs politiques s’inscrivent dans cette politique-là, pour chercher des voix, gagner en légitimité ou utiliser les confréries comme un levier d’influence sur le plan politique, économique et social.
Le Sénégal est dans une contradiction entre sa sphère religieuse, qui s’impose comme stabilisatrice, et sa sphère politique qui use du religieux à son bénéfice. Un projet de code de la famille est bloqué depuis 1972 à cause de la résistance des marabouts, car il donnerait plus de droits aux femmes mais est perçu comme étant une influence occidentale dans les mœurs et dans la loi. Aucun pouvoir n’a jamais osé y revenir. Ici, le leadership politique est en perpétuelle quête de légitimité et s’adonne à des formes de compromis voire de compromission avec la sphère religieuse qui, à terme, peut remettre en cause, selon de nombreux analystes, nos fondements républicains.
La classe politique ne mettra jamais en doute la capacité des chefs religieux à leur apporter des voix supplémentaires. Ousmane Sonko, qui est le seul des cinq candidats à n’appartenir à aucune confrérie, a quand même été l’invité d’honneur d’une conférence à Touba, ville sainte des mourides. Le président Macky Sall, comprenant l’influence de la confrérie, s’était aventuré à réciter des vers de Cheikh Amadou Bamba lors du dernier magal, célébration religieuse la plus importante de la communauté mouride. Idrissa Seck, en 2012, disait même fonder les piliers de son programme sur les enseignements de Bamba et vient de présenter sa nouvelle coalition auprès du khalife général afin de bénéficier de son onction religieuse. Madické Niang est aussi un produit de Touba et Issa Sall une émanation directe d’un mouvement de la confrérie des tidjanes. Au Sénégal, l’imaginaire nationaliste se confond à l’imaginaire religieux.
Selon les derniers recensements, les tidjanes étaient majoritaires, mais il est vrai que la confrérie mouride a pris une ampleur et une influence supplémentaire avec l’arrivée de Wade au pouvoir en 2000. C’était même une sorte de revanche pour cette confrérie d’origine rurale. Elle, qui avait rejeté l’école publique, s’est retrouvée marginalisée dans les sphères dirigeantes après l’indépendance parce que, n’ayant pas produit de cadres, voilà qu’elle devient le cœur du pouvoir avec Wade qui instaure la « mouridisation » des institutions et des personnalités politiques dans la distribution des prébendes et des postes gouvernementaux.
Il est clair que la pression religieuse pèse sur la pensée de notre classe politique qui n’aborde pas des questions sociétales. Les questions économiques sont débattues en premier lieu. La question des talibés et de la mendicité infantile est un problème qui traîne depuis l’indépendance. C’est une question sensible dont aucun régime n’a osé s’emparer.
Depuis 1988, il n’y a pas eu de « ndigel » central et explicite d’un khalife. Aujourd’hui, il y a une parcellisation des consignes de vote qui ne sont plus un bloc à ramasser par un candidat, mais plusieurs pôles de légitimité secondaires à conquérir dans les confréries. Chaque candidat va essayer de montrer sa proximité. Dimanche 3 février, Macky Sall et Idrissa Seck ont commencé leur campagne électorale par des visites dans les villes saintes des tidjanes et des mourides. Récemment, l’annonce du porte-parole du khalife des tidjanes, « Je ne donne pas de consigne de vote, mais Macky est mon leader », peut être interprétée comme un « ndigel » implicite.
Le candidat Ousmane Sonko a eu un passé d’engagement dans un mouvement estudiantin proche de milieux salafistes. Il n’est pas le seul. Le président Macky Sall avait obtenu en 2012 le soutien du principal mouvement salafiste du Sénégal. Mais la question fondamentale est celle de l’unification de nos écoles. Le Sénégal est l’un des rares pays au monde à ne pas avoir une totale emprise sur son système éducatif. Les Sénégalais vont soit à l’école française soit à l’école arabe. L’école sénégalaise qui prendrait en compte nos héritages conjugués est encore à inventer. Aucun régime n’a eu le courage de créer cette synthèse, ce qui a permis de laisser notre école ouverte à toutes les influences, notamment saoudiennes, turques et iraniennes.
Dans la ville nouvelle de Diamniadio, vitrine du Plan Sénégal émergent de Macky Sall, il y a un projet d’université salafiste à vocation régionale. A Dakar, on trouve aussi une université chiite. Notre pays arrive à résister à l’islam radical et à la tentation terroriste, à être un îlot de stabilité dans l’océan d’instabilité de l’Afrique de l’Ouest. Mais notre système éducatif est une porte d’entrée aux extrémismes.
