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En partenariat avec le Bureau régional pour la promotion de l'Etat de droit en Afrique de la Fondation Konrad Adenauer, Tombouctou Institut a organisé un webinaire régional sur  "Etat de droit, chaîne pénale et société civile quelles synergies pour la prévention de l'extrémisme violent " . Cette première session a pu connecter plus de 100 participants d'une dizaine de pays africains comme d'ailleurs dont des experts des organisations internationales, des acteurs de la justice et de la société civile, des leaders communautaires, des chercheurs et des membres des forces de sécurité et de défense.
Après le mot de bienvenue du directeur de l'Institut de Tombouctou, Dr. Bakary Sambe, le directeur régional du Bureau de promotion de l'Etat de droit de la Fondation Konrad Adenauer, Monsieur Ingo Badoreck, est revenu sur l'importance pour l'Institution qu 'il représente d'appuyer ce type d'initiatives et d'autres pouvant contribuer au renforcement de l'Etat de droit en Afrique subsaharienne dans le cadre d'un dialogue constructif et inclusif.
Trois exposés ont rythmé cette rencontre virtuelle. Une intervention du Dr Bakary Sambe a insisté sur la nécessité d'une approche holistique face à l'extrémisme violent a voulu attirer l'attention des autorités de la région sur la nécessité de développer des stratégies nationales de prévention de l'extrémisme violent à côté de celles à dominante sécuritaires et visant la lutte contre le terrorisme. Pour lui la prévention est primordiale et doit mobiliser la société civile, mais aussi les autres acteurs y compris les forces de sécurité et de défense qui ne doivent pas être cantonés à un rôle répressif.
De son côté, Mme Amina Niandou du Niger, par ailleurs, présidente de l'Association des profesionnelels africaines de la communication (APAC) a mis l'accent sur la nécessaire implication des femmes qui couvrent toutes les typologies d'acteurs aussi bien familiaux, associatifs mais aussi étatiques. Pour elle, leur implication est cruciale pour s'inscrire dans une démarche holistique. Elle a tenu à déplorer que dans les pays de la région, les femmes soient exclues ou insuffisamment impliquées dans les actions de prévention de l'extrémisme violent alors qu'elles peuvent jouer un rôle majeur dans toutes ces stratégies.
Enfin le commissaire de la police Centrale de Mbour, Mandjibou Lèye a insisté sur dimension préventive dans l’action des forces de sécurité et de défense face à la montée de l’extrémisme violent. Cet expert reconnu des organisations régionales et internationales, notamment sur la question du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme est revenu sur la nécesité de créer des ponts et des espaces d'échanges entre les praticiens notamment en matière de renseignement. Pour le Commissaire Lèye, il faudrait plus de vigilence et de coordination des efforts des différents pays dans le but d'arriver à une véritable plateforme collaborative ett opérationnelle au niveau régional vu l'état des menaces transnationales.
Un vaste débat a été ouvert aux participants qui ont relevé des insuffisances dans le traitement de la question terroriste aussi bien au niveau de la chaîne pénale que dans les politiques de prévention menées par les Etats. D'autres participants ont salué l'initiative et ont demandé que l'organisation de ce type cadres d'échanges soit plus fréquente afin de mieux saisir les enjeux de la lutte contre le terrorisme, la prévention de l'extrémisme violent et surtout leur relation avec la préservation et le renforcement de l'Etat de droit en Afrique dans un contexte marqué par la récurrence des crises institutionnelles qui menacent la démocratie et le vivre ensemble.
le Directeur de Tombouctou Institute s'est par la suite réjoui de la qualité de la participation des acteurs concernés mais aussi du public nombreux et divers connectés à partir de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne mais aussi d'Europe et des Etats-Unis. Bakary Sambe a rappelé que d'autres opportunités similaires d'échanges vont faire suite à cet évènement en plus que le Directeur régional du Bureau pour la promotion de l'Etat de droit a réitéré la volonté de l'institution de poursuivre cette collaboration avec des webinaires comme celui prévu le 30 septembre prochain sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits humains.

Par Wilfrid AHOUANSOU*

L’acte fondamental n°001/CNSP du 24 aout 2020 publié au Journal officiel, constitue sans aucun doute le véritable entracte de la crise politique au Mali, née à l’issue de la démission volontaire ou contrainte de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Sans avoir besoin de le qualifier ainsi dans son intitulé, les membres du CNSP posent un geste fondamental, qui donne le ton sur ce que sera la suite de la transition politique.

Cet acte fondamental n’est pas pour autant commun dans les processus de transition démocratique, à l’issue d’un événement majeur : coup d’Etat, révolution populaire, conflit armé, etc. Il est inédit parce qu’il ne rentre pas aisément dans le prisme des instruments juridiques habituellement observés et qui encadre un processus de transition.

Un objet juridique difficile à identifier ?

Les processus de transition démocratique observables sur le continent africain sont pour l’essentiel gouvernés par un acte juridique fort, dont l’objectif est, soit de rassembler les différents acteurs dans une logique de consensualisme, soit de créer les bases pour la définition du futur contrat social au niveau national. Le but final de ce texte qui met en berne la constitution précédente, est quand même de créer les conditions pour un retour à l’ordre constitutionnel. C’est pour cela que la constitution est considérée comme la loi fondamentale, puisque même lorsqu’elle est mise en mal à un moment donné de l’histoire politique d’un pays, le choix ou la qualité du régime démocratique visé, justifie que l’on veuille y faire participer une grande représentation des courants politiques, idéologiques et sociales de la nation. On distingue ainsi dans ces périodes, les chartes de la transition, petites constitutions, constitutions transitoires, etc.

Les rapports entre ces normes ad’hoc et la constitution peuvent être conflictuels, au point où le Professeur Frédéric Joël AÏVO évoque un triomphe du conventionnalisme constitutionnel, pour désigner l’idée que la recherche d’un accord politique de règlement de la crise amène à mettre sous le boisseau, la constitution précédente.

Après la compétition entre la constitution et l’accord politique de transition, survient à nouveau l’ordre constitutionnel marquée par l’adoption d’une nouvelle constitution ou l’intégration des dispositions de la charte transitoire dans un processus de révision de la constitution précédente. Le Professeur Paterne MAMBO parle alors de cohabitation pacifique entre les deux types de normes, qui vise in fine à enrichir le processus démocratique et à consacrer l’hégémonie constitutionnelle.

Ces bases et échanges entre normes juridiques fondamentales sont communs aux différents processus de transition identifiés par le Professeur Mahaman Tidjani ALOU comme des moments où des acteurs politiques essaient de tirer le drap de leurs côtés en participant au mécanisme de négociation de la norme fondamentale, afin de garantir pour eux-mêmes, des conditions propices d’accession au pouvoir suprême.

C’est le but de la démocratie et l’essence même du consensualisme que les intérêts individuels des uns et des autres soient confrontés à l’intérêt général afin que se dégage un terrain commun d’entente.

 

Sur ces prolégomènes, peut-on identifier la place à accorder à l’acte fondamental n°001/CNSP du 24 aout 2020 ?

Il est rédigé comme son nom l’indique comme un instrument à portée générale pour gouverner la période au cours de laquelle le CSNP assumera les plus hautes fonctions de l’Etat. D’ailleurs le Président de cet organe auto-formé s’y déclare Chef de l’Etat. L’article 33 de l’acte indique qu’il « incarne l’unité nationale. Il est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux auxquels le Mali est partie. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi qu’à la continuité de l’Etat ».

Il faut noter que l’acte fondamental du 24 aout 2020 fait référence dans son préambule à la Constitution du Mali du 25 février 1992, qu’il considère donc comme étant toujours en vigueur. Il indique également toujours dans ce préambule, la position déjà défendue par le CNSP, qu’il n’y aurait pas eu de coup d’Etat, et que ce seraient les soulèvements populaires du 18 aout 2020, qui auraient mené à la démission du Président IBK. D’autres considérants de ce préambule évoquent l’attachement aux principes démocratiques de la Charte africaine de la Démocratie, des élections et de la Gouvernance du 30 janvier 2007 et du Protocole A/SP1/1201 du 21 décembre 2001 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.