Depuis les années 1950, avec la naissance du réformisme et son aile salafiste politisée. Cela a été possible à cette époque où les pays occidentaux ne pouvaient pas aider les pays du Sahel car frappés par la crise financière et pétrolière. Ceux qui avaient de l’argent étaient les pays du Golfe. La communauté internationale n’avait pas compris l’enjeu et a imposé à nos pays les politiques d’ajustements structurels à la fin des années 1980-1990, nous disant de moins investir dans l’éducation et la santé au profit de l’économie.
Ces mouvements salafistes sont venus avec des ONG et une bourgeoisie arabe émergente qui a beaucoup investi dans la construction d’écoles et de centres de santé. Aujourd’hui, ces organisations sont une réalité admise par la population. Il y a une résistance des confréries soufies au salafisme, mais ces mouvements se retrouvent sur des sujets communs comme les dangers de la débauche occidentale. Cette classe moyenne s’est tournée vers la seule offre disponible, un salafisme qui a la capacité d’utiliser la modernité technologique pour mieux combattre la modernité sociale.
La chaîne Iqraa, qui représente l’influence médiatique saoudienne par excellence, est aujourd’hui distribuée par Canal+. Elle a fait une étude de marché montrant une classe moyenne sensible à ce discours porté par l’islam politique, perçu comme une alternative face à l’hégémonie de l’Occident et la mort des partis de gauche. L’islam est devenu le syndicat des nouveaux damnés de la terre, captant le nationalisme pour mieux créer une jonction avec l’islamisme mondial.
Il faut voir l’influence du Qatar en France. Si les pays plus nantis n’arrivent pas à résister à la force de ce capital, comment pourrait-on espérer que des pays moins nantis y arrivent ? Comment voudrait-on, qu’en vendant des armes à ces pays-là, on puisse demander ensuite aux pays africains de ne pas répondre aux sirènes du wahhabisme et des pétrodollars ? C’est la grande contradiction qui nous concerne tous, de l’Afrique à l’Occident.
L’Arabie saoudite est un partenaire très important du Sénégal. Notre président a même voulu envoyer nos soldats au Yémen. Je me rappelle alors de la réaction du ministre des affaires étrangères face au tollé, disant qu’il ne faut pas toucher aux quatre fondamentaux de notre diplomatie : l’Arabie saoudite, la France, les Etats-Unis et le Maroc. La diplomatie du chéquier a donc dû fonctionner aussi bien en Occident que sous nos tropiques.
En se convertissant à la diplomatie religieuse. Le cas de la France est assez vieux. Voilà un pays qui a la laïcité en bandoulière, mais organise des séances de rupture du jeûne dans ses ambassades. L’Allemagne organise depuis des années des visites de chefs confrériques au Bundestag. Il y a aussi les Etats-Unis, dont l’ambassadeur au Sénégal s’affiche avec un mouton de l’Aïd pour souhaiter bonne fête aux musulmans. Même Israël qui, dans sa stratégie de dé-islamisation du conflit israélo-palestinien, distribue des moutons aux associations musulmanes. Pareil pour la Turquie, l’Algérie et le Maroc qui financent des mosquées.
Le Sénégal est devenu le point de convergence de plusieurs influences avec des agendas parfois contradictoires. Ce qui m’étonne, ce n’est pas leur afflux mais l’absence d’agenda prospectif du pouvoir sénégalais. Le prochain président élu sera celui qui va exploiter le pétrole et le gaz récemment découverts dans nos eaux. Ce pays va attirer en plus des convoitises de la Russie et de la Chine. Dans ce climat, ce que je reproche à nos gouvernants, c’est leur manque de courage, leur quête éternelle d’une légitimité qu’ils n’ont pas dans le politique et qu’ils cherchent dans le religieux. Sans changement, nous ne pourrons pas répondre aux véritables défis politiques auxquels le pays fait face.
Le 1er tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 février prochain. Cinq candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Et la campagne électorale débute le dimanche 3 février prochain.
Le 1er tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 février prochain. Cinq candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Et la campagne électorale débute le dimanche 3 février prochain.
Le 1er tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 février prochain. Cinq candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Outre celle du chef de l'Etat sortant Macky Sall, le Conseil a validé, les candidatures du député Ousmane Sonko, ancien haut fonctionnaire et figure montante de l'opposition, de l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, d'un proche de l'ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012), Madické Niang, et du candidat du Parti de l'Unité et du Rassemblement (PUR), El Hadji Sall.
Ont été définitivement écartés les deux principaux opposants de Macky Sall, l'ex-maire de Dakar Khalifa Sall et l'ancien ministre et d’Abdoulaye Wade Karim Wade.
pour écouter : https://www.dw.com/fr/s%C3%A9n%C3%A9gal-les-enjeux-de-l%C3%A9lection-pr%C3%A9sidentielle-du-24-f%C3%A9vrier/av-47317521
Source : www.dw.com
Ce vendredi 11 janvier 2019 à 9H, à la Maison de la Presse (Dakar), Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies organise une cérémonie de lancement de la bande dessinée « Non à la violence dans le sport ». Elle sera suivie d’un Atelier de renforcement de capacités des jeunes des OSC et ASC de Dakar. Cette activité, organisée dans le cadre du projet « Les jeunes des OSC et des associations sportives du Sénégal mobilisent leurs cités pour des valeurs citoyennes et contre la violence » soutenu par l’Ambassade de France à travers son le dispositif PISCCA, s’intéresse au phénomène omniprésent de la violence dans toutes les disciplines sportives afin d’en connaitre davantage les causes et proposer des solutions préventives.
L’objectif de cette initiative portée par Timbuktu Institute en partenariat avec l’ONCAV, est d’outiller les jeunes des associations sportives et ceux des OSC pour l’acquisition d’outils leur permettant de promouvoir la non-violence, l’éducation à la paix, le renforcement de la cohésion sociale et la prévention des extrémismes. Elle vise aussi à former les jeunes à devenir des « ambassadeurs de la paix » pour leurs concitoyens et leurs localités respectives.
Cette cérémonie se déroulera en présence des autorités sénégalaises et des représentants de l’Ambassade de France ainsi que du Directeur de Timbuktu Institute, Dr. Bakary Sambe et du Président de l’ONCAV, Monsieur Amadou Kane.
Fait à Dakar, le 10 janvier 2019
Du 30 novembre au 1er décembre, le prestigieux Centre Arabe des Recherches et de l’Étude des Politiques a organisé un colloque académique international consacré aux thématiques si actuelles, sensibles mais aussi complexes, « de la réforme religieuse, de la démocratie chrétienne et de l’islam politique ».
Réunissant une vingtaine d’universitaires venus du monde entier, le colloque, qui s’est tenu à Hammamet à 60 kilomètres de l’aéroport Tunis Carthage, fut une belle occasion de réfléchir sur les mécanismes faisant que certains pays de tradition chrétienne aient eu à embrasser l’idée démocratique plus que d’autres nations arabo-musulmanes où des lectures littérales et politiques de la religion empêchent toute sécularisation et acceptation de l’idée démocratique dans un moment où l’islam politique résiste encore.
Timbuktu Institute, représenté par Dr Seydi Diamil Niane, a pris part aux travaux. Dans son intervention, intitulée « réformisme islamique, radicalisme religieux et contestations de l’islam confrérique au Sénégal », Dr Niane a pris soin de revenir sur l’utilisation même du terme réformisme, largement analysé par Dr Bakary Sambe dans son dernier livre, qui peut avoir plusieurs manifestations concrètes d’une société religieuse à l’autre.
En revenant sur l’ancrage de l’islam confrérique et en faisant une cartographie des autres mouvements non confrériques que d’aucuns qualifient de réformistes, Seydi Diamil Niane a pu démontrer comment la contestation de l’islam confrérique, notamment par les adeptes du salafisme wahhabite, peut être une source non négligeable de ce qui est désormais connu sous le nom de radicalisme et d’extrémisme religieux.
Le colloque était une belle opportunité, que Dr Niane a bien saisie, pour exposer les travaux de Timbuktu Institute en matière de prévention de l’extrémisme et de promotion de la paix.
Avec son légendaire franc-parlé, le directeur de Timbuktu institute a condamné les investissements massifs dans l’armement au détriment de l’éducation. « Nous savons bien que les kalachnikovs n’ont jamais vaincu les idéologies. Mais on s’obstine encore à n’investir que sur le sécuritaire dans des régions du Sahel où l’achat d’un char de combat de seconde main coûte beaucoup plus cher que la construction d’une école moderne et équipée, flambant neuve », déplore t-il.
Face aux radicalismes et la menace terroriste, il a rappelé que nul n’est à l’abri et qu’il urge d’engager dans un élan de solidarité, un dialogue franc et sincère. « Nous sommes devenus la communauté internationale des vulnérables; vulnérables aussi bien à Gao, Tombouctou au Mali, Gueskérou, Diffa au bord du Lac Tchad qu’à Paris, Berlin ou encore New York. Nous partageons ce nouveau destin qui nous rappelle notre devoir de solidarité, notre vocation à dialoguer et à se parler. Mais franchement et sincèrement », a-t-il martelé.