Ces références à des textes fondateurs prônant le respect des normes démocratiques et l’existence des titres I (portant sur les droits et devoirs de la personne humaine) et II (portant sur l’Etat et la souveraineté) n’enlèvent toutefois rien au caractère antinomique du but visé par l’action du CNSP, qui serait la consolidation de la démocratie.

En effet, apparaît comme un cheveu sur la soupe dans le préambule de l’acte fondamental du 24 aout 2020, la déclaration de constitution du CNSP du 19 aout 2020. Le titre III de l’acte traite également du CNSP sans s’étendre sur la qualité de ses membres et leurs attributions à part celles du Président, qui est remplacé en cas d’empêchement par un Vice-Président, suivant l’ordre de préséance déterminé par le même Comité.

L’acte fondamental n’est pas très disert sur les objectifs poursuivis par le CNSP, à part « la nécessité de fixer l’organisation provisoire des pouvoirs publics et de jeter les bases d’un Etat de droit respectueux de l’ensemble des droits et libertés de l’Homme et du Citoyen malien » et « l’urgence de doter le Mali d’organes de transition pour la conduite des affaires publiques ».

Pourtant, comme présenté plus haut, la suspension de l’ordre constitutionnel par l’ouverture de la période transitoire en raison de la démission du Président IBK dans les circonstances désormais connues, n’empêche pas un certain encadrement de la gestion de ce temps par des règles.

 

Des références opportunes aux textes régionaux ?

Les références aux textes régionaux sont fort à-propos en effet, notamment la Déclaration sur le cadre pour une réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, héritée par l’Union Africaine (UA) et pris en considération par la CEDEAO dans son Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. Si son omission par le CNSP peut se justifier par le fait qu’il se défend d’avoir effectué un coup d’Etat, le texte de la CEDEAO référencé est tout de même en porte-à-faux par rapport à certaines dispositions de l’acte fondamental.

Son article 1er indique l’interdiction de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement, de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. De même, il poursuit en stipulant que « l’armée est apolitique et soumise à l’autorité politique régulièrement établie ; tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique électif ».

Même en arguant du fait que le Président IBK aurait démissionné par le fait de l’action populaire, le fait pour le Président du CNSP de se proclamer Chef de l’Etat, qui est un mandat électif, est en contradiction avec les textes de l’institution régionale. A fortiori, le signataire de l’acte fondamental est toujours un militaire en activité, le Colonel Assimi GOITA, Président du CNSP, ce qui d’emblée l’exclurait selon la CEDEAO à prétendre occuper cette fonction.

Au demeurant, le porte-parole du CNSP insistesur le fait que les conditions de la transition politique au Mali seront déterminés par les maliens. A moins de résumer les membres du CNSP, dont le nombre n’est pas défini par l’acte fondamental, au peuple malien, il est difficile d’appréhender l’idée que ce texte puisse constituer un instrument à vocation constitutionnelle, comme le prétend son titre VIII qui traite des dispositions finales.

Tout ou presque tout fait penser le contraire, notamment le manque de consensualisme dans l’adoption du texte, sa portée trop générale alors qu’il n’y a aucune mention de la durée de l’exercice du pouvoir par le CNSP (dont le Président se donne entre autres le droit d’accréditer des diplomates maliens et de recevoir les accréditations des diplomates étrangers), ou encore sa nature contradictoire avec des textes régionaux.

Au regard de ce qui précède, on peut dire que l’acte fondamental du 24 aout 2020 est un objet juridique non identifiable, d’abord en raison de la nature non constitutionnelle de son auteur, le CNSP n’étant prévu nul part parmi les institutions de la République pouvant prendre un texte à publier au Journal officiel. Il est également difficile d’inscrire cet acte dans la nomenclature générale des normes juridiques internes à un pays. Il n’est ni un décret, ni une loi constitutionnelle, même si le sens voulu par le CNSP est qu’il se substitue à certaines dispositions de la Constitution de 1992. Au demeurant, on peut le qualifier sans plus d’acte unilatéral, qui engage le CNSP dans la mission qu’il s’est lui-même confié au sommet de l’Etat malien.

Le CNSP, qui se réclame une certaine légitimité parce que soutenu par une partie du peuple malien, ne rêve-t-il pas trop de pouvoir comme l’accusent déjà certains de ses détracteurs ?

L’absence de référence dans cet acte fondamental à l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé à Alger en 2015 ne contribue-t-elle pas à consacrer déjà une exclusion d’une frange de la population malienne représentée par certains signataires de ce précédent texte ?

Ce sont autant de questions pour lesquelles, il faut espérer une réponse dans les rebondissements futurs de la crise malienne de 2020.

Wilfrid AHOUANSOU* est Docteur en droit public de l’Université d’Abomey-Calavi

Dans cadre d’un partenariat entre le Bureau Régional de la Fondation Konrad Adenauer pour la promotion de l’Etat de Droit en Afrique et Timbuktu Institute (Dakar-Niamey), un wébinaire régional sera organisé ce mercredi 2 septembre (11H-13h) sur le thème : « Chaîne pénale et acteurs de la société civile : quelle synergie pour la prévention de l’extrémisme violent au Sahel ? ». Il sera ouvert à la participation des acteurs étatiques, des forces de sécurité et de défense de la région, des praticiens, de la société civile, des chercheurs et des experts des organisations régionales et internationales etc.

 

Pour Dr. Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute et coordonnateur de l’Observatoire des Radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA), « les solutions strictement sécuritaires ou militaires montrent leur inefficacité et leurs insuffisances et l’aggravation de la situation dans les différents pays du Sahel invite plutôt à une valorisation des méthodes préventives y compris de la part des forces de sécurité ».

 

« Très souvent en contexte de lutte contre le terrorisme, on a tendance à opposer les acteurs de la chaîne pénale à ceux de la société civile notamment engagés dans la défense des droits humains. Il se trouve que cette conception de rôles opposés disperse les nombreux efforts dans cette lutte qui doit faire l’objet d’une approche holistique et inclusive », souligne Dr. Bakary Sambe qui rappelle que « ce premier webinaire d’une série soutenue par la Bureau régional pour la promotion de l’Etat de Droit initie un large débat dont l’objectif sera de faciliter davantage un dialogue serein entre tous les acteurs impliqués dans la prévention de l’extrémisme violent et la lutte contre le terrorisme ».

 

Par cette conférence régionale, il s’agira surtout de dégager des pistes de réflexions sur les possibilités de synergies et de coopération entre les acteurs de la société civile et de la justice pénale. L’idée est de voir dans quelle mesure « rompre d’avec la logique de l’opposition systématique des rôles » et promouvoir une meilleure collaboration dans la prévention d’un phénomène aussi complexe qui interpelle les pays de la sous-région.

 

Aux côtés des experts du Timbuktu Institute, Mme Amina Niandou, présidente d’APAC Niger (Section nigérienne de l’Association des professionnelles africaines de la presse) et le Commissaire de Police Mandjibou Lèye (commissaire central de Mbour), spécialiste des questions de sécurité, donneront des pistes de réflexion et d’actions pour engager les pays de la région dans la promotion d’un « dialogue constructif entre toutes les parties prenantes dans la lutte contre le terrorisme, phénomène déstructurant et déstabilisant pour les pays soucieux de consolider l’Etat de droit et la gouvernance démocratique ». Le débat ouvert au public sera modéré par le journaliste et analyste guinéen Mamadou Yaya Baldé, acteur très impliqué dans la promotion de la participation politique des jeunes en Afrique de l’Ouest et la défense des droits humains.