Parlant de la vision qu’a parfois l’Europe de l’islam, Bakary SAMBE a rappelé une partie des propos qu’il a tenu aux étudiants de sciences politiques de l’Université de Kemnitz, ancienne Karl Marxville, en ex-Allemagne de l’Est et qu’il a redit à la chancelière Angela Merkel lors de sa visite au Sénégal. « L’Allemagne a réussi la prouesse de faire chuter le mur de Berlin, symbole de velléités qui avaient plombé la marche de l’Europe, il reste aujourd’hui à ce continent de faire tomber avec courage et ouverture, ce mur qui reste et perdure : celui de l’incompréhension avec l’Islam. Et les Musulmans, comme leurs sœurs et frères chrétiens, sauront répondre à l’appel au dialogue » fait-il remarqué.
Il faut rappeler que cette année, c’est l’édition jubilaire (10 ans) du colloque plaidoyer pour le dialogue inter-religieux organisé par la fondation Konrad Adenauer. Le thème retenu pour cette 10ème édition est : religion laïcités et contrat social : fondement, bilan et perspectives. Les travaux sont prévu pour durer 2 jours.
Source : www.senenews.com
C’est au siège du programme, au Centre Africain d’Études Supérieures en Gestion (CESAG) à Dakar, juste en face de la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise ( RTS 1) que deux chercheurs de Timbuktu Institute, en l’occurrence Mlle Yague Sambe et Dr Seydi Diamil Niane, ont rencontré, le 12 novembre, ces jeunes venus d’une vingtaine de pays ouest-africains et en présence de quelques prestigieux ambassadeurs de la sous-région.
La Rencontre des Ambassadeurs, qui a duré deux heures, portait sur la responsabilité qui incombe aux jeunes, d’être de vrais ambassadeurs de la paix dans leurs pays respectifs.
Dans un dialogue passionnant, critique et parfois dialectique, avec les jeunes Yalis, les chercheurs de Timbuktu Institute ont eu l’occasion de présenter les études et actions que mène l’institut dans différents pays ouest africains, mais aussi de donner des pistes de réflexion aux jeunes pour qu’ils soient mieux outillés en matière de lutte contre la radicalisation et favoriser leur sens de résilience pour bâtir une Afrique forte, plus pacifique, une Afrique qui se parle, qui parle à ses jeunes et dialogue avec le reste du monde.
La réflexion enclenchée à la Rencontre des Ambassadeurs a été poursuivie le 15 novembre au siège du Centre des Hautes Etudes de Défense et de Sécurité (CHEDS) à Dakar. Autour d’un panel Les jeunes, la Paix et la Sécurité, Mlle Samb a eu l’occasion de faire une communication sur « Les femmes actrices de paix : rôles et initiatives dans le cadre de la prévention et de lutte contre l’extrémisme violent au Sahel » aux cotés des représentantes d’ONU Femmes et du UNOWAS et du Général de Brigade Paul Ndiaye. La rencontre, qui a essentiellement concerné les jeunes femmes du YALI, a été le moment, pour la représentante de l’Institut Timbuktu, de revisiter les paradigmes (à travers les différentes casquettes de victimes, d’actrices à part entière ou de solutions à l’extrémisme violent), de présenter les résultats de divers diagnostics obtenus au cours de recherches de terrain et enfin partager les actions qui ont été exécutées en la matière dans différents pays. C’est parce la jeunesse est incontournable et que la femme représente un pilier dans la résolution des conflits qu’il faut impérativement les impliquer dans les programmes de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent conformément aux résolutions 1325 et 2419 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
La discussion, que même un buffet convivial n’a su interrompe, a été une belle occasion de nouer des liens avec les jeunes bénéficiaires, pour la plupart porteurs de projets, réunis pour une seule cause : faire de l’Afrique, non pas le continent du futur, mais celui du présent.
En tant que Centre de recherches africain, Timbuktu Institute salue ce type d’initiatives et se met à la disponibilité de toute structure d’échanges qui s’intéresse à ses actions et qui aspire à outiller davantage les jeunes du continent pour la promotion de la paix et la prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent.
Dans un contexte marqué par une porosité généralisée des frontières et une intense circulation des hommes et des biens, travailler sur la question si sensible et actuelle de la radicalisation en zones frontalières relève d’une utilité hautement scientifique mais aussi politique. C’est ainsi que, en partenariat avec le bureau dakarois de la Fondation Konrad Adenauer, Timbuktu Institute a réalisé une étude, qui sera bientôt rendue public, sur les facteurs de radicalisation et perception du terrorisme chez les jeunes des zones frontalières du Sénégal et de la Guinée. Côté sénégalais, l’enquête a été menée à Vélingara. Pour ce qui est de la république de Guinée, Labé a été choisi.
S’arrêter sur la question des facteurs de radicalisation est fondamental pour mieux comprendre le phénomène. Les organisations internationales, régionales comme sous régionales, de même que les Etats et instituts de recherche l’ont bien comprise et s’intéressent davantage à ces facteurs. Le regard extérieur pourrait trouver comme arguments explicatifs le fanatisme religieux, le manque d’éducation, l’ignorance entre autres sans creuser le questionnement sur le rôle que pourraient jouer les déterminants socioéconomiques. Tel est le cas de ce haut dignitaire religieux vélingarois pour qui « l’ignorant est plus exposé à la radicalisation que les autres », argument réconforté par celui de ce responsable administratif qui fustige l’ignorance comme étant « la cause de la radicalisation et qui en est elle- même l’élément moteur ».
Pourtant, à y regarder de plus près, la radicalisation serait, selon une vision introspective des jeunes, un moyen d’expression des frustrations socioéconomiques. Le mal des centres urbains africains (chômage et pauvreté), comme on a pu le relever lors de l’enquête de la banlieue dakaroise, se fait ressentir dans les zones frontalières très éloignées des centres de décision,peu lotis en termes d’infrastructures et difficile d’accès. C’est du moins ce que les jeunes affirment très souvent lorsqu’on les interpelle sur cette question.
Selon un rapport du Bureau Régional de la Planification et du Développement de Labé publié en novembre 2008, intitulé « Monographie de la Région Administrative de Labé », 65% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Quant au taux de chômage, il est rare d’obtenir des informations fiables renseignant sur cette réalité sociale. Toutefois, le Questionnaire sur les Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB) du même rapport indique que 5,4% de la population sont considérés comme chômeurs.
De l’autre côté de la frontière, à Vélingara, la deuxième enquête de suivi de la pauvreté, place la région de Kolda à laquelle est rattachée le département de Vélingara au sommet des taux de pauvreté les plus élevés du Sénégal (76,6%). Le taux de chômage, lui, est le 2ème le plus élevé (38,8%) après celui de la région de Matam qui est de 54,2%.
Dans les cas spécifiques des deux villes ciblées par cette recherche, la pauvreté et le chômage constituent de véritables difficultés ressenties comme invincibles et exposant les jeunes, au banditisme, à la criminalité, voire au radicalisme. Ainsi, interrogés sur les facteurs motivant la radicalisation chez les jeunes, l’écrasante majorité pointe du doigt le chômage (33,3% à Labéet 34,6% à Vélingara) et la pauvreté (30,4 à Labé et 37,4% à Vélingara). L’exclusion sociale arrive en troisième position avec respectivement 11,2 et 9,8% à Labé et à Vélingara.
Il en était de même d’une série d’études de perception menée par Timbuktu Institute sur cette même problématique où les populations sondées évoquaient quasi systématiquement ces mêmes causes. À l’aune de ces tendances récurrentes « chômage, pauvreté et exclusion sociale », ce trio commence à s’ériger en principe tellement il devient un réflexe chez la frange jeune. Le croisement entre motifs de radicalisation et activité professionnelle exercée, place les étudiants et élèves comme catégories ciblant plus le chômage.
L’endoctrinement, la question de l’interprétation des textes arrivent pratiquement en dernière position puisqu’ils capitalisent 8,5% et 8,6% à Labé et 6,8 et 4,9% à Vélingara. Cette dernière serait, dans le contexte sénégalo-guinéen, marginalement fruit d’un endoctrinement et principalement moyen d’assouvir l’expression des frustrations socioéconomiques auxquelles font face les jeunes.