 Par Dr. Issa M. KANTÉ*

Le mardi 18 août 2020 survint au Mali un coup d’État orchestré par des officiers de l’armée réunis en Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Les condamnations par la communauté internationale ne se sont pas fait attendre, en commençant par la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), suiviepar l’Algérie, les États-Unis, la France, l’ONU, l’Union européenne, etc. Cependant, on peut faire un distinguo entre ces réactions, car il est une chose de condamner le coup d’État et d’appeler à un retour immédiat ou rapide à l’ordre constitutionnel, il en est une autre que d’imposer un isolement total à tout un peuple, qui souffre déjà depuis des années. Cette dernière option est clairement celle que prône la CEDEAO ; l’Union africaine semble aussi tenir une ligne assez ferme, à voir jusqu’où ira-t-elle. Après tout, on pourrait penser que la CEDEAO a bien raison d’adopter cette position, mais avant de tirer une telle conclusion, arrêtons-nous sur quelques passages et arguments de son communiqué[1] contre ce putsch, en les mettant en perspective par rapport à la situation qui prévaut au Mali.

 

Peut-on parler de paix et stabilité au Mali ?

Le premier passage du communiqué de l’organisation sous-régionale qui mérite réflexion est l’idée que ce coup de force des militaires « est de nature à avoir un impact négatif sur la paix et la stabilité au Mali et dans la sous-région ». Cela sous-entendrait-il que le Mali connait « la paix et la stabilité » ? La réponse est clairement non quand on est au courant de la situation dans le nord (nord-est) et le centre du pays. Le seul exemple des massacres du village d’Ogossagou, dans la région de Mopti au centre du pays, suffit pour illustrer cette sinistre réalité. En mars 2019, ce village a connu le massacre d’environ 160 personnes, révélant ainsi au grand jour les graves problèmes d’insécurité dans cette zone. A nouveau en février 2020, dans la même localité, 35 civils ont été tués et 19 sont toujours portés disparus. Inutile donc d’énumérer les attaques terroristes récurrentes contre les FAMa (Forces Armées Maliennes) et les populations civiles.

La CEDEAO, le Mali et l’ordre constitutionnel

Lorsque la CEDEAO« dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel », on peut se demander s’il y avait un véritable « ordre constitutionnel » au Mali. Quand on sait que l’institution qui était la garante même de la Constitution était contestée pour avoir rendu plusieurs décisions dont le but était de favoriser le président et son camp. Le dernier exemple en date fut la proclamation biaisée (euphémisme) des résultats des élections législatives de mars et avril 2020 par la Cour constitutionnelle. C’est cela même qui fut l’élément déclencheur de la contestation, et la « dissolution de fait » de ladite Cour, le 11 juillet dernier, par le président IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) n’a pas suffi pour sauver son pouvoir. Certes, il existe d’autres raisons plus profondes et complexes, parmi lesquelles : la crise sécuritaire dans le pays, la crise endémique de l’école, la corruption, le népotisme, le chômage, etc. Des défis pour lesquels IBK avait pourtant été confortablement élu en 2013 pour son premier mandat. Disait-on à l’époque au Mali et ailleurs que c’était « un homme à poigne », donc « l’homme de la situation » pour régler la crise sécuritaire dans le nord du pays, entre autres.

 

Au contraire, il est à noter que le temps a donné raison à ceux, moins nombreux à l’époque, qui étaient plus que sceptiques à l’idée qu’IBK puisse être une option viable. Néanmoins, à sa décharge l’histoire retiendra que la minorité sceptique de l’époque était obligée d’admettre que les quelques leaders politiques qui auraient pu apporter des solutions concrètes au pays n’avaient aucune chance en 2013 de remporter la majorité des suffrages exprimés. Le peuple dans une large proportion, à sa tête certains leaders d’opinion bien écoutés, n’avait qu’un mot à la bouche IBK, tous pour IBK. Certains diront même que les ex-putschistes de 2012 étaient de cet avis. Quelle ironie du sort ce nouveau putsch sept ans après qui aura bouclé la boucle, dirait-on.

 

A regarder de près, le peuple malien aura, pour le moins, été collectivement naïf en 2013. Et en définitive, face à ce qui lui arrive et à ce régime qui n’était plus viable, on se rappellera que ceux-là mêmes qui ont constitué le fer-de-lance de la contestation, dont certains leaders bien connus du M5-RFP, avaient été de puissants soutiens d’IBK et furent déterminants dans son élection en 2013, voire sa réélection en 2018. Certains d’entre eux auront eu l’honnêteté et le courage d’avouer qu’ils s’étaient lourdement trompés sur ses capacités réelles, et ont fini par combattre vigoureusement son régime et exiger sa démission, l’imam Mahmoud Dicko en est la figure de proue. Il faut rappeler que si la situation du pays s’est aggravée sous le régime IBK, tout n’est pas de sa faute, loin de là ; le pays paie plusieurs années de mauvaise gouvernance, de laxisme et de corruption.

 

La CEDEAO et les notions de ‘‘démocratie et de bonne gouvernance’’

Dès l’annonce de l’arrestation du président IBK, la CEDEAO « suspend le Mali de tous les Organes de décision de la CEDEAO avec effet immédiat » et évoque le « Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance ». Cela signifierait-il que pour eux le Mali sous le régime d’IBK respectait ce Protocole et jouissait d’une démocratie et d’une bonne gouvernance ? Il est fort probable que le peuple dans sa grande majorité n’est pas du tout de cet avis. La preuve, sur les réseaux sociaux et lors d’un rassemblement ce 21 août 2020 à Bamako, les Maliens ont massivement exprimé leur satisfaction de l’intervention de l’armée qui, disent-ils, aura « parachevé le travail », en qualifiant même le putsch de « victoire du peuple malien ». Et pourtant, une autre issue aurait été possible à cette crise politique et institutionnelle, mais IBK avec son entêtement n’a sans doute pas aidé. Malgré cela, il y a unanimité au Mali pour dire qu’il aurait été souhaitable que le processus de changement de régime se fasse sans l’intervention de l’armée. C’est d’ailleurs ce qu’a tenté en vain lemouvementM5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques) pendant des semaines. Elle a eu comme réponse, d’abord le silence du président, puis quelques discours ne proposant rien de concret. Et quant à la CEDEAO, avec sa tentative de médiation, elle aura plus tenté de sauver le soldat IBK au lieu de regarder la réalité en face et penser au peuple – c’est sans doute une de ses graves erreurs dans cette crise malienne. Cela d’autant plus que les 10 et 11 juillet 2020, la manifestation contre le régimea débordé et a fait l’objet d’une répression sanglante, faisant une vingtaine de morts selon diverses sources.

 

La fermeture de toutes les frontières avec le Mali

Si une décision de la CEDEAO est vécue dans le pays comme une punition contre le peuple, c’est bien l’annonce de« la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les pays membres de la CEDEAO et le Mali » et l’invitation formelle à « tous les partenaires à faire de même ». A peine une semaine après, force est de constater que les conséquences de cette décision se font sentir, non seulement dans des villes/régions frontalières du Mali, comme à Kayes vers la frontière sénégalaise (cf. reportage audio RFI[2]), mais également à la frontière Mali-Niger, en l’occurrence la localité nigérienne d’Ayorou[3]. Et comme si l’on ignorait encore plus la souffrance des populations, deux jours après le putsch, les Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO se sont réunis par visioconférence (Covid-19 oblige) en session extraordinaire et « demandent le rétablissement immédiat du Président Ibrahim Boubacar Kéita en tant que Président de la République, conformément aux dispositions constitutionnelles de son pays »[4]. Là pourrait-on voir une pure incantation d’une CEDEAO des chefs d’État.

  

La CEDEAO des Chefs d’État, ou la CEDEAO des peuples ?