Mercredi, 7 novembre, 2018 à 13:35 Dakar – La main tendue du Maroc à l’Algérie pour sortir de la situation du blocage sur le dossier du Sahara marocain offre une réelle opportunité pour l’Afrique, a assuré le directeur du think tank africain “Timbuktu Institute”, Bakary Sambe. “Voir le Maroc et l’Algérie cheminer ensemble pour sortir de ce blocage est une réelle opportunité pour l’Afrique qui traverse des crises devant mobiliser toutes les énergies”, a-t-il déclaré à la MAP-Dakar, en réaction au discours royal adressé mardi soir à la Nation à l’occasion de la célébration du 43è anniversaire de la Marche Verte. Selon M. Sambe, le mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation que propose le Souverain peut être “une nouvelle chance pour l’unité africaine”, préoccupation constante du Royaume qui y a joué un rôle historique avec le fameux groupe de Casablanca. L’appel de SM le Roi procède d’une réelle volonté de paix des braves et est conforme à l’esprit d’ouverture d’un pays qui incarne un leadership incontesté sur les grands dossiers diplomatiques du continent, a-t-il ajouté. Dans le contexte actuel de la crise au Sahel et dans d’autres régions, a-t-il poursuivi, toute l’Afrique gagnerait dans cette synergie en tirant profit de l’influence de l’Algérie et du leadership et de la vitalité de la diplomatie marocaine sous l’égide de SM le Roi Mohammed VI, assurant que “notre continent a plus besoin de synergie que de divisions qui dispersent les efforts de développement”. “Cet appel s’inscrit dans la continuité et la constance des efforts du Maroc en faveur de la paix et du développement du continent dans un esprit d’un partenariat Sud-Sud renforcé. Il redonne l’espoir d’une renaissance d’un Maghreb désormais tourné vers l’avenir en parfaite conscience de ses liens indéfectibles avec la rive Sud du Sahara”, a-t-il conclu
Des centaines de milliers de pèlerins sont réunis dans la ville sainte de Touba, pour participer au grand Magal. Ce rassemblement annuel de la confrérie mouride, très influente dans le pays, célèbre le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme. Au-delà des moments de communion au cours desquels les pèlerins assistent à des récitations du coran, Touba devient pendant deux jours, un lieu de rencontres entre politiques et religieux. Bakary Sambe, chercheur, auteur du Sénégal entre diplomatie d’influence et islam politique, répond à Bineta Diagne.
Cliquez ici Pour écouter l'émission : http://www.rfi.fr/emission/20181028-magal-touba-dela-evenement-religieux-est-moment-communion?fbclid=IwAR04rI7l_9a0q5QYg06l_6ZbQcWB3Iz-Bf8Nq3kg7OGwBfC4enthm3BF4ug
Arabie Saoudite, la guerre d’influence toujours ouverte en Afrique ? L’ouvrage de Dr. Bakary Sambe intitulé « Contestations islamisées : le Sénégal, entre diplomatie d’influence et islam politique » (Editions Afrikana, Montréal, Oct 2018) soulève encore un débat que l’on croyait clos mais sous d’autres aspects, parfois, les moins attendus.
En son temps, la controverse politico-mdiatique sur l’envoi de 2100 soldats sénégalais pour combattre les « rebelles » chiites houthis au Yémen, en appui à la coalition pro-saoudienne, avait défrayé la chronique avec, d’une part une levée de bouclier de la société civile et de l’autre, des personnalités du courant wahhabite qui occupaient les médias pour soutenir une initiative finalement « avortée ».
Après avoir « froidement » analysé ces évènements « avec le recul du temps », l’ouvrage de Bakary Sambe révèle d’autres pans entiers de la « guerre secrète » entre l’Iran et l’Arabie Saoudite en Afrique dont le Sénégal semble être une « pièce maîtresse ».
Des bourses d’études à de jeunes sénégalais pour se spécialiser sur la lutte contre « l’influence iranienne en Afrique » à l’Université du Roi Khaled, des séminaires de formation pour « contrecarrer les alliances entre confréries et chiites », une Université chiite au cœur de Dakar donnant la possibilité d’aller paracherver ses études à Qom en Iran. Rien que ça ?
Pour Bakary Sambe, il est évident que « l’observation ordinaire de la vie diplomatique et l’approche juridico-institutionnelle dominante, négligeant les jeux d’influence, ne pourraient jamais détecter le grand jeu des deux puissances du Golfe sous nos tropiques ».
Dans son nouvel ouvrage, l’enseignant chercheur au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis lève un bon coin du voile sur une forme d’affrontement «idéologique » par « alliés » interposés. Dans ces « bonnes feuilles » que nous vous livrons, l’auteur révèle des faits assez peu connus sur ce qui se joue derrière le financement des mouvements islamiques et la manière dont les puissances du Golfe usent de leur influence pour peser sur la diplomatie d’un pays « souverain ».
Le contexte historique en est bien campé par Bakary Sambe dans le chapitre où il explique : « l’Arabie Saoudite qui s’était, à peine, débarrassée du concurrent « laïque » égyptien, avec la disparition de Nasser de la scène politique arabe, devait, maintenant, éviter d’être devancée, dans la « conquête » idéologique de l’Afrique, par le nouveau venu qu’était l’Iran ». En plus des « réseaux Hezbollah de la communauté libanaise », assez influents dans l’économie et l’immobilier dans la capitale sénégalaise, « d’autres relais, avec des nationaux sénégalais, servaient la politique iranienne », révèle l’auteur.