En prenant des décisions dont les conséquences touchent plus les populations que les putschistes, la CEDEAO court le risque dese mettre à dos ses peuples. On peut craindre que ce qui se passe au Mali aujourd’hui puisse arriver ailleurs dans la sous-région, où certains pays connaissent des contestations contre un troisième mandat de leur président. Ainsi, au Mali et à ailleurs il est erroné de rejeter la faute sur les seuls militaires putschistes, car parfois les coups d’État font suite à un dysfonctionnement démocratique des instituions en place, souvent accompagné d’un refus catégorique du pouvoir d’écouter le peuple. En la matière, on peut rappeler les décisions de la Cour constitutionnelle du Mali en faveur du pouvoir en place lors de la proclamation des résultats des dernières élections législatives.En somme, les Chefs d’État de la CEDEAO doivent d’abord s’appliquer à eux-mêmes les principes du « Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance ». Peut-être que cela limitera les coups d’État, ou à défaut mettrait les dirigeants de l’organisation sous-régionale dans une position cohérente face aux futurs putschistes.

 

*Issa M. KANTÉ

Chercheur Associé

Enseignant-chercheur, Linguiste

Université de La Réunion, France

 

 

[1]Communiqué sur la situation au Mali, 18 août 2020 :https://www.ecowas.int/category/actualites/communiques-de-presse/?lang=fr (consulté le 19/08/2020)

[2] Cf. reportage audio RFI https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200823-mali-sort-ibk-coeur-discussions-entre-la-c%C3%A9d%C3%A9ao-junte (consulté le 23/08/2020).

[3] Cf. article RFI https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200823-niger-habitants-frontaliers-mali-inqui%C3%A8tent-fermeture-fronti%C3%A8res (consulté le 23/08/2020)

[4]Cf. https://www.ecowas.int/wp-content/uploads/2020/08/DECLARATION-DES-CHEFS-D-ETAT-SUR-LE-MALI-200820.pdf (consulté le 21/08/2020)

Les arabisants sénégalais : Une "contre-élite" à l’heure de la reconfiguration du champ politico-religieux (Dr. Bakary Sambe)

 

Il y a plus de dix ans de celà, Dr. Bakary Sambe, de retour d'une conférence internationale au Caire organisée par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) attirait l'attention, dans les colonnes de Leral.net, sur la question de la marginalisation ds élites arabophones et ses éventuelles conséquences sur la cohésion sociale au Sénégal. Il est revenu sur cette même problématique dans son récent ouvrage "Contestations islamisées" (Editions Afrikana, Montréal, 2018)
 
Timbuktu Institute reprend intégralement ce texte d'il y a une décennie remis au goût du jour par la sortie de Serigne Kosso Mbacke Ibrahima, fils du Khalife Général des Mourides déplorant cette marginalisation d'un pan entier de l'élite sénégalaise par le simple fait que ces intellectuels et cadres dans divers domaines ne s'expriment pas dans la langue officielle du pays. Ce cri du coeur du Directeur de Timbuktu Institute avait donné lieu à un Memorandum présenté par les "arabisants" aux candidats à la présidentielle de 2012. Suite à sa signature, le Président Macky Sall avait pris la décision, une fois élu, de mettre en place un Baccalauréat arabe et de rouvrir la section arabophone à l'ENA. Avant celà, d'autres hommes politiques comme Idrissa Seck avaient aussi pris position pour une meilleure inclusion de cette élite dans la gestion du pays notamment dans un célèbre discours en août 2010 à Thiès. Le terme contre-élite a été utilisé dans le sens d'une élite marginalisée par un système francophone hérité de la colonisation.
 
 

Voici le texte intégral (publié le 30 juin 2010)

Il y a quelques semaines, dans les colonnes de Walfadjri, Penda Mbow attirait l’attention sur la situation de ces nombreux sénégalais en formation dans les universités du monde arabe. Elle a tenté de lever certaines équivoques sur cette frange de l’intelligentsia sénégalaise souvent mal comprise et dont une certaine élite « francophone » sous-estime les possibilités d’apport au débat et à la marche de la société. Il convient pour nous, d’aller à la source d’un tel malentendu et de retracer l’itinéraire de cette « contre-élite » pour ainsi comprendre la manière dont leur contestation d’un modèle sociopolitique se cache très souvent derrière celle d’un système qui ne leur fait pas de place, surtout au moment où nous assistons à une reconfiguration du champ politico-religieux sénégalais.

 
Ces lettrés sénégalais sont issus de ce type d’enseignement cherchant encore sa place et qui est, paradoxalement, le premier qu’a connu le Sénégal bien avant l’époque coloniale inaugurant l’ère de l’« école nouvelle » dont parlait Cheikh Hamidou Kane. Pour preuve, Ca Da Mosto, un voyageur portugais qui sillonna le Sénégal de 1455 à 1457 faisait, déjà, mention, dans ses écrits, de la présence de quelques lettrés arabes dans la cour du Djoloff enseignant l’arabe et l’islam aux princes du royaume. Tant qu’ils sont dans les écoles coraniques, généralement tenues par des cheikhs d’obédience soufie, les futurs « arabisants » sont, dans leur majorité, des adeptes des différentes confréries religieuses que compte le pays. Leur passage aux « écoles arabes » privées, construites dans les grandes villes, grâce à l’aide des pays arabes, constitue le premier contact avec un autre type d’islam. Aux yeux de ces arabisants, cet islam est plus « moderne » car les connectant directement au reste du monde musulman, à la différence des confréries locales. 
 
Cette « connexion musulmane » dont parlait, déjà, Christian Coulon se fait à travers les manuels et livres importés des différents pays du Maghreb et du Machrek. Il faut savoir que le recours aux manuels arabes est le seul moyen possible pour l’acquisition de connaissances sur les nouvelles disciplines inexistantes à l’école coranique traditionnelle ou tout autrement traité. On parle d’ailleurs de « livres blancs » (tééré you weekh yi » par oppositions aux « livres jaunes », ces livres traditionnels, ou « Mutun » enseignés dans les écoles coraniques. L’Etat sénégalais, lui, n’a aucune emprise sur l’orientation de cet enseignement qui, pour les associations islamiques, est délaissé, voire combattu, par les pouvoirs publics. Les associations islamiques, elles, ont les moyens « relationnels » d’envoyer les élèves sortis de leurs propres écoles, poursuivre leur formation dans des « pays partenaires ». Par cette forme de partenariat, la plupart des anciens élèves du « Mouvement al-Falâh pour la Culture Salafiste », proche de l’Arabie Saoudite, rejoignaient l’Université Islamique de Médine et s’inscrivent, généralement, en faculté de Sharî’a ou Usûlu Dîn. 
 
L’orientation wahhabite claire de cette organisation la met en contact direct avec les institutions religieuses et universitaires de l’Arabie Saoudite sans passer par les circuits officiels du gouvernement sénégalais. Quant à la Jamâ’at ‘Ibâd Rahmân, apparemment plus autonome à l’égard de l’Arabie Saoudite et des autres pays arabes mais avec une plus grande culture et maturité politiques, il compte plusieurs anciens élèves dans d’autres pays comme l’Egypte ou même, depuis peu, en Jordanie. Un partenariat moins officiel avec le courant des Frères Musulmans lui donne la possibilité d’obtenir des bourses à ses meilleurs élèves-militants. Chaque année, différents pays arabes offrent des bourses à l’Etat sénégalais. Parmi eux, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Maroc, les Emirats Arabes Unis, le Koweït ou encore le Soudan. Il faut, cependant, signaler que, pour le cas de ce dernier pays, il s’agit d’une stratégie de « décentralisation » de la part de l’Arabie Saoudite. 
 
Depuis quelques années, pour éviter certains « problèmes » liés à l’immigration, le royaume wahhabite, construit des instituts et universités islamiques dans d’autres pays susceptibles d’accueillir des étudiants venant de tout le monde musulman. C’est ainsi que, sous la couverture et le soutien financier de l’Arabie Saoudite, l’université islamique de Khartoum organise chaque année des concours de recrutement des futurs lauréats des bourses saoudiennes. Il faudrait aussi mettre dans ce cadre l’Université islamique du Sahel au Niger. De même, le séminaire de formation qui a lieu, chaque été, à Dakar, à l’Institut islamique, est clôturé par des examens dont le classement servira à sélectionner les futurs boursiers sénégalais de l’Université islamique de Médine.
Avant la seconde guerre du Golfe, en 1991, le Koweït octroyait de nombreuses bourses et avait la particularité d’être l’un des rares pays à permettre aux étudiants sénégalais de poursuivre leurs études dans d’autres disciplines autres que littéraires ou religieuses, dans des disciplines scientifiques par exemple (sciences de l’ingénieur). 
 
Le Maroc, propose deux sortes de bourses : celles destinées aux francophones et gérées par l’Etat, par le biais du Ministère de l’Education nationale, dans le cadre du conseil interministériel qui réunit les deux pays, et les autres décernées par des organisations religieuses, comme la Ligue des oulémas du Maroc et du Sénégal à des arabisants, généralement poursuivant des études islamiques à Fès ou à Al-Jadîdah.

L’Irak alors baasiste était, aussi, une des destinations des étudiants sénégalais arabophones tant qu’il était un partenaire circonstanciel du Sénégal, durant sa longue guerre qui l’opposait à l’Iran chiite. Ce fut la période des grands chantiers irakiens dont le Centre culturel Saddam Hussein à Dakar.
Dans le cadre de sa politique panarabe, La Syrie essayait de donner, à de nombreux sénégalais, la possibilité de poursuivre leurs études dans ses différentes universités à Damas et à Alep, par une aide apportée aux pays promouvant l’enseignement de l’arabe. On dirait que la lutte pour le leadership dans le monde arabe comportait, ainsi, un volet culturel qui se manifeste par la recherche d’influence dans les autres pays, même non arabes en en formant une partie de l’élite.

Derrière tous ces efforts de soutien de la langue arabe pour certains, et de la religion musulmane, pour d’autres, il y avait une volonté de se doter d’un statut de pays phare du monde arabe ou arabo-islamique, devant servir de modèle religieux et culturel. Nous reviendrons sur cette quête de modèle religieux qui donne lieu, quelques fois, à un véritable affrontement par mouvements islamiques ou confréries interposées, véritables relais dans des relations où le facteur religieux peut être déterminant par rapport aux autres ressources politiques ou diplomatiques.

Il s’agit, pour ces pays, de former le maximum d’étudiants étrangers, notamment africains, afin que ceux-ci, après leurs études, soient les « ambassadeurs » et promoteurs des cultures respectives dans lesquelles ils ont acquis leur formation. Autrement dit, le lieu d’acquisition de la culture est déterminant dans le choix des futurs partenaires, comme nous dira un de nos interlocuteurs, aujourd’hui à la tête d’un grand mouvement islamique soutenu par l’Arabie Saoudite. Les pays arabes ont certainement compris cette donne et en font un des éléments clés pour orienter leur politique africaine.
C’est ce lien qui fait d’eux les représentants d’un autre islam opposé ou alternatif à celui local, confrérique et presque spécifiquement sénégalais. Certes, des confréries auront des contacts avec l’extérieur mais sans que cela puisse avoir un impact sur leur orientation soufie. On pourrait penser à une stratégie d’adaptation ou, du moins, de résistance pour subsister dans un monde où il y a une interpénétration des enjeux. .L’enjeu même des associations islamiques fondées pour la plupart par des arabisants, réside dans ce double rôle de représenter, en tout cas, dans le discours, un islam anti-confrérique, militant et, généralement, contestataire. Est-ce le premier signe d’une opposition à un système verrouillé qui ne leur fait pas de place ?

Il est vrai qu’à travers l’action des associations islamiques il y a, quelques fois, une contestation du système confrérique, considéré comme statique et incapable d’ « internationaliser » l’islam sénégalais, de le connecter au reste de la Ummah. La politique étatique, de tout le temps, conçue comme « hostile à l’épanouissement et au développement de l’islam » dans un pays où les musulmans sont largement majoritaires est, aussi, la cible de leurs critiques. Ces deux types de contestations sont à la base de l’existence des associations islamiques du type moderne au Sénégal : un véritable paradoxe si l’on sait que les premiers lettrés ayant étudié dans le monde arabe furent les « enfants » des maisons confrériques.
Par cette opposition aux confréries qui, il est vrai, s’est beaucoup atténuée, quelques fois modérées par des circonstances sociopolitiques, et une attitude contestataire face à l’ordre institutionnel dans lequel, ils ont du mal à s’intégrer, les militants associatifs islamiques, essayent donc de s’affirmer ailleurs et autrement. La principale cause de leur exclusion du système, ainsi, contesté est le non-maniement de la langue officielle, le français.

Ils essayent, ainsi, de transférer le conflit ailleurs où leur maîtrise du débat religieux et de langue arabe, sacralisée dans les perceptions, leur permettra de mieux affronter l’Etat et ses institutions qui ne leur font aucune place. Ce capital symbolique, ils sauront aussi le réinvestir dans la production d’un contre-modèle, ou du moins, d’un modèle concurrent par rapport à celui des élites « francisées » pour, quelques fois, s’accaparer le débat religieux dont ils font un domaine réservé.

Arabisants et sphère politique : « Islamisation de la contestation » ou vrai mal d’intégration ?

Le concept d’islamisation de la contestation repris par Gilles Kepel# pourrait, à première vue, s’appliquer à la stratégie des élites arabisantes. Parti du constat selon lequel leur intégration dans les circuits économiques et du pouvoir politique est entravée par, non pas un manque d’instruction, mais la non-maîtrise de la langue des institutions, les arabisants du Sénégal vont recourir à l’islam, ressource symbolique qu’ils maîtrisent mieux que quiconque, pour s’affirmer sur le terrain de la contestation#. Cette dernière étant un thème éternellement porteur dans des contextes sociopolitiques particulièrement marqués par l’insuffisance des ressources en tout genre, constitue, pour eux, un véritable capital. Il sera investi et géré selon les fluctuations afin d’en tirer les profits dont ils sont privés ailleurs par un certain handicap linguistique.

Mais, quelque part, dans le cas du Sénégal, le concept d’islamisation de la contestation cher à G. Kepel serait plus ou moins réducteur car il s’agit en même temps d’une stratégie d’affirmation. Là où ils sont considérés comme d’un faible poids sur les institutions et la classe dirigeante, ils essayeront de peser sur les consciences populaires et massives, par une inégalable manipulation des symboles religieux. Conscients de la force de tels symboles, les pouvoirs publics, ne voulant pas s’inscrire dans une éternelle situation de conflits avec cette « élite frustrée », essayent de s’accorder les faveurs de partenaires qui peuvent être utiles, au moins, en matière de politique étrangère. Ce procédé est efficace et sans risques politiques internes, pour l’Etat, dans le sens où cette collaboration en politique étrangère avec les contestataires de l’ordre interne, n’entame en rien ses rapports « cordiaux » avec les confréries et leurs marabouts ; véritables alliés électoraux.