Comme si l’Arabie Saoudite, dans les années 80, savait exactement par où « attaquer » dans cette guerre d’influence : « pour contrecarrer cette fascination grandissante du modèle révolutionnaire iranien au sein de l’élite musulmane, il fallait déployer des moyens financiers colossaux et investir les terrains les plus « névralgiques » dans les pays africains à dominante musulmane : l’éducation et le social », rappelle l’auteur des Contestations islamisées.
Pour Bakary Sambe, « il était, surtout, nécessaire (pour l’Arabie Saoudite NDLR) d’encadrer cette politique par des structures imposantes capables de gagner la bataille de la communication ». Il est vrai que Ryad dispose de leviers importants tels que l’OCI et d’autres organisations connexes mais aussi la Ligue islamique mondiale qui « recrute » même au-delà des acteurs wahhabites et, précise Sambe, « mobilise au besoin les personnalités confrériques par pur pragmatisme».
Au-delà de cette confrontation idéologico-politique, l’ouvrage de Bakary Sambe éclaire sur les mutations plus générales d’un contexte international où l’islam, en plus d’un levier diplomatique, devint un « catalyseur » et un moyen de donner du sens à « le semblant de sécularisation et l’absurde règle des intérêts nationaux » au cœur des « révoltes et des luttes ». Comme le soutient ironiquement Sambe, « de nos jours, suite à la disparition des idéologies gauchisantes, l’islam était comme devenu le nouveau syndicat unitaire des nouveaux « damnés de la terre ».
Sur une approche encore plus factuelle, le directeur de Timbuktu Institute parle, dans son nouveau livre, d’une véritable stratégie par alliés interposés : « aujourd’hui, dans le contexte de la lutte d’influence au Moyen-Orient et face aux craintes saoudiennes partagées par le Maroc d’une expansion chiite en Afrique, il y a une véritable politique de sensibilisation face au « danger iranien ».
Et à travers les pages de ce livre qui n’a pas fini de faire des révélations surprenantes, on voit comment différents acteurs sénégalais entrent dans le jeu des puissances du monde musulman et s’adonnent à une véritable « guerre » de communication.
De temps à autres, de récents événements et décisions politiques sous Macky Sall trouvent une meilleure explication à la lumière de l’analyse de ce spécialiste qui, de l’avis d’un collègue universitaire, a « osé affronter son sujet, sans gants ni langue de bois ».
Tenez vous bien ! le livre nous replonge sur l’affaire de l’envoi des soldats au Yémen et montre comment le débat opposait partisans de l’Arabie Saoudite et de l’Iran : « la décision finalement abandonnée d’envoyer des soldats sénégalais à la rescousse de Ryad dans son aventure yéménite avait ravivé la tension entre partisans de Téhéran et de l’Arabie Saoudite comme Dr. Ahmad Lô dans un contexte d’émergence d’une communauté chiite sénégalaise endogène avec Chérif Mballo et Amadou Badiane comme figures emblématiques ».
La révolution, dit-on souvent, se mène d’abord, dans les périphéries ! Le livre de Bakary Sambe, à travers une explicitation de la stratégie iranienne, semble aller dans le même sens, lorsque l’auteur soutient : « En fait, l’Iran a très tôt compris la difficulté d’exporter sa « révolution » au Sénégal et s’est déployé dans les régions périphériques Sud où l’islam confrérique a moins d’influence ».
L’enjeu de la Casamance ? D’autres révélations avec des détails étonnants sont faites, dans ce livre qui défraye la chronique sur les stratégies d’implantation et de lutte d’influence entre ces deux « ennemis du Golfe » dans la région Sud du pays….
L'Islam a toujours été un levier diplomatique dans le sens où il a été constamment présent sur la scène internationale comme facteur important dont les Etats et autres acteurs se sont servis de différentes manières. Les confréries comme les mouvements islamiques ont été au coeur des interactions entre les pays africains et le monde arabe par exemple. C'est le cas de la Tijaniyya dans les rapports avec le Maroc mais aussi d'autres confréries. Le mouridisme par son expansion à travers la diaspora sénégalaise en Europe et aux Etats-Unis en est même arrivé à une "institutionnalisation" progressive d'une diplomatie religieuse. Serigne Mourtada Mbacké qui sillonnait le monde afin de vulgariser les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba était même considéré comme "l'Ambassadeur du mouridisme". Des mouvements comme Hizbut Tarqiyyah sous l'égide de Serigne Atou Diagne ont une influence telle que les diplomates étrangers visitant Touba font de la visite de leur "daara" une étape incontournable. De même le leader du Dahira Mouqtafina, Serigne Moustapha Sy fils du défunt Khalife Al-Amine de Tivaouane, descendant de Cheikh El Hadji Malick Sy a été parmi les premiers acteurs religieux a prendre part au programme américain des Visiteurs internationaux (IVLP) mais aussi "Egide" son équivalent français.