La première association islamique du Sénégal vit le jour au milieu des années 50 que. Elle est, d’ailleurs, née de la contestation d’une décision politique. Suite à la suppression des bourses d’études de Sénégalais en Algérie, en Tunisie et au Maroc, les étudiants, mécontents, formèrent, à leur retour au pays, l’Union Culturelle Musulmane dirigée depuis par Ahmed Iyane Thiam. Cette génération fut, par la suite, de proches collaborateurs du régime de Léopold Sédar Senghor, pourtant, à l’origine d’une telle décision.
Ils furent, dans leur majorité, intégrés dans les circuits étatiques, au sein des différents ministères. Sous cet aspect, Mar Fall#, se posait la question à savoir si les arabisants constituent réellement une contre-élite ou de simples courtiers de l’Etat. Mais cette manière d’absorber la contestation par des rétributions matérielles ou symboliques montra, très vite, ses limites économiques, devant une raréfaction progressive des ressources et donc une intensification de la conflictualité.
Le sort des premiers arabisants fut fort différent de celui des générations suivantes qui auront du mal à trouver leur place dans un système dont la langue française demeure la clé et l’ascenseur social. Peut être que la première génération, qui, jusqu’ici, avait étudié dans le Maghreb, principalement, en Tunisie et fréquenté le célèbre collège franco-arabe de Dakar, avait plus de chance de servir l’Etat. Ils étaient principalement traducteurs, interprètes et même, pour certains, auxiliaires des Affaires étrangères dans les ambassades de la jeune République de Sénégal, dès 1960. Une section fut ouverte, dans la foulée, à l’ENAM, pour les y intégrer afin de servir la diplomatie sénégalaise dans le monde arabe.

Léopold Sédar Senghor, président de confession chrétienne, d’un pays à majorité musulmane, avait besoin de relais et d’émissaires auprès des partenaires arabes surtout dans les années 70 avec les terribles vagues de sécheresse qui frappèrent le Sénégal, à l’économie reposant essentiellement sur l’agriculture. Les fonds arabes étaient, alors, très prisés pour renflouer les caisses de l’Etat. Avec les chocs pétroliers successifs, les économies africaines, comme celles de tout le tiers-monde, étaient à la recherche de soutiens financiers.
Pour mieux bénéficier des pétrodollars, les Etats africains avaient développé une diplomatie active en direction du monde arabe qui cherchait, aussi, des soutiens politiques pour ses différentes causes. La présence, au Sénégal, d’une élite, produit des universités du monde arabe, se révéla, alors, un grand atout pour sa jeune diplomatie. Ainsi, les premiers arabisants furent largement associés à ces initiatives et devinrent de véritables collaborateurs de l’Etat, surtout, aux Affaires Etrangères.

Trouvant ce circuit saturé, la seconde génération aura le pressentiment d’être exclue et ne pourra espérer aucune ascension sociale. Cette génération produira de grandes figures d’opposants. Elle n’a jamais pu supporter cette exclusion injuste et de facto.
Les chefs confrériques, alliés d’un pouvoir se disant laïque, seront, de ce fait, la cible privilégiée des militants associatifs islamiques. De telles données que sont la collaboration avec l’Etat, la proximité ou l’opposition aux confréries sont des aspects importants qu’il faut prendre en compte pour analyser et comprendre l’orientation et les actions des associations islamiques.
De manière générale, plus elles sont proches des cercles confrériques ou de l’Etat, les associations tiennent un discours qu’on peut qualifier de modéré ou conciliateurs. Aussi, les associations se déclarant en rupture totale avec les confréries et marquant leur distance par rapport à l’action étatique s’inscrivent-elles plus dans une dimension internationale, se solidarisent avec d’autres mouvements islamiques du monde arabe et, par conséquent, se caractérisent par un certain radicalisme dans le discours et dans l’attitude face à l’action publique de l’Etat.
D’une certaine manière, il y a une évolution considérable du champ islamique sénégalais que les africanistes du Nord n’arrivent pas encore à intégrer. Ils continuent à fonctionner avec un schéma hérité des perceptions issues de la littérature coloniale sur l’islam sénégalais des années 50, fondé sur une dualité entre confréries et associations islamiques dites réformistes.

Il y a de cela plus de dix ans, lors d’un colloque, nous nous étions attiré les foudres des africanistes parisiens en appelant à un renouvellement des paradigmes dans l’approche de l’islam au Sud du Sahara, notamment au Sénégal, où nous parlions d’une transition islamique : le terrain religieux est devenu le catalyseur de la contestation, thème politique le plus porteur dans un contexte de grandes difficultés socio-économiques. L’autre signe de la reconfiguration du champ islamique sénégalais est cette montée en puissance, au sein même des confréries, de mouvements périphériques déplaçant les lignes traditionnelles pour ce qui est de la légitimité et du leadership. En même temps, une nouvelle génération d’arabisants, certes, divisée entre partisans d’une modernisation de l’islam et d’une islamisation de la modernité, est venue densifier et rendre encore plus complexe le champ habituel des interactions entre pouvoir politique et détenteurs de la parole religieuse écoutée.

Dans un tel environnement, une élite intellectuelle comme celle des arabisants ne manquera pas de faire entendre sa voix surtout si elle part du postulat selon lequel, le modèle qui a régné depuis les indépendances a déçu dans bien des domaines et surtout qu’elle peut massifier les rangs de la contestation en recrutant chez les déçus du système confrérique. C’est là où elle semble vouloir se poser en alternative venant se greffer à l’offre politique déjà abondante dans un pays en pleine recherche de modèles.  
 
Souce : www.leral.net

A l’heure où l’essentiel des réflexions semblent orientées vers la COVID-19 et ses innombrables retombées sur tous les secteurs, les groupes terroristes et les réseaux transnationaux menaçant la stabilité de la région sont toujours à pied d’œuvre comme le montrent les récentes attaques dans la zone des trois frontières du Liptako Gourma.

Saisissant l’importance de la prévention malgré la prédominance des stratégies du tout-sécuritaire ainsi que le renforcement des capacités des acteurs, Timbuktu institute – African Center for Peace Studies– en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer, a lancé une série de sessions de formation des jeunes leaders actifs dans les régions frontalières sur les enjeux transnationaux, plus précisément à la criminalité transnationale, aux extrémismes et ainsi pousser la réflexion sur leurs défis et opportunités. La porosité des frontières, la négligence de telles problématiques cruciales en raison de la pandémie, la montée des extrémismes sont entre autres autant de facteurs justifiant la tenue d’ateliers de formations qui cherchent à réfléchir sur les défis et opportunités qui se présentent aux populations transfrontalières.

La session de formation inaugurale aura lieu ce mercredi 12 août 2020 en ligne sur le thème « Habiter à la frontière, défis et opportunités. Enjeux transnationaux, combattre les extrémismes et la criminalité transnationale ». Elle ciblera des leaders de la région de Ziguinchor et relevant de diverses catégories socioprofessionnelles. Les régions de Saint-Louis et Kaolack bénéficieront de leurs ateliers les 19 et 26 août prochains. La formation sera animée par le Dr. Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute et Monsieur Assane Dramé, Expert des questions juridiques et responsable du Pôle contre-terrorisme, criminalité transnationale organisée et problématiques migratoires au Timbuktu Institute. Elle sera facilitée par Mlle. Yague Samb, Responsable Pôle Etat de droit, gestion des conflits et dialogue politique appuyée par l’équipe technique et de communication digitale.

L’atelier se voudra interactif au regard du temps important qui sera consacré aux débats mais aussi aux partages d’expériences qui démontrent la réalité des menaces transnationales.

L’objectif est qu’à l’issue de cette session de formation, les participants en sortent outillés sur la question des enjeux et menaces transnationaux pour ainsi répliquer ces formations auprès des populations locales. Les jeunes leaders seront ainsi confrontés à des expériences de terrain mais aussi des cas pratiques à partir des récentes interventions des équipes de Timbuktu Institute aussi bien au Sahel, dans le Bassin du Lac du Tchad mais aussi en Afrique cotière.

 Par Morgane Ferreira

« Il est à saluer fortement que l’Italie et ses décideurs fassent l’option d’écouter le terrain et d’associer les chercheurs africains dans la réflexion et l’élaboration des stratégies ; cela relève d’un bel esprit de co-construction qui pourrait aider à éviter les incompréhensions  et les préjugés qui ont été déplorables pour certaines politiques de coopérations », dira Bakary Sambe à l’entame de son propos.

Fin juillet 2020 le Directeur du Timbuktu Institute est intervenu en tant qu’expert à la web-conférence « sécurité dans le Sahel : conférence-débat entre des experts italiens et africains », organisé par l’Italia-Africa Business Webinar, avec Mr Cleophas Adrian Dioma et animé par Mr Jean Leonard Touadi. L’objectif de cet important webinar était de cerner les enjeux sécuritaires auxquels fait face le Sahel et de permettre aux expert.es de fournir leur analyse de la situation actuelle. Pour Dr. Bakary Sambe, « ce partenariat dans le domaine de la recherche s’inscrit en droite ligne de la suite des échanges lors de la rencontre entre une délégation de l’Institut et la vice-ministre italienne des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Mme Emmanuela Del Ré lors de sa visite au Sénégal en janvier 2013 ».

 

Entouré de Dr. Mahamoudou Savadogo, chercheur sur les extrémismes violent (Institut of Security Studies), Mr. Giuseppe Mistretta, directeur Afrique subsaharienne du Ministère des affaires étrangères Italien, Dr. Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network, Mr. Sergio Vento, ex-ambassadeur et actuel président de Vento&Associati ainsi que Mr. Camillo Casola, chercheur (Afrique- ISPI), Mr. Sambe a pu livrer une analyse sur les leçons et échec que les précédentes approches sécuritaires ont apporté à la lecture des conflits sahéliens.

 

Pour rappel, le Sahel connait un ancrage fort de présence de groupes terroristes armés, divisés entre les groupes affiliés à Al Qaeda, avec notamment le groupe appelé « JNIM » acronyme de l’arabe « Jama'at Nusrat al-Islam wal Muslimin » (litt. « Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans ») et l’État Islamique, avec sa branche du Grand Sahara – sous le nom de EIGS. Cette présence terroriste armée a été au cœur des préoccupations internationales, notamment dû au fait que cela est perçu comme facteur principal d’immigration. La France a ainsi largement soutenu les forces armées du G5 afin de lutter contre le djihadisme violent et est maintenant principalementrejoint par l’Italie et l’Allemagne. Le débat a commencé avec une mise en cause de cette question d’urgence d’agir maintenant sur les flux migratoires liés aux terrorismes, notamment avec la récente implication italienne.

 

Il était d’abord question de relativiser la quantité de flux migratoire vers l’Europe en rappelant que la migration est avant tout un phénomène qui se déroule entre les pays de la région. D’ailleurs, lire la situation de flux migratoire comme résultante directe de l’insécurité de la région n’est pas suffisant. Les experts se sont accordés pour souligner l’importance d’une lecture multidimensionnelle des conflits au Sahel : si le terrorisme est un facteur d’insécurité non-négligeable, il reste important de comprendre que ce n’est plus le seul à créer une instabilité dans la région. Les conflits intercommunautaires ont pris une importance dans les enjeux sécuritaires, avec notamment la création de milices communautaires ou de groupes d’auto-défense qui commettent aussi certaines exactions au nom de la défense de leur communauté. L’installation de groupe criminel favorise aussi un climat de violence et de crimes dans la région. Enfin, Mme Bagayoko a très justement souligné qu’il ne fallait pas oublier les exactions et crimes commis par les forces armées déployés, notamment au Burkina Faso, Mali et Niger.

 

Dr. Sambe a appuyé ce point en acceptant qu’il fallait certes trouver des solutions pour plus de sécurité dans la région, mais qu’à ce jour la présence militaire n’a pas été suffisante dans le combat pour la stabilité. Il faut d’abord noter que l’intervention militaire de la communauté internationale s’est faite avec un retard de 40 ans dans la région du Sahel. La communauté internationale n’a pa s été au rendez-vous lors des grandes sécheresses des années 1970 pendant que l’Europe et les Etats-Unis étaient frappés par la crise pétrolière et financière. La crise s’est accentuée, ensuite, avec les politiques d’ajustement structurel qui ont positionné d’autres acteurs tels que les ONG islamiques au détriment des Etats fragilisés.

En plus de ce retard, il y a aujourd’hui, une multiplication d’acteurs et de stratégies européennes sans coordination au moment où les groupes terroristes tissent leur toile et étendent leurs réseaux en créant d’autres épicentres. À l’heure actuelle il y a 19 approches différentes proposées par la communauté internationale et les pays du Sahel pour gérer la crise. Cette diversité de méthodes d’actions ne permet pas, dans les faits, d’améliorer la situation car lorsque la communauté internationale tente de répondre à la menace, les groupes djihadistes eux s’organisent et se multiplient.

Ainsi, le sentiment d’insécurité des populations est accru car la militarisation de la région ne s’est pas accompagnée d’une baisse d’intensité dans la menace terroriste. C’est ce sentiment d’insécurité qui va alimenter la volonté des populations locales de se défendre par eux-mêmes et ainsi user de leurs propres moyens pour le faire. Cela a pour conséquence une communautarisation de la sécurité et donc une crise de confiance envers les approches purement militaire.

 

Il faut noter que les échecs des opérations militaires ne sont pas des nouveautés pour l’expert, car pour lui, la réponse purement militaire ne représente pas une solution en soi. Elle s’attaque aux symptômes et non à la racine du mal bien qu’il faille gérer les urgences sécuritaires. Ce ne sont pas des solutions suffisantes au vu de la complexité des conflits sahéliens car une approche militaire ne prend pas en compte la complexité de lecture des conflits de la région. Il faut pouvoir proposer une réponse éducative et holistique pour contrer le terrorisme et la violence. Et cela ne pourra se faire qu’avec la prise en compte et l’écoute des experts africains. Le sentiment de manque de confiance envers les approches purement militaire est rejoint par un sentiment de défiance envers les institutions et la communauté internationale. Il y a un fossé de compréhension entre les acteurs et les populations : les États du Sahel et la communauté internationale proposent des approches sécuritaires ne prenant pas forcément en compte les besoins et attentes des populations locales.Cette difficulté à intégrer une démarche civilo-militaire dans les solutions proposées crée un « conflit de perception » et facilite l’implantation des de l’extrémisme violent, car les terroristes au contraire, restent proches des populations locales.

 

Ainsi sans l’inclusion et la valorisation de l’expertise africaine et la création d’un dialogue constructif entre le Nord et le Sud, les approches internationales de résolutions de conflits resteront peu effectives sur la racine des problèmes. Il faut que la communauté internationale puisse tirer des leçons de ces précédents échecs, c'est-à-dire sortir des schémas préconçus sur la région, en prenant en compte l’aspect multifactoriel des conflits et en rendant majoritaire les experts africains et les populations locales dans la discussion.

 

Mr. Sambe a donc rappelé aux experts italiens que la place de l’Italie dans cette discussion -notamment dans une démarche de ralentissement de l’immigration, ne pourra être qu’avantagée par une démarche plus développementaliste et basée sur l’apport d’une valeur ajoutée par rapport aux solutions actuelles. A ce sujet, il souligne d’ailleurs que la valeur ajoutée de l’Italie dans son engagement au Sahel serait de mitiger les stratégies actuelles – tournées vers le tout-militaire-  et qui ne produisent pas, pour l’heure, les résultats escomptés.

 

*Morgane Ferreira est actuellement stagiaire au Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies travaillant sur les dynamiques de genre en rapport avec les questions de paix et de sécurité mais aussi l’appui aux stratégies de communication dans les programmes de stabilisation des zones post-conflits. Ce compte-rendu a été réalisé dans le cadre de ce stage 

Ce sont les Djeliw qui nous ont toujours appris que «le monde est vieux, mais l’avenir sort du passé !». Le Mali ira chercher la paix dans ses tripes, dans ses tréfonds et l’offrira en trésor à l’Afrique qui retient son souffle et au monde qui nous regarde !