La nouveauté est que les puissances occidentales se sont saisi de cet outil ou levier diplomatique qu'est l'islam pour en user pleinement dans un contexte sahélien plein d'incertitudes, tel que je le développe dans mon nouvel ouvrage : Contestations islamisées: le Sénégal, entre diplomatie d'influence et islam politique (Octobre 2018)
Il est vrai que depuis plusieurs années maintenant, au Sahel, les logiques d'influence religieuse sont venues mitiger les logiques de puissance traditionnelle, n'en déplaise à ceux qui pensaient que leur supériorité militaire leur garantirait une hégémonie.
Ce constat n'est pas véritablement nouveau. Bien avant l’intensification de la crise sahélienne, à partir de 2012, l’implication des monarchies pétrolières dans le financement des ONG islamiques avait déjà alerté sur l’expansion d’un islam radical et sur les risques induits. Depuis, l’influence de l’Arabie Saoudite et du Qatar ne s’est jamais démentie, même au plus fort de la crise malienne. N'a-t-il pas fallu l’intervention du Croissant rouge qatari pour que les convois humanitaires soient autorisés par les djihadistes à accéder à Tombouctou ?
Aujourd'hui, cette influence saoudienne sur les systèmes éducatifs des pays du Sahel, avec des bourses d’étude et l’implantation des universités de Saï au Niger et du Sahel à Bamako, nuit à la cohésion sociale. Craignant une radicalisation rampante, le Maroc propose son offre de formation des imams maliens, nigériens et tchadiens, promouvant un islam tolérant au Sahel. Alger, qui dispose de plusieurs cartes dans les affaires nord-maliennes, a eu tôt fait de riposter en mettant sur pied une « Ligue des Oulémas du Sahel » recrutant de Dakar à N'Djamena, en passant Nouakchott, Niamey et jusqu’au Nigéria. L'une ou l'autre de ces initiatives a-t-elle permis de contrer l'influence de Riyad ? Difficile à dire. Mais au Sénégal, dans la ville nouvelle de Diamniadio si chère au président Macky Sall, sept hectares de terrain viennent d’être octroyés pour la construction d'une université régionale sous influence saoudienne par l’entremise du mouvement wahhabite, Dârul Istiqâmah.
Au Sahel désormais, le facteur islamique est devenu un levier de politique étrangère et même les puissances occidentales ont fini par se « convertir » à la diplomatie religieuse. Paris l’a bien compris : en 2017, le président français Emmanuel Macron a « réhabilité » l’Arabie Saoudite sur le terrain sahélien en lui demandant son soutien financier pour le G5 Sahel (Riyad avait alors promis de contribuer à hauteur de 100 millions d'euros). La laïcité en bandoulière, les ambassades de France dans la région organisent désormais des cérémonies de rupture du jeûne du ramadan, pendant que le Quai d’Orsay offre des bourses de théologie aux étudiants accueillies dans les universités françaises.
L’Allemagne, qui a fini par sortir sa timidité sahélienne en déployant plus de 650 soldats sous la bannière de la Minusma, a fait venir des chefs religieux au Bundestag pour parler de paix et de stabilité dès 2013. A Dakar, la mediasphère commente encore cette photo de l’ambassadeur des Etats-Unis et de son « mouton de l’Aïd » à l’approche de la Tabaski. Quant au programme des Visiteurs internationaux du département d’Etat américain (IVLP), il s’ouvre de plus en plus aux responsables islamiques de la région, toutes tendances confondues. Même Israël, afin de contourner l’islamisation du conflit qui l'oppose à la Palestine et au monde arabe, approche des imams et marabouts de la région, et les invite à Jérusalem pour promouvoir le dialogue interreligeux et la paix.
Le cadre sahélien est ainsi marqué par les mutations d’un monde où circulent, sans frontières, des offres culturelles et spirituelles prenant leur revanche sur une sécularisation qui n’a pas affecté de la même manière les peuples du Sud et ceux du Nord. Les migrations et la volatilité des intérêts et des enjeux ont réussi à repositionner le religieux au centre des stratégies et des compétitions dans une région en crise où, en pleine angoisse existentielle, une jeunesse sans horizons est en quête de chance et sens. L’Occident est-il en train d’intégrer ce nouveau paradigme pour relativiser une modernité qui n’est pas forcément synonyme de sortie de la religion ?
Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute (Dakar)
Enseignant-Chercheur au Centre d'étude des religions ,Auteur de : Contestations islamisées: le Sénégal, entre diplomatie d'influence et islam politique (Octobre 2018)