Nous, qui sommes tous Maliens !

Le pays par excellence du « Sinankuya », permettant la paix même dans l’adversité,  est une terre de paix, d’hommes de paix, valeureux, créatifs capable de génie, surtout du génie du dialogue.

Ce peuple du Mali est capable de paix des braves !

La grandeur historique d’un pays et d’un peuple ne saurait mentir. Elle est une force motrice pour les grands sursauts. Il en faut aujourd’hui !

Les descendants de ces fondateurs d’empires ne peuvent être que de grands hommes d’Etat malgré les vicissitudes de l’Histoire.

N’oublions jamais que ce peuple malien dont les ancêtres furent à l’origine de l’Empire du Wagadou ou Gana, qui ont réussi à unir les peuples de notre sous-région a été capable du meilleur de l’Afrique. Il ne peut être à l’origine du pire : la survie du Mali est celle de notre région. Sa paix est celle de tout le monde !

Héritiers comme nous autres Africains de ceux qui dès 1236 ont proclamé la Charte du Mande à Kouroukanfouga, les Maliens sont avant tout des citoyens ! Ils en ont incarné l’esprit. Ils n’ont point attendu que plus de 700 ans plus tard, une Déclaration consacre les Droits de l’Homme de manière universelle !

Pays continent aussi bien par son étendue que par sa densité culturelle, mosaïque harmonieuse et symbole de l’Afrique unie dans sa diversité : Mali Baa !

Notre pays, parce qu’elle est l’Afrique ! Pays entre autres des Bamananw, Bwa, Mandenkaw, Soninké, Fulbé, Dogon, Kel Tamashek, Sonraï, Bozo, Sénoufo, Tekurari, Minyankaw, Khassonké, Touaregs, ayant conjugué le tréfonds culturel africain dans ce qu’il a de plus authentique, puisé de la culture musulmane un viatique spirituel, consigné à Toombouctou, Djenné et ailleurs le savoir du Moyen-Age et à l’origine de l’Alphabet Tifnagh, unifié Bambara, Peul, Dogon et, entre autres, les Imochar ou Imaggaren…

Parce que braves, les Maliens sont femmes et hommes de paix !

Même au fond de la nuit, habité par le doute et le rêve légitime de lendemains meilleurs d’un « Mali Koura », se remettre debout et marcher n’est plus de l’ordre du miracle mais du possible.

Parce que certain qu’il décryptera dûment le message, Timbuktu Institute a voulu se joindre à la voix de Balla Fasséké, des familles fondatrices de Bamako,  et rappeler au Mali sa responsabilité historique de construire son avenir dans la paix !

Par sa voix, l’Afrique veut tendre fraternellement et symboliquement à un peuple ami et frère, cette barre de fer issue de ce matériau tiré des entrailles de cette riche terre du Mali pour qu’à l’instar de Soundjata, il se lève pour de bon et marche pour la paix, la grandeur et la Renaissance de l’Afrique !

Le Timbuktu Institute publie, avec le soutien de la Fondation Konrad Adenauer, une série de notes sur la société civile à l'épreuve de la pandémie COVID-19 au Sahel. Cette note d'analyse s'inscrit dans cette série: Recherche réalisée entre le 1er et le 30 juin sur le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad 

 

«  S'il fallait rebaptiser la COVID-19, elle s'appellerait sans doute Julie, Fatou ou Marie  » [1]. Cette affirmation attribuée à l'Envoyée spéciale de l'Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité, Madame Binta Diop illustre et résume à bien des égards les conséquences sexospécifiques non négligeables de la pandémie. En effet, depuis l'éclatement de celle-ci, on a pu constater, à l'échelle planétaire, en vue de collatéraux dont une bonne partie a occupé la gent féminine de manière quasi identique mais à des degrés différents. C'est tout à fait le cas pour ce qui est de la flambée des violences exercées sur les femmes, l'accentuation de leur précarité financière et sanitaire, l'inégalité en termes de représentativité et de prise de décisions dans la gestion de la crise .

L'Afrique subsaharienne n'a pas fait exception à la règle - bien qu'elle soit moins touchée - car ses acteurs féminins n'ont pas été épargnés par les effets dévastateurs de la pandémie. Le constat est que le nouvel «ennemi mondial» a fini par installer une exacerbation des problèmes existants. Une telle situation a obligé ainsi les Etats à se réorganiser en conséquence sur tous les plans afin de faire barrière à une pandémie dont on savait si peu. Pour, l'état d'urgence assorti du cela couvre-feu à des horaires différents d'un pays à un autre, le confinement, les restrictions de déplacement -le tout dans un emballage de plan de plan de riposte- ont été adoptés pour répondre de manière précoce à la crise.

De plus, les statistiques africaines présentent une nette infériorité des cas de contaminations de femmes par rapport aux hommes. Néanmoins, la surreprésentation féminine au sein du personnel soignant mondial comme africain de même que dans le secteur informel, leur rôle incontournable dans les situations de crise, mais aussi leur place de pilier dans les sociétés de l'Afrique subsaharienne, vont de pair avec leur Face à cette crise sanitaire. Ce sont, entre autres raisons pour elles se sont fait distinguer à travers des contestations quoi que timides mais empreintes de sens quand on sait la gravité de la menace et des spéculations afférentes au coronavirus en Afrique.

Mais les femmes se sont en réalité plus illustrées à travers la créativité grâce à des initiatives qui ont convergé avec les plans de crise nationaux. Pendant ce temps, les organisations internationales et régionales sensibles à la cause féminine, ont été d'un grand apport aux initiatives de femmes dans le cadre de la riposte contre la COVID-19.

Convient-il de préciser la spécificité du Sénégal en ce sens qu'il figure, à la date de publication du présent papier, en tête des pays pour le nombre de ses cas, au Sahel. Cette situation justifie la fréquence des exemples donnés à son propos comparé aux autres pays. Cela peut aussi être dû au fait que les autres pays ne publieraient pas aussi régulièrement des statistiques.

Cette note d'analyse s'intéresse aux conséquences sexospécifiques de la pandémie de COVID-19 en Afrique au Sahel avec une mise en relief des contestations et initiatives féminines face à la crise et aux mesures prises par l'Etat ... 

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[1]  Cette affirmation est attribuée à l'Envoyée spéciale de l'Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité: Madame Binta Diop:  https://fr.africanews.com/ 2020/06/20 / la-covid -19- impacte-plus-les-femmes-en- afrique-oms //  consulté le 28 JUIN 2020

 

Jusqu’où ira l’intervention de la Turquie en Libye ? Conscients des dangers de cette intervention, le Président algérien appelle à une concertation entre les pays riverains dont en particulier l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte pour arrêter les interventions étrangères, trouver une solution interne et négociée entre les libyens et éviter la partition du pays. Mais quels moyens ont-il pour empêcher le gouvernement d’Ankara de poursuivre sa politique interventionniste surtout qu’ils est soutenu financièrement par la Qatar, sur le terrain par les groupes jihadistes de différentes  factions de l’islam politique, internationalement par l’Italie, l’Ukraine et les Etats-Unis qui comptent sur la Turquie pour contenir l’intervention de la Russie et ses alliés en Libye. 

 

Les résultats de la rencontre entre le Présidents tunisien Kaïs Saied et le Président Français, quelques jours après un accrochage, qui aurait pu connaître une tournure dramatique, entre un navire turc et une frégate française chargée de sur veiller l’embargo sur la livraison d’armes à la Lybie, montrent l’impuissance des pays riverains à contrer l’offensive dangereuse de la Turquie en Afrique du Nord. Les divisions internes à chaque pays par rapport cette offensive, comme celles qui opposent le Chef de l’Etat Tunisien au Président islamiste du Parlement, ne sont pas de nature à faciliter une prise de position claire et déterminée contre la politique turque et contre toutes les interventions étrangères en Libye.